La matière est composée de molécules. Les molécules sont composées d'atomes. Les atomes sont composés de noyaux et d'électrons. Les noyaux sont composés de protons et de neutrons. Les protons et les neutrons sont composés de quarks. Et, dans l'état actuel des connaissances, la structure gigogne s'achève à cette échelle.
La présentation simple et intuitive des molécules aux quarks ne permet pourtant pas de saisir l'essence de la physique des particules. Celle-ci ne repose pas aujourd'hui sur l'image de petits morceaux composites imbriqués les uns dans les autres. Il faut dépasser cette représentation pour deux raisons essentielles.
La première tient à ce que la physique classique ne suffit plus à l'échelle microscopique. Depuis plus d'un siècle, il est apparu évident qu'il fallait recourir à une autre physique : la mécanique quantique. C'est une étrange discipline qui a, au même titre que la relativité, révolutionné la science et conduit à des bouleversements très profonds. De l'aléatoire et du délocalisé s'invite dans la partie.
La seconde raison tient à l'importance centrale, en physique corpusculaire, des symétries. Une symétrie est une opération qui laisse un système inchangé. La physique des particules, plus que tout autre domaine, a tiré les conséquences extrêmes de l'existence des symétries. Elle est entièrement nervurée par cette démarche. Schématiquement, il est par exemple possible de considérer que l'interaction nucléaire faible est construite pour être invariante en tournant dans un espace dont les axes seraient l'électron et le neutrino. Ceci parce que, précisément, elle ne distingue pas l'un de l'autre. En physique des particules, l'idée s'est révélée si fructueuse qu'elle fut poussée plus loin encore. Ces symétries « globales », c'est-à-dire concernant tout l'espace, ont été appliquées de façon locale. Ce pas est extrêmement audacieux et nécessite un objet qui permet de véhiculer ces choix : un médiateur. Ces médiateurs sont justement ce qu'on nomme les « bosons de jauge ».
Les symétries jouent donc un rôle essentiel en physique de l'infiniment petit. Elles permettent non seulement de décrire correctement les différentes interactions, en particulier quand on les « localise », mais elles permettent aussi de les unifier. De cette manière, on comprend aujourd'hui que les forces électrique et magnétique peuvent être assemblées grâce au concept d'interaction électromagnétique. Au-delà, cette force électromagnétique peut être unifiée avec la force nucléaire faible pour conduire à l'interaction électrofaible. Cette démarche unificatrice fonctionne. Mais, si le monde est effectivement unifié, comment se fait-il qu'au quotidien les forces nucléaires se distinguent évidemment des forces électromagnétiques ? Heureusement, un feu de cheminée n'engendre pas une explosion atomique ! Il manque en effet un élément à ce puzzle : la brisure spontanée de symétrie. Le récemment découvert « champ de Higgs » joue, précisément, un rôle central dans le processus de brisure spontanée de symétrie. Ce champ est en quelque sorte ce qui permet de comprendre le caractère diversifié et foisonnant de notre monde en dépit de l'unité (c'est-à-dire de la symétrie) qui semble le sous-tendre à un niveau fondamental. Le Higgs permet de rompre la symétrie comme, dans l'exemple du crayon posé sur la pointe, le champ de gravité terrestre l'invitait à tomber. Il est aussi à l'origine des masses, parce qu'il confère une sorte de « viscosité » au vide : les particules s'y meuvent plus difficilement, comme on s'y attendrait intuitivement si elles devenaient massives. La particule de Higgs correspond à une excitation collective autonome de ce substrat rendant le vide « gluant ».
Ce processus de brisure de symétrie est de la plus haute importance en cosmologie. Au fur et à mesure de l'évolution cosmique, la température de l'univers a chuté. Différentes brisures se produisirent alors successivement.