Avant la Révolution de 1789, aucune réforme institutionnelle n’a été engagée pour remédier à l’incroyable chevauchement des anciennes divisions territoriales du royaume. Après l’abolition générale des privilèges, dont ceux particuliers des provinces, le projet de donner la même division territoriale à tous les services publics et à la représentation nationale, aboutit à la création des départements français en 1790.
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Chargé de ce grand travail de réforme, un comité est créé en juillet 1789, dont font partie Talleyrand, Sieyès et Le Chapelier.
Les bases du nouveau découpage administratif
Ce comité reprend d'abord l'idée du découpage géométrique des États américains, à partir d'une carte de France présentant 81 subdivisions carrées de 70 kilomètres de côté environ (18 lieues sur 18), chaque subdivision étant composée de neuf districts de neuf cantons chacun.
Les citoyens les plus éloignés du chef-lieu, doivent être en mesure de faire le trajet aller-retour à cheval sur la journée, selon le vœu de Condorcet. Mirabeau est plutôt partisan de 120 départements sans subdivisions intermédiaires, « pour rapprocher l'administration des hommes et des choses ». Le projet du comité Sieyès est basé sur la « Carte de France par quadrillage », proposée par le géographe Robert de Hesseln en 1786 ; elle permet sans doute aux députés de réfléchir sur la représentation politique proportionnelle des différentes régions mais la carte ne tient pas compte des données naturelles (relief, voies de communication, densité d'occupation du sol...)).
La carte du géographe Louis Hennequin, destinée à montrer l'emprise des nouveaux départements, ébauche les contours des futures circonscriptions. Le titre de ce document est manuscrit : on n'a pas eu le temps de faire graver l'état définitif d'un projet qui suscite déjà de nombreuses réclamations. Finalement la procédure de délimitation des provinces est assez pragmatique, grâce à la collaboration entre le comité de division et les députés de chaque province, avec des rectifications souvent liées à des préoccupations électorales. En décembre 1789, le projet de décret sur la division du royaume de France « en 75 à 85 départements » montre que les limites sont déjà fixées mais que les départements ne sont pas encore nommés : ils portent le nom de l'ancienne province ou celui de leur ville principale.
Le nombre de 83 départements est retenu par le décret du 26 février 1790 : le texte fixe les limites et les chefs-lieux des nouveaux départements dont le nom doit rompre avec les anciennes provinces du royaume. On choisit donc des noms de fleuves, de rivières, de montagnes... Le découpage territorial suscite des conflits mais il est réalisé en quelques mois et permet la mise en place de l'administration révolutionnaire. Véritables documents de travail, ces cartes laissent deviner la réflexion des députés chargés du projet « départements », souhaitant une administration juste et une égalité entre toutes les composantes de la nation.
Les raisons de la nouvelle organisation territoriale
Meilleure administration ? Égalité territoriale des citoyens ? La réforme des départements est avant tout politique car elle vise à légitimer la représentation proportionnelle des députés à l'Assemblée : chaque portion du territoire doit être équitablement représentée à l’Assemblée Nationale siégeant à Paris. Le département comme division nationale unique, devient le « module de base » de la vie politique et de l'administration. À partir des subdivisions territoriales (département, district, canton, commune), se met en place l'exercice régulier de l'élection : les Français vont progressivement expérimenter le fonctionnement d'une démocratie locale, où les notables élus détiennent seuls le pouvoir sans le contrôle d'agents de l'État (rôle des intendants sous l’Ancien Régime).
De 1790 à 1799, on considère que vingt consultations générales ont été organisées au niveau local ou national. Mise à part la période automneautomne 1793 - été 1795 (Terreur, guerres civiles en Vendée et dans le Midi), les Français ont voté au moins trois fois par an. À partir du Directoire (octobre 1795 - novembre 1799), l'exercice du pouvoir est indissociable de la représentation nationale et donc de l'élection.
Une France de 130 départements
À la veille du Consulat (décembre 1799 - mai 1804), le territoire français compte 113 départements : en effet dès 1792, la France en guerre s'étend considérablement et la majorité des régions annexées sont organisées en départements. Outre plusieurs nouveaux départements en métropole (Alpes-Maritimes, Vaucluse, Rhône, Loire...) et aux Antilles (Guadeloupe, Saint-Domingue), cela concerne également l'actuelle Belgique, les Pays-Bas, une partie de l'Allemagne (rive gauche du Rhin et côtes de la mer du Nordmer du Nord) et de la Suisse, le nord et le centre de l'Italie.
Les conquêtes successives de Napoléon Ier étendent encore le territoire français bien au-delà de son domaine de 1789. À son apogée, l'Empire compte 130 départements et même 134 si l'on inclut les éphémères départements français d'Espagne. Les villes de Rome, Hambourg, Amsterdam, Turin, Bruxelles et Aix-la-Chapelle deviennent des préfectures, au même titre que Bordeaux, RennesRennes ou Marseille. À la chute définitive de l'Empire en 1815, la France est réduite à 86 départements ; les trois départements supplémentaires par rapport à ceux de 1790 sont : le Vaucluse, le Tarn-et-Garonne construit sur des portions de départements voisins et la Loire issue du département Rhône-et-Loire qui devient le Rhône.
Le département, instrument de pouvoir du préfet
Sous le Consulat, les préfectures, nouvelles entités administratives, sont instaurées dans le cadre départemental. La fonction de préfet est créée par le Premier Consul Napoléon Bonaparte, le 17 février 1800 : le préfet (assisté de sous-préfets) devient l'autorité centrale et unique, représentant l'État sur le territoire du département. La fonction préfectorale remplace approximativement celle occupée sous l'Ancien Régime, par les intendants (administration dans le cadre des généralités). En 1788 et 1789, les cahiers de doléances réclament la disparition des intendants, qui est décrétée par l'Assemblée Nationale en décembre 1789. Les préfets retrouvent une part de pouvoir absolu vivement critiqué chez les intendants royaux.
L'autonomieautonomie relative des collectivités locales, organisées sur la base de l'élection, n'est pas du goût du Premier Consul qui décrète que le préfet sera seul chargé de l'administration dans le département. Le préfet devient l'intermédiaire obligé entre l'assemblée départementale et l'État, il est l'organe exécutif unique du département. Il contrôle le Conseil général dont les membres sont choisis par Bonaparte. Le préfet désigne même les maires et les adjoints des communes de moins de 5.000 habitants.