A l'aide de calculs et à grand renfort de puissance informatique, un groupe de chercheurs italiens a reconstitué le son de plusieurs instruments anciens, décrits par des textes ou des peintures et datant pour certains de plus de deux mille ans. Après un concert où joue un épigonion virtuel, l'équipe en promet d'autres qui nous feront entendre salpinx, barbitons, aulos et syrinx, grâce à une formation baptisée Orchestre des sons perdus...

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    Soit un instrument de musique quelconque. Considérer comme connues les données suivantes : forme, matériaumatériau, principe (à ventvent, à cordes, à percussion) et paramètres principaux (tension des cordes, dimensions des trous...). Première partie du problème : déterminer par le calcul la forme des ondes sonoresondes sonores qu'il produira. Deuxième partie : reconstituer le son ainsi calculé sur un ordinateur. Troisième partie : organiser un concert dont fera partie cet instrument reconstitué virtuellement.

    Voilà l'exercice sur lequel a planché une équipe italienne éclectique, regroupée dans le projet Astra (Ancient instruments Sound/Timbre Reconstruction ApplicationApplication) et réunissant des informaticiens de l'Institut de physiquephysique nucléaire de Catane (INFN Catania), un mathématicienmathématicien spécialiste du son sur ordinateur de l'université de Salerne, deux chercheurs du Conservatoire de musique de Salerne et un musicien du Conservatoire de musique de Parme.

    Il y a quatre ans, pour commencer par un instrument simple, l'équipe du projet s'est attaquée au monocorde, un instrument étudié par Pythagore en personne. Elle s'est ensuite attelée à un exercice plus difficile, l'épigonion. Cet instrument grec est attesté depuis le deuxième siècle avant Jésus-Christ et représenté sur plusieurs gravuresgravures. Il ressemble à une petite harpe ou à un psaltérion, un instrument médiéval. On peut savourer un enregistrement d'une sonate de Scarlatti en ré mineur (ou en sol mineur), un morceau du dix-huitième siècle. Puis, en décembre dernier, l'équipe produisait son premier concert, installant l'épigonion numérique au sein d'une véritable formation.


    Le Lost Sound Orchestra (Orchestre des sons perdus) joue le Laetus Sum, de Jan Dismas Zelenka. L'un des instruments est un synthétiseur piloté par ordinateur et fait revivre le son de l'épigonion, instrument à cordes de la Grèce antique. © Astra Project

    Bientôt un concert d'instruments disparus !

    Le travail a été long. Il faut d'abord modéliser intégralement l'instrument, sous forme d'algorithmes et d'équationséquations différentielles. Le travail doit être réalisé pour chacune des notes qu'il sera possible de jouer et qui correspondent chacune à une certaine configuration mécanique de l'instrument, donc à un certain ensemble de paramètres pour le modèle. La puissance informatique requise est importante. Les auteurs estiment qu'avec un PC muni d'un Pentium IV à 1,6 GHz et de 512 Mo de mémoire, il faudrait quatre heures de calcul pour reconstituer un son durant 30 secondes.

    L'équipe d'Astra a utilisé non pas un ordinateur mais un ensemble de ressources dispersées, réparties en grille, en l'occurrence Gilda (en Italie) et Eumedgrid (à l'échelle européenne), réunies par trois réseaux européens, Dante, Eumedconnect et Géant2.

    Forte de ce premier succès, l'équipe du projet Astra a créé... un orchestre, le Lost Sound Orchestra, qui n'est composé que d'instruments anciens ou disparus et reconstitués sous forme numérique. Outre l'épigonion, on y compte une cithare, une lyre, un barbiton (une lyre jouant dans les basses), une syrinxsyrinx (sorte de flûte de Pan), une salpinx (lointain ancêtre grec de la trompette), un aulos (une flûte double) et des instruments de percussion.

    Après la modélisationmodélisation, il reste un autre travail : les interprètes doivent apprendre à jouer de ces instruments venus du fond des âges. C'est en principe « à la fin de l'été » que ce Lost Sound Orchestra produira un concert réunissant tous ces instruments. A suivre...