La proportionnelle intégrale est un mode de scrutin qui a pour but de donner à chaque parti politique un nombre de sièges proportionnel au total des suffrages qu'il a obtenu. Pour ce faire, plusieurs méthodes (algorithmes) de calcul existent.


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    Certains mouvements sociaux réclament la proportionnelle intégrale. A priori une idée simple. Pour un parti, 10 % d'électeurs donne 10 % d'élus ! Comment réaliser ce résultat mathématiquement parlant ?

    La répartition des suffrages. © Lankazame, <em>wikipedia commons, </em>CC 3.0
    La répartition des suffrages. © Lankazame, wikipedia commons, CC 3.0

    Réponse 

    Il existe plusieurs méthodes pour essayer de réaliser ce résultat. Nous décrivons ici les deux principales, dues toutes les deux à des politiciens américains, Hamilton et Jefferson. Pour les étudier et les comparer, prenons un exemple. Admettons que trois partis, Alpha, BêtaBêta et Gamma, se présentent aux élections, et que 100 sièges soient à pourvoir. Comment faire pour que le nombre de sièges de chacun soit proportionnel au nombre de ses électeurs ?

    Cas idéal

    Imaginons un cas où les votes se répartissent ainsi :

    Alpha

    25000

    Bêta

    21000

    Gamma

    4000

    Le nombre total d'électeurs est égal à 50.000 ce qui fait un siège pour 500 électeurs, on obtient ainsi la répartition des sièges :

    Alpha

    50

    Bêta

    42

    Gamma

    8

    Bien entendu, il est presque impossible que les divisions tombent juste comme dans ce cas !

    Cas plus réaliste

    Imaginons maintenant un cas où les divisions admettent des restes :

    Alpha

    24900

    Bêta

    21100

    Gamma

    4000

    Le nombre d'électeurs est le même, on obtient la répartition des sièges :

    Alpha

    49

    Bêta

    42

    Gamma

    8

    Un siège reste à pourvoir, à qui l'attribuer ? Deux algorithmes sont relativement naturels pour le faire, l'algorithme H et l'algorithme J.

    Algorithme H

    Le premier algorithme que nous présentons est dû à Alexander Hamilton (1757 - 1804), le premier secrétaire du trésor des États-Unis. On examine les voix utilisées (500 par siège) puis les restes de voix non utilisées :

    Alpha

    400

    Bêta

    100

    Gamma

    0

    On attribue le siège au plus fort reste, à Alpha ici. Bien sûr, il existe des cas plus compliqués comme celui-ci :

     

    voix

    sièges

    reste

    additif

    total

    Alpha

    27205

    44

    554,2

    1

    45

    Bêta

    25114

    41

    280,3

    0

    41

    Gamma

    8251

    13

    376,9

    1

    14

     

    Le nombre d'électeurs est égal à 60.570. Il faut donc 605,7 voix pour un siège. Le nombre de sièges est égal au quotient du nombre de voix par 605,7. Ainsi, 98 sièges sont attribués, il en reste 2, que l'on distribue dans l'ordre des restes selon le tableau ci-dessus.

    Paradoxe de la scission

    L'algorithme H (au plus fort reste) permet un paradoxe étonnant où un parti peut gagner des sièges en se scindant en deux. Dans l'exemple qui suit, le parti Bêta se scinde en Bêta1 et Bêta2, le total des électeurs reste le même... mais cet artifice lui fait gagner un siège !

     

    voix

    sièges

    reste

    additif

    total

    Alpha

    27205

    44

    554,2

    1

    45

    Bêta1

    13114

    21

    394,3

    1

              22

    Bêta2

    12000

    19

    491,7

    1

    20

    Gamma

    8251

    13

    376,9

    0

    14

    Algorithme J

    Le second algorithme que nous présentons est dû à Thomas Jefferson (1743 - 1826), le troisième président des États-Unis. Il consiste à répartir les sièges non attribués au plus fort taux (le rapport voix/siège). Voici un exemple où on compare les algorithmes H et J.

    H

    voix

    sièges

    reste

    additif

    total

    Alpha

    38846

    45

    362,9

    1

    46

    Bêta

    31912

    37

    300,3

    0

    37

    Gamma

    14760

    17

    221,9

    0

    17

    Le nombre d'électeurs est égal à 85.518. Il faut donc 855,18 voix pour un siège.

    J

    voix

    sièges

    taux

    additif

    total

    Alpha

    38846

    45

    863,2

    0

    45

    Bêta

    31912

    37

    864,2

    0

    37

    Gamma

    14760

    0

    0

    0

    0

    Selon l'algorithme utilisé, la répartition des sièges varie. Le paradoxe de la scission se retrouve avec l'algorithme J, avec un résultat qui peut être différent.

    Pourcentage minimal

    On peut essayer de limiter les effets du paradoxe de la scission, qui contribue à l'émiettement des partis politiques en réclamant un pourcentage minimal pour attribuer des sièges, 5 % comme aux élections européennes en France par exemple, 3 % en Italie. Dans aucun cas, un système proportionnel intégral n'est réellement possible.

    En conclusion

    L'objectif de la proportionnelle est de répartir les sièges en fonction des pourcentages de voix obtenues. Ce scrutin s'oppose à un système électoral majoritaire. Les résultats diffèrent en fonction des algorithmes retenus.

    Hervé Lehning

    En savoir plus sur Hervé Lehning

    Normalien et agrégé de mathématiques, Hervé Lehning a enseigné sa discipline une bonne quarantaine d'années. Fou de cryptographie, membre de l'Association des réservistes du chiffre et de la sécurité de l'information, il a en particulier percé les secrets de la boîte à chiffrer d'Henri II. 

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    À découvrir également : L'univers des codes secrets de l'Antiquité à Internet paru en 2012 chez Ixelles.