Le Jet Propulsion Laboratory de la Nasa a organisé une course entre des drones autonomes et un pilote humain. Résultat : si l'Homme a encore le dessus, l'écart avec l'intelligence artificielle (IA) est faible. Cette dernière a même fait montre de qualités de pilotage prometteuses, pour le meilleur ou peut-être le pire…

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    Les courses de drones sont de plus en plus populaires, avec des championnats internationaux et des pilotes professionnels. Munis de lunettes FPV (First Person View, « vue subjective ») pour le vol en immersion, ces personnes font preuve d'une dextérité et de réflexes à toute épreuve pour manier leurs engins à très haute vitessevitesse sur des parcours piégeux. Face à eux, les drones autonomes conduits par des algorithmes semblent encore bien lents dans leur capacité à gérer les obstacles et à naviguer. Mais cela ne devrait pas durer.

    Le Jet Propulsion LaboratoryJet Propulsion Laboratory (JPL) de la NasaNasa a récemment organisé une course opposant des drones autonomes à un pilote professionnel du nom de Ken Loo. Ce dernier s'est imposé, mais la performance des drones de la Nasa laisse entrevoir de grands progrès en matièrematière de navigation. L'agence spatiale travaille depuis deux ans sur un programme de drones autonomes financé par GoogleGoogle.

    À gauche, l’un des drones autonomes conçus par le <em>Jet Propulsion Laboratory </em>de la Nasa. À droite, le drone piloté par Ken Loo qui s’est imposé. © Nasa, <em>Jet Propulsion Laboratory</em>

    À gauche, l’un des drones autonomes conçus par le Jet Propulsion Laboratory de la Nasa. À droite, le drone piloté par Ken Loo qui s’est imposé. © Nasa, Jet Propulsion Laboratory

    La Nasa utilise la technologie Tango de Google

    Le géant de l'Internet s'intéresse en particulier à la technologie de navigation basée sur la vision que la Nasa a développée pour les vaisseaux spatiaux. Le système a été transposé à des drones, en intégrant la technologie de numérisation 3D en temps réel Tango, développée par Google et qui a notamment servi pour cartographier l'intérieur de la Station spatiale internationale (ISSISS).

    Le JPL a construit trois drones autonomes surnommés « Batman », « Joker » et « Nightwing » capables de voler jusqu'à 130 km/h. Équipés de deux caméras avec objectif grand angle (l'une à l'avant, l'autre sur le ventre de l'appareil), ils filment leur environnement en temps réel tandis que l'intelligence artificielle (IA) corrèle ces informations avec une carte du circuit préenregistrée qui contient la trajectoire à suivre.


    Cette vidéo tournée par le Jet Propulsion Laboratory de la Nasa nous montre la confrontation entre le drone autonome (AI driven) et un pilote humain (human driven). © Nasa, Jet Propulsion Laboratory

    Le drone IA de la Nasa moins rapide mais plus constant

    Lors de la confrontation sur le parcours créé par le Jet Propulsion Laboratory, Ken Loo s'est montré plus rapide avec une moyenne de 11,1 secondes au tour contre 13,9 secondes pour le drone autonome. En performance pure, l'écart est énorme. Mais la Nasa pointe tout de même un avantage crucial pour ses machines : elles sont plus constantes dans leurs trajectoires.

    Là où l'humain pilote de manière plus agressive, avec des accélérations subites et des manœuvres plus saccadées, le vol du drone autonome est toujours fluide. Tour après tour, ce dernier empruntait exactement le même chemin, ce qui témoigne de la précision de son système de navigation. Reste que cela n'avantage pas l'IA face à la créativité du pilote humain. Pour le moment du moins, car la marge de progression des algorithmes de vision est très importante et, surtout, la machine ne connaîtra pas la fatigue visuelle qui affecte tous les pilotes de drones au bout d'un certain délai.

    Pour la Nasa, et Google, le principal intérêt de cette expérimentation réside dans le système de navigation basé sur la vision et la cartographie 3D en temps réel, qui sont une alternative au GPS pour évoluer à l'intérieur des bâtiments. Cette technologie pourrait se retrouver un jour sur des drones ou des robots amenés à travailler dans des entrepôts ou à évoluer sur des zones sinistrées lors de missions de sauvetage.

    Bientôt des drones tueurs ?

    Dans une perspective nettement plus inquiétante, des drones mus par une IA pourraient aussi devenir des tueurs d'une précision sans pareille. C'est ce que l'on découvre dans la vidéo Slaughterbots (voir ci-dessous), réalisée par des associations et des organisations non gouvernementales réunies sous la bannière Campaign to Stop Killer Robots. Depuis 2013, ce regroupement international milite pour l'interdiction des armes autonomes. Ce court-métrage a été diffusé lors de la Convention de l'Organisation des Nations Unies sur certaines armes classiques (CCAC) qui s'est tenue il y a une dizaine de jours et s'est penchée sur les systèmes d'armes létales autonomes (Lethal Autonomous Weapon Systems, LAWS) et la nécessité de leur encadrement.

    Dans la vidéo, des drones miniatures évoluant seuls ou en escadrilles utilisent la reconnaissance faciale et la détection de mouvementsmouvements pour repérer des cibles humaines et les assassiner avec une précision chirurgicale. Le court-métrage montre comment de tels engins pourraient servir aussi bien à lutter contre des criminels armés ou des terroristes qu'à éliminer des opposants politiques. Une fiction d'autant plus glaçante que les technologies décrites existent déjà pour la plupart. 


    Ce court-métrage de fiction met en scène des drones tueurs capables d’éliminer des cibles avec une précision chirurgicale. Entre de mauvaises mains, ceux-ci pourraient devenir des armes de répression sans équivalent. © Stop Autonomous Weapons

    Pas de décisions concrètes concernant les armes autonomes

    Malheureusement, les discussions de la CCAC n'ont pas abouti à des décisions concrètes. « Alors que nous sommes sur le point de pouvoir concevoir des armes autonomes, nous ne sommes pas en mesure de coder ces armes avec les jugements humains, les normes et les lois nécessaires pour contrôler adéquatement leur comportement ou assurer le respect du droit international humanitaire ou des droits de l'Homme », peut-on lire dans l'un des comptes rendus publiés par Reaching Critical Will (RCW), le programme de désarmement de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté qui a assisté aux réunions de la CCAC.

    Malgré ce constat et les avertissements de nombreux experts, il s'avère qu'un certain nombre d'États sont favorables au « wait and see » et préfèrent attendre de voir ce que donneront exactement les armes autonomes. Pourtant, Slaughterbots nous en donne un avant-goût déjà assez édifiant...