En Ukraine, les communications radio de l'armée russe ne sont pas toujours chiffrées. Une fois qu'elles sont collectées par un émulateur radio, une IA est chargée de les traduire et de les analyser. Une mine d'or pour le renseignement, mais un outil qui pourrait s'avérer à double tranchant à terme, sur le champ de bataille.


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    « Yug 95, avez-vous des contacts avec un senior ? Avertissez-le des tirs d'artillerie au niveau de l'autoroute. Sur les tirs d'artillerie de la route. N'avancez pas par colonne. Déplacez-vous prudemment. » Cette communication radio entre soldats russes a été interceptée, collectée et analysée début mars par une Intelligence artificielle américaine. Elle montre l'état de panique dans lequel se trouvait une colonne de blindés russes face à un tir d'artillerie de l'armée ukrainienne. Le reste de la discussion peut aussi révéler les manœuvres que comptent réaliser les blindés pour échapper aux tirs.

    Comme dans de nombreux autres cas, cette communication radio était non chiffrée, ce qui a surpris les observateurs et spécialistes militaires occidentaux. Est-ce le signe d'un manque de préparation, d'une trop grande confiance de l'armée russe dans ses capacités, mêlée à la sous-estimation d'un ennemi bien plus futé que ce qu'elle n'avait imaginé ? En tout cas, l'interception de ces communications par les militaires ukrainiens peut faire la différence sur le terrain.

    Avec ses algorithmes développés par la société américaine Primer spécialisée dans le renseignement, l'intelligence artificielle a pu collecter, retranscrire, traduire et analyser le contenu de ce type de conversations. C'est avec ce genre d'outil que de nombreuses communications entre militaires russes ont été publiées et traduites sur les réseaux sociauxréseaux sociaux. Mais, dans le cas précis de Primer, l'atout de cette IA, c'est sa puissance du traitement du langage naturel et la pertinence de l'analyse de ces communications. Leur interprétation automatique en temps réel est décisive sur le terrain pour adapter les stratégies face à une armée puissante.

    Ce twittos collecte les conversations radio non chiffrées entre unités russes. Dans cet exemple, il livre des coordonnées de tir énoncées par l’officier russe à son artillerie. Des tirs qui visent la ville portuaire de Marioupol. © @xateond

    L’IA dans la guerre

    Primer est déjà aguerri dans la production d'IA entraînées à transcrire et traduire les appels téléphoniques. Depuis le début de l'invasion, la société s'est lancée dans la capture des communications radio des Russes à l'aide d'un logiciel émulant un récepteur radio. Ses algorithmes viennent alors supprimer les bruits qui altèrent l'écoute et extraient uniquement les paroles. Ensuite, le traitement permet d'identifier les instructions et manœuvres que les unités comptent réaliser. Il a aussi fallu adapter l'algorithme au vocabulaire spécifique militaire de l'armée russe. Pour le moment, l'entreprise n'a pas indiqué avec qui elle travaille, mais il y a des chances que l'armée ukrainienne bénéficie de sa solution.

    Même si, dans de nombreux cas, les IA de reconnaissance vocale utilisées dans cette guerre sont moins puissantes, ce procédé montre une fois de plus comment l'OSINT (Intelligence Open SourceOpen Source) est devenu un puissant outil de renseignement. Outre la reconnaissance vocale et son traitement, Futura avait expliqué que les outils de reconnaissance faciale étaient utilisés massivement pour identifier les soldats russes dans les vidéos. C'est peut-être d'ailleurs de cette façon que des officiers supérieurs ont été ciblés précisément. De même, alors qu'ils en avaient l'interdiction, les soldats russes ont parfois utilisé leurs smartphones en révélant leur géolocalisation et, dans certains cas, leur état d'esprit. Avec cette guerre, la technologie est devenue un atout majeur pour une armée inférieure en nombre face au bulldozer russe. 

    Mais, dès lors que l'on repose ses décisions uniquement sur l'IA sans discernement, cela peut également avoir des conséquences catastrophiques. Les biais des algorithmes pourraient mal interpréter des actions. Et puis, si pour l'instant l'utilisation de l'IA sur le champ de bataille surprend, lorsque les armées seront conscientes de son efficacité, elles feront tout pour induire en erreur les algorithmes et les rendre contreproductifs, voire dangereux.

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