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    Signification prébiotique

    Signification prébiotique

    Considérons une fois de plus l'inclusion d'un cation dans la cavité centrale des tétramères G4. Le cation ammonium NH4+ se rapproche par la taille (un rayon ionique de1,45 Å) du cation potassium K+ (1,33 Å). À nouveau, on s'attendrait à une compétition entre ces deux cations pour le site central des tétramères. Ici encore, la prévision est démentie par l'expérience. Effectivement, on constate la stabilisation des agrégats par les ions ammonium. Mais, au lieu d'une compétition K+/NH4+ on trouve une synergiesynergie des deux ions, ammonium et potassium. Plus précisément, les ions ammonium amènent les G8 à dimériser en des G16. Il est remarquable que les auto-assemblages de G sont capables de distinguer entre Li+ et Cs+, d'une part, et les autres cations alcalins, Na+, K+, Rb+. Qu'à cette première distinction, relativement grossière, vient se superposer la différenciation Na+/K+ (cations maintenus sur le pourtour/cation attiré au centre), est plus remarquable encore. Et qu'à cette ségrégation spatiale des Na+ et K+ vienne s'ajouter une troisième démarcation, plus fine encore puisque K+ et NH4+ sont isomorphes, est une nouvelle source d'étonnement. La molécule de 5'-GMP est réellement admirable: non seulement, elle est capable d'auto-assemblage en des structures très ordonnées, maintenues par des liaisons non-covalentes seulement; mais encore, les auto-assemblés -- très simples et tout petits en regard des systèmes biologiques -- sont capables déja de fonctions élaborées, très diverses. Mais ce n'est pas tout ...

    Puisque les agrégats Gn interagissent fortement avec les ions ammonium, nous avons étudié leur interaction avec les acides aminésacides aminés. Ceux-ci en effet, de formule générale RCH(COOH)(NH2), à pH neutre, existent sous la forme ionisée en RCH(COO-)(NH3+), avec donc une extrémité ion ammonium -NH3+. Au départ d'agrégats G8 préformés, nous avons constaté le total contrastecontraste de leurs réponses à l'introduction dans le milieu, aqueuxaqueux, soit de glycineglycine, soit d'alaninealanine. Si la glycine, l'acide aminé le plus simple (R = H) et vraisemblablement le plus archaïque interagit bien avec les agrégats, probablement en entrant en compétition avec K+ (ou Na+) pour investir le site central des tétramères, ce qui se traduit par une diminution du taux de sodiumsodium fixé proportionnelle à la concentration en glycine; par contre, la valinevaline, (R = CH3) autre acide aminé archaïque, inhibe la formation des agrégats. Vraisemblablement, la présence du groupement méthyle CH3 s'oppose à ce que l'auto-association progresse au delà du stade des tétramères G4.

    Que les agrégats Gn discriminent entre la glycine et l'alanine, deux des acides aminés les plus courants, et aussi peut-être les deux plus anciens, a pu intervenir à l'origine de la vie sur notre planète. On peut rêver! En effet, la chimiechimie prébiotiqueprébiotique se caractérise par l'écriture de divers scénarios, sous-tendus par des expériences, mais sans possibilité de tester les hypothèses, car "on ne refait pas l'histoire". Je suis donc, comme je l'expose ailleurs, très réservé sur cette branche de la chimie, non redevable de la méthode expérimentale usuelle, et comme sciée à l'avance. Bien qu'attirant de grands esprits et des chercheurs prestigieux, elle est sujette aussi aux dogmatismes les plus intolérants, et s'apparente parfois à la science-fiction. La belle ordonnance des autoassemblages de 5'-GMP, et les observations que je viens de résumer, m'ont fait conjecturer que l'interaction avec la glycine pouvait être en rapport avec le fait, indéniable lui, que dans le code génétiquecode génétique, tel qu'il nous est parvenu, précisément le triplet GGG code pour la glycine. Est-il interdit de penser que de tels agrégats hyperordonnés de nucléotidesnucléotides aient pu servir de germesgermes de nucléationnucléation, ou de matrices pour l'apparition sur notre planète des premières bribes d'acides nucléiquesacides nucléiques, ADNADN et ARNARN? Mais cela ne peut rester, répétons-le, qu'une spéculation. On peut raconter pratiquement n'importe quoi sur un passé, qui nous reste inaccessible. Il est bien plus important de rechercher si ces extraordinaires auto-assemblés Gn ont actuellement un rôle biologique quelconque.

    <em>ADN</em>

    ADN

    Le rôle de la chimie, on l'a vu, était d'abord, dans une perspective réductionniste, de déterminer la structure des agrégats. Il était ensuite était celui, holiste, de déterminer le type d'action du système Gn, dont les constituants G étaient incapables. Il s'agit, en l'occurrence de la ségrégation des cations alcalins, que les Gn font en l'absence de tout cloisonnement cellulaire, ce qui est aussi intéressant, dans une perspective prébiotique. Mais aller retrouver dans les organismes vivants cette structure et ces fonctions, invariantes ou métamorphosées, là est le rôle de la biologie. Plus généralement, on peut dire qu'à présent l'horizon de la chimie est la biologie: pour la thématique de nos recherches, comme pour le contenu de nos enseignements.