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    Si les modifications de la grande faunefaune sont perceptibles dans certaines régions dès le début du Bölling, elles restent opaques dans le Massif central jusqu'en 10 000 BP et la question du retrait du rennerenne n'est pas close (cf. supra). Examinons successivement ces deux aspects.

    Renne. © Jackmac34, Pixabay, DP
    Renne. © Jackmac34, Pixabay, DP

    Quels sont les grands herbivoresherbivores représentés dans le Massif central entre l'Alleröd et la fin de l'Atlantique, d'après les données actuelles ? La différence qui se dessine entre les deux secteurs pour le Paléolithique supérieur, semble, en l'état actuel de la documentation, non seulement persistante mais de surcroît accentuée. En effet, les sites de la Limagne occidentale témoignent de chasses où l'aurochs représente plus de 90 % des restes au sein de spectres relativement peu diversifiés alors que les deux seuls sites méridionaux documentés témoignent de chasses qui le sont visiblement davantage, où bouquetinbouquetin et sangliersanglier sont les mieux représentés (figure 12). 

    Fig. 12 - Spectres fauniques des sites du Magdalénien final, de l'Epipaléolithique et du Mésolithique (Fontana, 2000b, 2000c, 2003 ; d'après Pasty et al., 2002).
    Fig. 12 - Spectres fauniques des sites du Magdalénien final, de l'Epipaléolithique et du Mésolithique (Fontana, 2000b, 2000c, 2003 ; d'après Pasty et al., 2002).

    Des données qui soulèvent des questions

    Relevons trois questions :

    • tout d'abord, quelle signification attribuer au caractère unique (à l'échelle de l'Europe occidentale) de la très forte représentation de l'aurochs en Limagne occidentale ?
    • ensuite, que conclure de l'absence du sanglier et du chevreuilchevreuil dans les spectres de Limagne jusqu'en 7 500 BP ?
    • enfin, comment interpréter la discrétion du cerf dans tous les spectres fauniques, étonnante par rapport à ce que l'on connaît dans d'autres régions (Bridault et Fontana, 2003) ?

    Ces questions ont déjà été discutées en détail (Fontana, 2003c) et posent globalement le problème de la représentativité de ces spectres, c'est-à-dire la part du choix humain qui traduit une exploitation plus ou moins spécialisée de certains secteurs.

    La disparition du renne et la réorientation des chasses vers d'autres herbivores a probablement entraîné une modification des stratégies de chasse. Si les données actuelles ne nous permettent pas de documenter ce phénomène, elles devraient permettre, dans un premier temps, de situer chronologiquement le retrait du renne du Massif central.

    La datation la plus récente obtenue sur un reste de renne dans le Massif central est d'environ 12 300 BP pour la couche 6 du Pont-de-Longues (Fontana, 2000b).

    Plus de renne autour de 12 000 BP

    Nous devons à présent entreprendre la datation directe des restes de renne issus de niveaux supposés Magdalénien terminal (de la Haute-Loire) comme nous l'avons expliqué. En effet, si, comme nous le pensons, sur la base des dates actuelles et des résultats publiés pour l'est de la France, le renne a disparu autour de 12 200 BP (Bridault et al., 2000), alors nous pouvons provisoirement placer la césure à ce moment pour différencier des cortèges fauniques, avec ou sans renne (6). Peu importe qu'entre 12 300 et 12 000, les Hommes aient encore été des Magdaléniens ou bien déjà des Aziliens (ou autre appellation) (7) : un de leur gibier préférentiel n'était plus disponible, gibier dont les boisbois fournissaient la matière première des pointes et de certains outils, et gibier dont la structure sociale, grégairegrégaire, avait probablement engendré un type d'acquisition et d'exploitation bien précis à l'échelle du cycle annuel. L'éthologieéthologie des autres gibiers exploités (cheval, bouquetin et aurochs) ainsi que les produits obtenus étant en partie différents, les modalités d'acquisition du gibier (inconnues aujourd'hui) ont nécessairement été modifiées (8).

    La vérification du retrait du renne dès 12 300/12 200 BP (pour before present, avant le présent) est donc prioritaire pour confirmer l'idée que des Magdaléniens « terminaux » ont vécu entre 12 200 et 12 000 BP en exploitant des cortèges fauniques dépourvus de rennes : les occupations de Béraud et de Sainte-Anne 2 pourraient en être des illustrations.

    6 - Cette question est discutée en détail dans un autre article (Fontana et Bridault, en préparation).
    7 - Même si cette question devra être appréhendée en détail, autrement que par la réalisation de dates radiocarbone indépendantes de toute concertation interdisciplinaire.
    8 - Ce qui ne revient pas à nier les processus culturels dans la modification des industries.