Symbole d'Alep et joyau du patrimoine syrien, la citadelle témoigne d'une histoire millénaire. Située au carrefour des routes commerciales depuis le IIIe millénaire av. J.-C, la citadelle d'Alep est le fruit d'une construction progressive. D’abord édifiée par les Séleucides au IIIe siècle av. J.-C., elle est ensuite agrandie sous les Romains, puis profondément modifiée par les dynasties islamiques, notamment les Zengides et les Ayyoubides, qui en font une forteresse imposante.


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    La citadelle d'Alep, inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO, s'élève sur une colline naturelle, au cœur de la vieille ville. Bien que les Ayyoubides soient les principaux responsables des grandes transformations de l'édifice, son développement architectural s'étend sur plus de 5000 ans, et se fait le témoin de l'évolution de son rôle stratégique et défensif de la ville d'Alep.

    Des origines antiques : la colline d’Alep, un site stratégique

    Au IIIᵉ millénaire avant notre ère, la colline d'Alep, sur laquelle repose aujourd'hui la citadelle, possède sert de centre religieux et défensif, comme en témoignent les textes cunéiformescunéiformes d'Ébla et de Mari. On y trouve alors un temple dédié à Hadad, le dieu de la tempêtetempête, ce qui vaut à Alep son appellation de « Ville de Hadad » lorsqu'elle devient la capitale du royaume de Yamhad. Ce sanctuaire, utilisé sans discontinuer entre le XXIVᵉ et le IXᵉ siècle avant notre ère, abrite des reliefs désormais étudiés grâce aux fouilles menées par l'archéologue allemand Kay Kohlmeyer.

    Stèle représentant le dieu de l'orage Adad brandissant des foudres - Musée du Louvre Antiquités orientales AO 13092 © Wikimédia Commons, domaine public
    Stèle représentant le dieu de l'orage Adad brandissant des foudres - Musée du Louvre Antiquités orientales AO 13092 © Wikimédia Commons, domaine public

    La colline est également ancrée dans des récits légendaires. Selon la tradition, le patriarche Abraham y aurait fait paître ses troupeaux, ce qui lie la ville aux mémoires sacrées des trois grandes religions monothéistes.

    Après le déclin de Yamhad, la colline passe sous le contrôle des États néo-hittites avant d'être incorporée à l'Empire assyrien (VIIIᵉ-IVᵉ siècles avant notre ère). Ce territoire est ensuite dominé par les Néo-Babyloniens, puis les Perses, jusqu'à la conquête par Alexandre le Grand en 333 avant notre ère. C'est durant l'époque hellénistique que Séleucos Nicator, l'un des généraux les plus éminents d'Alexandre le Grand et le fondateur de la dynastie séleucide, construit la première véritable citadelle en pierre sur la colline, constructionconstruction qui marque une étape décisive dans sa militarisation.

    Sous la domination romaine à partir de 64 avant notre ère, la ville conserve une organisation urbaine typique, avec un quadrillage de rues gréco-romain encore discernable dans le tissu urbain. Sous domination byzantine dès 395 elle tombe entre les mains des troupes musulmanes menées par le général Khalid ibn al-Walid en 637, après un long siège.

    La citadelle islamique : l’œuvre des Zengides et des Ayyoubides

    La citadelle d'Alep, telle qu'elle se présente aujourd'hui, doit son caractère monumental à l'apport des dynasties Zengide et Ayyoubide au XIIᵉ et XIIIᵉ siècles.

    L'empreinte des Zengides : la forteresse comme outil de défense

    Sous le règne de Nur ad-Din (1118-1174) la colline d'Alep est transformée en un véritable bastion militaire. Nur ad-Din, dans son combat contre les Croisés, entreprend de moderniser les infrastructures militaires de la région.

    La colline est alors dotée d'un système défensif élaboré, qui comprend des mursmurs en pierre renforcés et un fossé profond creusé autour de la base pour isoler la citadelle de la ville environnante. L'objectif est clair : protéger Alep des incursions croisées et des menaces internes tout en affichant le prestige de son autorité. Nur ad-Din met également en place des tours de guet à intervalles réguliers afin d'offrir une surveillance constante des environs.

    Citadelle d'Alep © Wikimédia Commons, domaine public
    Citadelle d'Alep © Wikimédia Commons, domaine public

    Ces travaux s'inscrivent dans une logique stratégique : la citadelle devient non seulement un rempart physique mais aussi un symbole de la résiliencerésilience et de la puissance zengide face aux puissances latines et mongoles.

    L’âge d’or sous les Ayyoubides : la citadelle comme cœur politique et culturel

    Avec l'arrivée des Ayyoubides, dynastie fondée par Saladin, la citadelle d'Alep connut son âge d'or. C'est surtout sous le règne d'Al-Malik al-Zahir Ghazi (r. 1186-1216), l'un des fils de Saladin, que la citadelle acquit sa splendeur actuelle. L'une des contributions majeures d'Al-Zahir réside dans la construction de l'entrée monumentale de la citadelle, aujourd'hui considérée comme un chef-d'œuvre d'architecture militaire islamique. Cette entrée, conçue sous forme de chicane complexe, combine fonctionnalité défensive et symbolisme politique avec  un pont à plusieurs arches, relié par des ponts-levis, qui contrôle l'accès à la citadelle, et les bas-reliefs ornant l'entrée qui représentent des lionslions, symboles de force et d'autorité, rappelant le pouvoir des souverains ayyoubides

    Sous les Ayyoubides, la citadelle est aménagée pour accueillir les fonctions administratives et résidentielles nécessaires à une capitale régionale. Al-Zahir fait bâtir des édifices la grande mosquée, située au cœur de la citadelle, le palais princier,doté de cours intérieures et de salles richement décorées, des bains publics et des espaces militaires comme les armureries, entrepôts et casernes qui sont modernisés pour garantir l'autosuffisance en cas de siège.

    Les Ayyoubides intègrent également des innovations défensives, adaptées aux nouvelles menaces, notamment l'usage croissant des machines de siège. Les murs sont épaissis, les tours renforcées, et les matériaux soigneusement sélectionnés pour résister aux assauts répétés des Croisés.