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    • Comment interprétez-vous cette coupe sans précédent du budget alloué à la recherche?

    J'y vois d'abord une fidélité à une tradition des gouvernements de droite. Les coupures de crédits publics de la recherche, opérées en cours d'année pour faire face à une situation économique délicate, ont toujours été le choix de gouvernements conservateurs. Un seul d'entre eux a fait exception à cette règle: le général de Gaulle.

    De Gaulle a conduit une politique extrêmement favorable à la recherche qui était en parfaite cohérence avec sa vision prospective d'une France puissante et indépendante. Il a beaucoup misé sur l'armée mais aussi sur la recherche, notamment la recherche bio-médicale que son premier ministre Michel Debré a remarquablement modernisée.

    Ensuite, les choses n'ont cessé de se dégrader. Il a fallu attendre l'arrivée au pouvoir de Mitterrand, en 1981, et de son ministre Jean-Pierre Chevènement pour que les sciences redeviennent une priorité. Les gouvernements de gauche qui ont suivi ont globalement maintenu les crédits de la recherche.

    En revanche, ce sont les gouvernements Chirac puis Juppé qui ont décidé les coupes drastiques du budget de la recherche au cours des exercices 1986 et 1995. Celle décrétée aujourd'hui par le gouvernement Raffarin s'ajoute à cette liste. Mais elle est d'une ampleur sans précédent
    dans l'histoire de la recherche française.

    • Ce choix n'est donc pas simplement conjoncturel, il est l'expression d'une vision politique..

    Je le crains. C'est bien lorsqu'on est face à une situation économique exceptionnelle que l'on voit l'esprit d'une politique: on doit alors définir des priorités. Les secteurs prioritaires du gouvernement actuel sont la police, la justice, les prisons et l'armée. Je ne conteste pas ces choix, car ils correspondent, après tout, à un engagement électoral.

    Mais Jacques Chirac avait pris aussi un autre engagement : celui d'oeuvrer pour augmenter la part du PIBPIB consacrée à ce secteur. Or voilà cet engagement bafoué, alors même que le budget de la recherche suppose, pour être maintenu, un effort modeste. Une ponctionponction similaire sur le budget de la défense, par exemple, aurait à peine affecté ce dernier.

    La recherche de connaissances est un pari sur l'avenir, un pari sur la constructionconstruction d'une culture. A ma connaissance, aucun pays européen n'a pareillement ponctionné le budget de la recherche alors que la crise les affecte tous autant. Quant aux Etats-Unis, dont l'économie est également en berne, ils intensifient au contraire leur effort de recherche.

    • Comment expliquer cet effort américain ?

    L'Amérique - républicaine ou démocrate - a toujours beaucoup misé, pour construire sa puissance, sur la technologie. Elle n'a jamais perdu de vue le fait que le progrès technologique exige un soutien fort à la recherche fondamentale. Son souci de gagner le leadership en toute chose s'exprime là aussi.

    De fait, il est paradoxal que la France fasse le choix d'affaiblir sa force de recherche alors qu'est engagé un bras de fer Bush-Chirac sur une certaine vision du monde. Sur la question irakienne, Jacques Chirac fait un pari sur l'avenir très gaulien fondé sur le postulat, auquel je crois, qu'un monde unipolaire n'est pas viable parce qu'il n'est pas stable et qu'il engendrera un désordre mondial. Ce disant, il prend un risque important, car il mécontente la puissance dominante dont la France est très dépendante.

    Mais ce risque est calculé dans la mesure où il parie que les instabilités engendrées par ce monde unipolaire offriront à celui qui l'a contesté des possibilités pour demain. Mais encore faudrait-il se donner les moyens de saisir ces opportunités le moment venu, et donc investir aujourd'hui dans la recherche qui portera ses fruits demain. La politique de Chirac, c'est du gaulisme .. mais encore partiel. Encore un effort, Monsieur le Président.

    • Dans ce contexte de désaffection de la recherche, que signifie un plan anti-cancercancer ?

    Le plan anti-cancer correspond à une promesse du candidat d'améliorer la lutte contre la maladie et les soins aux malades. Il a le mérite de frapper l'opinion. Mais un tel plan est peu crédible s'il est accompagné d'une baisse des crédits à la recherche fondamentale, celle dont la première
    finalité est l'acquisition de connaissances. C'est de là que viennent les nouvelles idées, celles qui ne peuvent être programmées. Les nouvelles pistes de traitement du cancer viendront peut-être de la recherche sur les bactériesbactéries... L'un des domaines qui apporte aujourd'hui le plus de bénéfices aux cancéreux, c'est la recherche en optique et en physique qui a permis de développer les scanners et l'IRMIRM. C'était imprévisible. Un autre exemple, c'est le plan anti-cancer lancé par Nixon. Un échec mémorable car le programme finalisé ne disposait pas encore de bases fondamentales suffisantes.

    • Que signifie concrétement ce gelgel de crédits pour votre unité de recherche ?

    C'est une unité de 530 personnes. Les crédits gouvernementaux, qui représentent environ 50% du budget total, sont d¹environ trois millions d'euros. Les annulations et les gels de crédits - dont la réversibilité est très incertaine - se montent à un peu plus d'un million d'euros.

    Où va-t-on pouvoir tailler ? Notre unité travaille sur 12000 m2, générant 1,5 millions de dépenses incompressibles (électricité, loyers, entretien...). De fait, c'est essentiellement sur les dépenses liées à l'activité de recherche proprement dite (réalisation d'expériences, achat de matériel, etc) que pourront se faire les économies. Cela se traduira par une baisse de 50% de leurs crédits.

    • Quels sont les champs de recherche explorés par votre unité ?

    Une centaine de personnes travaillent dans le domaine du cancer. Nous explorons également des stratégies de thérapie géniquethérapie génique et cellulaire de diverses pathologiespathologies et les mécanismes génétiquesgénétiques des retard mentaux, du SidaSida, de l'hépatite Chépatite C.