Un corsaire est un armateur ou un capitaine de navire civil, autorisé par une « lettre de commission » émanant du roi, à attaquer tout navire marchand battant pavillon ennemi, laissant à la marine de guerre le soin de s’attaquer aux objectifs militaires. Des corsaires célèbres ont laissé leur nom dans l’histoire maritime française : Jean Bart et Robert Surcouf ont respectivement servi Louis XIV et Napoléon Ier.


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    Les corsaires ne peuvent pas être confondus avec les pirates : ils exercent leur activité uniquement en temps de guerre, avec l'autorisation de leur gouvernement. Capturés, ils ont droit au statut de prisonnier de guerre ; ce type de guerre navale s'appelle la « guerre de course ».

    Le corsaire du roi n’est pas un pirate

    Le mot « corsaire » est utilisé dès le début du XVIe siècle, à côté du terme « pirate », ce qui prête à confusion. Les corsaires sont des civils mandatés par le roi (ou l'Etat) : ils combattent les navires de commerce sous pavillon étranger, avec un statut équivalent aux militaires, sans être rattachés à un état-major de la Marine royale. Les corsaires respectent la vie de l'équipage et ses biens personnels : seul le navire et sa cargaison font l'objet d'une prise ; une enquête doit établir si la prise est légitime et le bien est rendu dans le cas contraire. Les corsaires attaquent très rarement les navires de guerre et subissent peu de pertes humaines : entre 1692 et 1763, on estime que 0,6 % seulement des équipages de navires corsaires sont morts au combat.

    Combat de la corvette française <em>Dame Ambert</em> contre la frégate anglaise <em>Lily</em> en juillet 1804, par Jean-Baptiste Durand-Brager, vers 1850. Musée des Beaux-Arts de Bordeaux. © Wikimedia Commons, domaine public.
    Combat de la corvette française Dame Ambert contre la frégate anglaise Lily en juillet 1804, par Jean-Baptiste Durand-Brager, vers 1850. Musée des Beaux-Arts de Bordeaux. © Wikimedia Commons, domaine public.

    La « guerre de course »

    Elle apparaît au Moyen-Age lorsque les armateurs obtiennent le droit de représailles pour leurs navires pillés : cela consiste généralement à s'emparer d'un bien équivalent à celui qui a été perdu. La « guerre de course » est souvent utilisée pour pallier l'insuffisance de moyens vis-à-vis d'un adversaire disposant de la suprématie navale. C'est un système très avantageux pour l'Etat : l'armement du navire corsaire est à la charge de l'armateur et le gouvernement reçoit une partie de la revente du butin. Et c'est l'armateur qui paie la rançon lorsqu'il y a des marins corsaires prisonniers.

    Les Français vont adopter cette stratégie de « guerre de course » contre les Anglais durant les guerres maritimes du XVIIIe siècle, notamment au cours de la guerre de Succession d'Autriche (1740-1748) et pendant la guerre de Sept Ans (1756-1763). La « course » apparaît alors comme une activité de survie pour les ports de commerce français et les corsaires remplissent des missions que n'assure plus la Marine royale.

    Combat de la <em>Confiance</em>, navire corsaire de Robert Surcouf, contre le <em>Kent</em> anglais en octobre 1800, par Ambroise Louis Garneray vers 1850. Musée d'Histoire de Saint-Malo. © Wikimedia Commons, domaine public.
    Combat de la Confiance, navire corsaire de Robert Surcouf, contre le Kent anglais en octobre 1800, par Ambroise Louis Garneray vers 1850. Musée d'Histoire de Saint-Malo. © Wikimedia Commons, domaine public.

    Une réglementation très stricte

    Les corsaires font la guerre dans un but commercial : ils concluent un contrat appelé « chasse-partie » quelques jours avant le départ, avec des indications sur la destination et l'objet de l'expédition. Il est nécessaire d'avoir reçu une « lettre de marque » (ou lettre de commission) du roi pour attaquer les navires ennemis ; cette autorisation s'arrête avec la fin du conflit. L'équipage vainqueur est envoyé sur le navire saisi avec pour mission de le ramener à bon port pour revendre le bateau et sa cargaison, débarquer les prisonniers et proposer à l'armateur du navire saisi, la libération de son équipage contre rançon. Il est obligatoire de respecter la vie des prisonniers : les effets personnels des marins ennemis et des passagers ne font pas partie du butin ; des scellés sont posés sur les coffres et malles des prisonniers. Seuls le navire et sa cargaison peuvent faire l'objet d'une prise, à condition qu'elle soit jugée légitime par les autorités compétentes au retour de la course. Les marins ennemis sont prisonniers de guerre : ils peuvent être libérés ou échangés contre rançon à la fin des hostilités.

    "Le retour des corsaires - 1806", par Maurice Orange, fin XIXe siècle. Musée du Vieux Granville, Granville, Normandie. © Wikimedia Commons, domaine public.
    "Le retour des corsaires - 1806", par Maurice Orange, fin XIXe siècle. Musée du Vieux Granville, Granville, Normandie. © Wikimedia Commons, domaine public.

    A son retour de mission, le capitaine corsaire dépose son rapport à l'Amirauté : il est examiné par les officiers d'administration, ce qui déclenche une procédure de plusieurs jours. Personne ne peut descendre à terre tant que les officiers de l'administration maritime n'ont pas dressé le procès-verbal d'inspection du navire. Ils apposent leur sceau sur les écoutilles pour éviter que le butin ne soit débarqué de nuit. Les prisonniers sont interrogés et emmenés à la prison de la ville. L'équipage peut enfin quitter le navire et attendre le verdict du « tribunal des prises », nécessaire avant la vente aux enchères du butin. Le produit de la vente est partagé entre les personnes impliquées dans la mission du navire corsaire : le roi, les veuves des marins, les blessés, l'armateur et enfin l'équipage.

    Les corsaires célèbres

    Jean Bart (1650-1702) est la figure emblématique de ces corsaires dunkerquois qui pratiquent la « guerre de course » pour le compte du roi d'Espagne au XVIe siècle, pour les Provinces Unies puis le roi de France au XVIIe siècle. Célèbre pour ses exploits durant les guerres de Louis XIV, il devient corsaire du roi pendant la guerre de Hollande et accumule plus de cinquante prises de navires entre 1674 et 1678.

    Portrait de Jean Bart par Mathieu Elias, fin XVIIe siècle. Musée national de la Marine, Paris. © Wikimedia Commons, domaine public.
    Portrait de Jean Bart par Mathieu Elias, fin XVIIe siècle. Musée national de la Marine, Paris. © Wikimedia Commons, domaine public.

    Admis dans la Marine royale avec le grade de lieutenant de vaisseau en janvier 1679, il croise en Méditerranée contre les pirates barbaresques qui attaquent les navires de commerce français. En 1689, chargé de conduire un convoi de Dunkerque à Brest, il est fait prisonnier par les Anglais, réussit à s'évader et revient à Saint-Malo en traversant la Manche à la rame. Promu capitaine de vaisseau en juin 1689, il met au point une « guerre de course » fondée sur l'utilisation de frégates rapides et maniables. En juillet 1694, son exploit le plus célèbre est la reprise sur les Hollandais, devant le Texel (île néerlandaise en mer du Nord), d'un convoi de cent-dix navires chargés de bléblé que la France avait acheté à la Norvège. Jean Bart reçoit la croix de chevalier de l’Ordre de Saint Louis, institué par Louis XIV en 1693. Il est également anobli : dans ses lettres de noblesse, le roi autorise le corsaire à arborer une fleur de lys d'or sur son blason.

    Bataille navale du Texel en juillet 1694, par Eugène Isabey, XIXe siècle. Musée national de la Marine, Paris. © Wikimedia Commons, domaine public.
    Bataille navale du Texel en juillet 1694, par Eugène Isabey, XIXe siècle. Musée national de la Marine, Paris. © Wikimedia Commons, domaine public.

    Autre corsaire célèbre du roi Louis XIV, René Duguay-Trouin (1673-1736) est né dans une famille d'armateurs de Saint-Malo ; de 1691 à 1697, il est capitaine de navire corsaire puis de 1697 à 1713, il navigue comme officier supérieur de la Marine royale. Ses Mémoires permettent de mieux comprendre les enjeux de la guerre navale au tournant du XVIIIe siècle. Sa carrière se déroule sur les deux dernières guerres de Louis XIV : la guerre de la Ligue d'Augsbourg (1689-1697) et la guerre de Succession d'Espagne (1702-1713). Ce sont deux conflits d'envergure mondiale dans lesquels le royaume de France doit soutenir un immense effort militaire face aux deux grandes puissances navales hollandaise et anglaise. Le Régent Philippe d'Orléans nomme Duguay-Trouin au conseil d'administration de la Compagnie des Indes en 1723 et en 1728, il devient lieutenant général des armées navales et commandeur de l'ordre de Saint Louis.

    Portrait de René Duguay-Trouin par Antoine Graincourt, vers 1730. Musée national de la Marine, Paris. © Wikimedia Commons, domaine public. 
    Portrait de René Duguay-Trouin par Antoine Graincourt, vers 1730. Musée national de la Marine, Paris. © Wikimedia Commons, domaine public. 

    Citons également le malouin Robert Surcouf (1773-1827), promu capitaine corsaire à vingt ans, pour le compte de la Première République française : il harcèle les marines marchandes et militaires britanniques, en mer du Nord, dans l’Atlantique et dans l’océan Indien. Il est fait chevalier la Légion d'honneur en juin 1804, par Napoléon Ier ; il devient l'un des plus puissants armateurs de Saint-Malo. Le corsaire Surcouf repart en mars 1807, à la barre du Revenant, multipliant les prises et devenant la terreur du commerce britannique dans l'océan Indien. Dernier navire armé pour la course par Robert Surcouf en 1813, le Renard a fait l'objet d'une réplique exacte, lancée en mai 1991 par la ville de Saint-Malo.

    Navire "le Renard", réplique du cotre corsaire de Robert Surcouf de 1813. © Photo Eugène Le Droff.
    Navire "le Renard", réplique du cotre corsaire de Robert Surcouf de 1813. © Photo Eugène Le Droff.