Des chercheurs de l’université de Yale aux États-Unis ont réalisé un appareil qui peut absorber les rayons de lumière émis par un laser. Il pourrait s’avérer très utile dans la conception d’ordinateurs optiques utilisant les photons plutôt que des électrons pour véhiculer l’information.

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    Les longueurs d’onde des rayons qui entrent en collision sont identiques. Les ondes se superposent et finissent par s’absorber mutuellement. © Yidong Chong

    Les longueurs d’onde des rayons qui entrent en collision sont identiques. Les ondes se superposent et finissent par s’absorber mutuellement. © Yidong Chong

    En science comme ailleurs, le dire c'est bien, le faire c'est mieux. Les scientifiques de l'université de Yale aux États-Unis ont mis en œuvre une idée géniale (évoquée seulement en théorie par leurs confrères physiciensphysiciens) en réalisant ce qu'ils appellent un antilaser. Cet instrument d'un nouveau genre est capable d'absorber et de dissiper les rayons d'un laserlaser.

    Pour mémoire, un laser (pour Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation) est un instrument qui excite des électronsélectrons afin d'émettre une lumièrelumière dont tous les photonsphotons possèdent la même fréquence et la même longueur d'ondelongueur d'onde. Une telle lumière est dite cohérente. Les scientifiques savent depuis longtemps créer des absorbeurs de lumière blanche (celle qu'on peut décomposer avec un prisme) mais pas des absorbeurs de lumière cohérente.

    Le dispositif antilaser contient une cavité en silicium dans laquelle deux rayons lasers de même longueur d’onde convergent et entrent en collision frontale. © <em>Science</em>/AAAS
     
    Le dispositif antilaser contient une cavité en silicium dans laquelle deux rayons lasers de même longueur d’onde convergent et entrent en collision frontale. © Science/AAAS

    Un dispositif inverse à celui d’un laser

    Un antilaser y parvient en réalisant exactement l'opération inverse de celle effectuée par un laser. Il convertit les photons d'un laser en chaleurchaleur ou en électricité, c'est-à-dire en électrons. Le physicien Douglas Stone, qui anime avec son confrère Hui Cao les recherches sur ce sujet au sein de l’université de Yale, avait émis l'idée d'un tel antilaser en juillet 2010 dans un article de Physical Review Letters où il s'appuyait sur les travaux théoriques de ses confrères physiciens. Il lui a fallu un an avant de parvenir à en fabriquer un avec l'aide de l'équipe de Hui Cao. Un compte rendu de leur réalisation a été publié dans la revue Science, parue le 18 février dernier.

    Le cœur de leur dispositif est une cavité en siliciumsilicium d'1 micromètremicromètre d'épaisseur capable de piéger les photons de lumière cohérente qui y entre et de les transformer en chaleur et en électricité. Dans le dispositif expérimental, un jeu de miroirsmiroirs dédouble dans un premier temps un laser titanetitane saphir et le fait converger en deux points d'entrée opposés dans la cavité. Les deux rayons y entrent alors en collision frontale et se dissipent en libérant des électrons. L'appareil ne peut absorber qu'une longueur d'onde à la fois mais elle peut être modulée en variant l'épaisseur de la couche de silicium. Les chercheurs de Yale parlent ici d'absorbeur parfaitement cohérent (CPA pour Coherent perfect absorber en anglais).

    Les ordinateurs optiques devraient en profiter

    Un tel dispositif pourrait trouver des applicationsapplications dans l'imagerie médicale, les télécommunications et l'informatique. Il pourrait devenir un composant essentiel des ordinateurs optiques de demain. Présentés comme les successeurs potentiels des ordinateurs actuels, ces derniers utilisent la lumière au lieu des électrons pour coder et traiter l'information, ce qui leur permet en théorie de gagner en vitessevitesse et en taille.

    Les antilasers ou absorbeurs de lumière cohérente devraient permettre de construire les équivalents optiques des composants électroniques utilisés dans les ordinateurs actuels. En absorbant la lumière d'une longueur d'onde donnée et en laissant passer les autres longueurs d'onde, ils joueraient par exemple le rôle de commutateur optique. Ils pourraient aussi servir à créer des portesportes logiques (inversion de lumière, opérateurs booléens, etc.).

    La route est encore longue avant d'y parvenir car ces technologies conçues en laboratoire sont coûteuses et doivent être considérablement miniaturisées. La cavité en silicium qui absorbe la lumière cohérente mesure actuellement environ 1 centimètre de rayon alors que sa taille devrait être de quelques microns pour autoriser son intégration dans un ordinateur optique.

    Un autre défi des scientifiques est d'améliorer l'efficacité de leur antilaser. La version actuelle n'absorbe que 99,4 % de la lumière cohérente entrante alors que le seuil théorique maximum est de 99,999 %. L'utilisation de lasers plus précis et de matériaux plus performants que le silicium devrait permettre d'atteindre ce taux d'absorptionabsorption.