Lors d’une confrontation organisée entre un expert en débats et l’intelligence artificielle Project Debater d’IBM, c’est l’humain qui a réussi à rallier les observateurs à son point de vue en développant des arguments plus efficaces.


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    Victorieuse aux échecs, l'intelligence artificielle d'IBMIBM a en revanche échoué à convaincre un auditoire lors d'un débat sur un sujet de société organisé contre un humain, a indiqué le groupe informatique mardi. À l'issue de ce débat organisé en public lundi à San Francisco (ouest), c'est Harish Natarajan, champion de compétitions de débats, qui a été déclaré vainqueur contre l'ordinateur Project Debater bourré d'intelligence artificielle, a expliqué IBM.

    Les deux candidats avaient eu 15 minutes pour préparer une discussion sur l'intérêt de subventionner les écoles maternelles : le programme d'IBM a plaidé en faveur des subventions, estimant qu'il s'agissait d'un outil important pour aider les plus défavorisés tandis que son contradicteur humain a affirmé que cela ne réglait pas les causes profondes de la pauvreté et qu'il s'agissait plutôt d'un « cadeau politique » aux classes moyennes.

    Une aide à la prise de décision

    Avant le débat, 79 % du public pensaient qu'il fallait subventionner les écoles maternelles et 13 % pensaient l'inverse. Mais après la discussion, ils n'étaient plus que 62 % à être en faveur des subventions tandis que la proportion d'opposants était passée à 30 %. Pour autant, IBM a estimé qu'il n'était pas question de « perdre ou gagner » mais plutôt de créer une intelligence artificielle « en mesure de maîtriser le monde infiniment complexe et riche du langage humain ».

    Il s'agissait d'un nouveau défi pour le groupe américain après la victoire de son superordinateursuperordinateur Deep Blue contre un grand joueur d'échecs ou celle de Watson lors du jeu de culture générale Jeopardy. Pour Ranit Aharanov, à la tête de l'équipe Project Debater, l'intelligence artificielle peut aider les humains dans la prise de décisions difficiles, en « aidant à comprendre les deux facettes d'un problème ».


    IBM Project Debater : cette IA peut débattre avec les humains

    Article de Marc ZaffagniMarc Zaffagni, paru le 24/06/2018

    IBM vient d'organiser une série de débats entre son IA et des humains au cours desquels la machine a remporté une victoire. Le système pourrait un jour servir à la prise de décision.

    Après la victoire de Deep Blue contre le champion d'échecs Garry Kasparov en 1997, celle de Watson au jeu télévisé Jeopardy! en 2011, IBM s'est lancée un nouveau défi : créer une intelligence artificielle capable de débattre en direct avec un humain. Lancé en 2012, le programme Project Debater d'IBM Research vient d'être présenté au grand public.

    Lors d'un débat organisé en présence de la presseProject Debater a été confronté à deux débatteurs chevronnés. Lors d'un premier duel portant sur la subvention de l'exploration spatiale, Noa Ovadia (champion d'Israël de débat en 2016) a réussi à rallier à ses arguments deux personnes de l'assistance. Mais, dans le deuxième débat consacré à la télémédecinetélémédecine, l'IA d'IBM Research a fait basculer neuf personnes dans son camp face à Dan Zafrir (président de la Société internationale de débat en Israël) en défendant l'idée d'une augmentation de l'usage de cette technologie.

    L'art du débat est l'un des piliers qui définissent l'humanité et sur lequel se sont fondées, entre autres, les démocraties, les sciences et la politique. Concevoir une intelligence artificielle capable de réunir des informations sur un thème donné, de les organiser dans un discours étayé et d'ajuster ses réponses en temps réel en fonction des arguments de son opposant est un progrès tout à fait impressionnant.

    Image extraite du débat organisé entre <em>Project Debater</em> et l’expert Dan Zafrir. © IBM Research
    Image extraite du débat organisé entre Project Debater et l’expert Dan Zafrir. © IBM Research

    L'IA d'IBM n'a pas connaissance des sujets à l'avance

    Les débats, dont on peut voir quelques courts extraits dans cette vidéo d'IBM Research, se sont déroulés selon un format classique. Project Debater et son contradicteur humain ont eu chacun quatre minutes pour leur propos liminaire, suivies de quatre minutes pour réfuter les arguments adverses et enfin deux minutes de conclusion. IBM précise que son IA n'avait pas connaissance des sujets à l'avance et qu'elle n'avait pas été entraînée préalablement.

    Pour construire son argumentaire, Project Debater puise tout d'abord dans un vaste corpus de plusieurs centaines de millions d'articles de presse dans lesquels il glane des éléments qu'il va confronter avec Wikipédia. Le programme n'apprend pas à connaître un sujet pour le défendre ou le contester. Il collecte des arguments existants les plus pertinents en fonction de la position qu'on lui demande d'adopter et s'en sert pour construire son discours. Nous sommes donc encore dans quelque chose de très mécanique, dont le succès repose sur une puissance de calcul massive pour compulser un très grand volumevolume de données en temps réel.

    Mais le système a aussi été entraîné à analyser les nuances d'un discours pour distinguer le pour et le contre. Grâce à l'applicationapplication de reconnaissance vocale Watson Speech to Text, l'IA d'IBM peut capter les points clés de l'argumentaire de son opposant et s'en servir pour préparer sa réfutation en comprenant les mots eux-mêmes mais aussi le contexte dans lequel ils sont employés.

    Si la démonstration d'IBM Research est faite pour impressionner, le potentiel concret de Project Debater est ailleurs. Ses concepteurs le voient comme un outil d'aide à la prise de décision fondée sur des arguments impartiaux. « L'objectif est de construire un système qui aide les gens à prendre des décisions fondées sur des preuves lorsque les réponses ne sont pas manichéennes », explique IBM Research. Par exemple, dans un futur peut-être pas si lointain, les législateurs pourraient faire appel à l'assistance d'une intelligence artificielle pour examiner sereinement, et en toute impartialité, certains projets de loi sensibles. Une chose est sûre, le débat sur la place des IA dans nos sociétés ne fait que commencer...