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    Quel est le véritable aspect du cosmoscosmos ? Quelle serait l'apparence du firmament si nos yeux étaient nettement plus sensibles ? Ces questions sont essentielles pour la cosmologie. Il est pourtant impossible d'y répondre simplement.

    © ESO/M. Kornmesser, <em>Wikimedia commons</em>, CC by 4.0

    © ESO/M. Kornmesser, Wikimedia commons, CC by 4.0

    La lumière est une onde caractérisée par son énergie, et nos yeux sont ainsi sensibles à une gamme d'énergies extrêmement réduite. Il existe dans la nature des photons dont l'énergie peut être des milliers de milliards de fois plus grande ou plus petite que celle perçue par nos yeux. Le minuscule intervalle visible, représentant une gamme dont le maximum et le minimum ne diffèrent que d'un facteur deux, est à comparer au facteur gigantesque qui sépare les photons radio des photons gamma. Nous sommes presque totalement « aveugles », nous vivons dans un bain de rayonnements cachés.

    Cette extraordinaire diversité des images du monde que nous livre l'astrophysique contemporaine est au cœur de l'attrait de la (re)présentation scientifique de l'universunivers. Moins que l'esthétique -- plastiqueplastique ou chromatique -- d'une des représentations, c'est leur profusion qui me semble fascinante.

    Les ondes lumineuses de très basse énergie se nomment ondes radio. Les ondes radio ont révélé de nombreux processus non thermiques dans l'univers. En particulier, les ondes radio ont mis en évidence le rayonnement dit synchrotron qui, lui-même, témoigne de la présence de particules très rapides dans des champs magnétiqueschamps magnétiques. Beaucoup d'autres objets ont été découverts grâce aux ondes radio, à commencer par les fameux quasarsquasars.

    Le spectre des observations en astronomie est large, des ondes radio aux rayons gamma en passant par les micro-ondes et les rayons X. La bande de la lumière visible n'y occupe qu'une toute petite part, bien qu'elle soit celle où rayonnent la majorité des étoiles sur la séquence principale. Plusieurs instruments sont dédiés à l'observation d'une petite fenêtre sur le cosmos observable. Ainsi, Chandra observe dans le domaine des rayons X, alors que Herschel a observé dans celui de l'infrarouge (<em>infrared</em>). © <em>American Astronomical Society</em>

    Le spectre des observations en astronomie est large, des ondes radio aux rayons gamma en passant par les micro-ondes et les rayons X. La bande de la lumière visible n'y occupe qu'une toute petite part, bien qu'elle soit celle où rayonnent la majorité des étoiles sur la séquence principale. Plusieurs instruments sont dédiés à l'observation d'une petite fenêtre sur le cosmos observable. Ainsi, Chandra observe dans le domaine des rayons X, alors que Herschel a observé dans celui de l'infrarouge (infrared). © American Astronomical Society

    À un peu plus haute énergie, dans le domaine des micro-ondes, le ciel est baigné par le fond de rayonnement cosmologique. Ces ondes sont extrêmement nombreuses : des milliers de milliards de photons de cette nature heurtent notre main chaque seconde ! Du point de vue cosmologique, ce rayonnement est extraordinairement important. Mais du point de vue esthétique, tout au contraire, le ciel est plutôt sans intérêt à cette énergie : il est presque parfaitement uniforme.

    À plus haute énergie encore s'ouvre le domaine des infrarouges, dans lequel de nombreuses sources astrophysiques émettent l'essentiel de leur rayonnement. Il est important en ce qu'il révèle, par exemple, les zones de formation des étoilesétoiles, permettant de comprendre les mécanismes à l'œuvre dans l'émergenceémergence des structures stellaires.

    Au-delà de la minuscule fenêtrefenêtre visible s'ouvre le domaine des ultraviolets. Ces ondes permettent d'accéder à des objets très chauds, qui émettent au-delà de la température du SoleilSoleil. Elles dessinent elles aussi un autre univers.

    À plus haute énergie encore, dans le domaine des rayons Xrayons X, se révèlent, entre beaucoup d'autres objets, des systèmes binaires où deux astresastres tournent frénétiquement l'un autour de l'autre. Ce sont des phénomènes très impressionnants, et souvent catastrophiques. Des cataclysmes célestes. On peut ainsi découvrir des étoiles à neutronsétoiles à neutrons dont la densité avoisine un milliard de tonnes par centimètre cube ! Soit 100.000 milliards de fois supérieure à celle du plombplomb...

    La galaxie d'Andromède possède différents visages, selon qu'on l'observe dans l'infrarouge (<em>infrared</em>), dans le visible (<em>optical</em>) ou en rayons X (<em>X-rays</em>). © Esa

    La galaxie d'Andromède possède différents visages, selon qu'on l'observe dans l'infrarouge (infrared), dans le visible (optical) ou en rayons X (X-rays). © Esa

    Les ondes de lumière les plus énergétiques jamais mesurées se nomment rayons gammarayons gamma. Ils sont évidemment un moyen privilégié pour accéder à des processus exotiquesexotiques dans l'univers. Dans le domaine des rayons gamma « durs », celui des plus hautes énergies parmi les plus hautes énergies, le ciel est essentiellement noir. Ni le Soleil, ni les autres étoiles, ni bien sûr les planètes ne sont capables d'émettre de tels rayonnements. Étonnamment, pour des yeux sensibles aux rayons gamma, c'est un astre pourtant ténu dans le domaine visible qui s'imposerait comme nouvel astre du jour et étincellerait intensément : la nébuleuse du Crabenébuleuse du Crabe. Cette étoile à neutrons irradiant le milieu interstellaire brillerait de mille feux dans le « ciel gamma », alors qu'elle est invisible à l'œilœil nu... Autre image, même ciel.

    De plus, les photons ne sont pas les seuls médiateurs du cosmos. D'autres « véhicules » peuvent également être utilisés. Les neutrinosneutrinos sont des particules fantômes. Ils présentent une caractéristique exceptionnelle : ils n'interagissent pratiquement pas avec la matièrematière qu'ils traversent. C'est une propriété fantastique. Ils ne sont ni dégradés ni absorbés : ils gardent donc l'empreinte des processus physiquesphysiques qui les produisent. Il existe aussi des noyaux chargés : protonsprotons, héliumhélium, bérylliumbéryllium... L'instrument AMSAMS, sur lequel je travaille, est un énorme détecteur de telles particules, aujourd'hui placé sur la Station spatiale internationaleStation spatiale internationale. Il mesure ces « rayons cosmiquesrayons cosmiques » à un rythme effréné, de l'ordre d'un millier par seconde. Les premiers résultats sont magnifiques ! Enfin, au-delà des neutrinos et des particules chargées, on peut aujourd'hui espérer détecter des ondes gravitationnelles. Il s'agit ni plus ni moins que d'observer directement la géométrie de l'univers ! La démarche est extrêmement complexe, parce que le phénomène est plus que ténu : ces ondes sont minuscules. Mais le jeu en vaut la chandelle, puisqu'il s'agira, pour la première fois dans l'histoire, de voir le cosmos avec des yeux de géomètregéomètre.

    Des ondes radio aux photons gamma, des infrarougesinfrarouges aux ultravioletsultraviolets, des neutrinos aux ondes gravitationnellesondes gravitationnelles, chaque « médiateur » du cosmos dessine un autre monde. Tous ces mondes sont réels. Ils sont les facettes de notre univers. Ils nous parlent de son passé, de son origine, parfois de son devenir.