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    La mission archéologique Loja (1979-1985)

    La mission archéologique Loja (1979-1985)

    C'est dans le cadre d'un accord de coopération scientifique, signé entre la Banque centrale de l'Equateur, l'Institut Français d'Etudes Andines et l'ER 313 (URA25) du CNRS, que se sont déroulées les recherches dans le sud équatorien (Guffroy et al, 1987, Guffroy, 2004).

    <br />Fig.3 : Jarres décorées de style Catamayo A (2000-1400 BC) &copy; J. Guffroy IRD


    Fig.3 : Jarres décorées de style Catamayo A (2000-1400 BC) © J. Guffroy IRD

    Ce programme avait, dès sa conception, des objectifs pluridisciplinaires et incluait, au coté des archéologues, une ethnohistorienne, un géographe, une botanistebotaniste et un sociologue. L'objet d'étude commun était constitué par la province de Loja, frontalière avec le Pérou, qui correspond à une région excentrée, relativement sous-développée, et peu étudiée auparavant.

    En l'absence de recherches systématiques antérieures, notre premier objectif fut d'établir la séquence chronologique des occupations humaines, et de caractériser les traditions culturelles précolombiennes implantées dans les principaux secteurs et écosystèmesécosystèmes constituant le sud de cette province. Cinq aires d'étude, dispersées sur une superficie d'environ 5000 km2, et choisies en fonction de leur singularité et diversité, ont fait l'objet d'une prospection systématique, réalisée entre 1979 et 1980. Ces recherches ont mené à la découverte et à l'enregistrement de plus de 250 sites, représentant 3500 ans d'occupation. L'analyse des vestiges collectés a permis en particulier de reconnaître l'existence d'implantations agricoles relativement anciennes (début du second millénaire avant notre ère) (Voir Fig.3-4 ci-dessus), jusqu'alors inconnues; de confirmer un développement conséquent des sociétés locales durant le premier millénaire avant notre ère et jusqu'au V ème siècle AD ; et de mettre en évidence l'arrivée, à cette époque, de nouveaux groupes de population, de probable origine amazonienne, qui occuperont l'ensemble de la province jusqu'aux conquêtes inca et espagnole.

    <br />Fig. 5 : Structure d'habitat semi-circulaire –phase Catamayo B (1200-900 BC) &copy; J. Guffroy IRD


    Fig. 5 : Structure d'habitat semi-circulaire –phase Catamayo B (1200-900 BC) © J. Guffroy IRD

    Nos travaux furent ensuite centrés sur le début de cette séquence, et les conditions d'apparition et de développement des premières sociétés agricoles. La fouille du site de La VegaVega, situé dans une vallée de moyenne altitude, a démontré l'existence - dans le courant des second et premier millénaires avant notre ère - de traditions culturelles diversifiées, reflétant des apports et influences, d'origines diverses suivant les époques. La plus ancienne tradition céramiquecéramique, Catamayo A (Fig.3 et photo en page d'accueil ), est tout à fait distincte, des points de vue morphologique et stylistique, des traditions établies à la même période dans les Andes (Cerro Narrío) et sur la côte équatorienne (Valdivia), plus septentrionales.

    <br />Fig.6 : Essai de reconstitution de l'habitation semi-circulaire &copy; J. Guffroy IRD


    Fig.6 : Essai de reconstitution de l'habitation semi-circulaire © J. Guffroy IRD

    Elle témoigne d'un peuplement sans doute différent, de probable origine amazonienne. Une première rupture, très nette, également marquée par l'abandon des sites d'habitat, intervient, postérieurement au XVème siècle avant notre ère. Les traits stylistiques caractéristiques de l'époque précédente disparaissent totalement au profit de nouvelles formes et techniques décoratives, assez étroitement apparentées à certaines traditions septentrionales contemporaines (Machalilla). Cette phase Catamayo B (Fig.Photo page d'accueil et Fig. 5) correspond très vraisemblablement à l'implantation de nouveaux groupes de population, dont l'expansion est également observée dans plusieurs secteurs proches. Une nouvelle évolution intervient au tout début du premier millénaire. Elle est plus particulièrement marquée par la réapparition de traits stylistiques anciens, et l'existence de fortes influences en provenance de la tradition septentrionale Cerro Narrio, dont l'importance régionale semble accrue durant cette période (Phase C). De nouveaux changements se produisent, sans doute entre le VI ème et IV ème siècle avant notre ère. Les influences prédominantes semblent alors provenir des régions méridionales, de tradition Chavin-Cupisnique. Un accroissement et une diffusion progressive du peuplement, sans doute liés à une amélioration des techniques agricoles, est probable durant ces dernières phases.

    <br />Fig.7 : Pièces d'ornement de la période Formative à Catamayo, en schiste, turquoise et spondyle. &copy; J. Guffroy IRD


    Fig.7 : Pièces d'ornement de la période Formative à Catamayo, en schiste, turquoise et spondyle. © J. Guffroy IRD

    La diversité des différentes traditions successivement implantées dans cette vallée témoigne donc d'un historique du peuplement et d'un processus de développement complexes, sans doute étroitement dépendants de sa position géographique, à l'intersection de plusieurs voies d'échanges et de pénétration.

    <br />Fig.8 : Outillage lithique de la période Formative à Catamayo &copy; J. Guffroy IRD


    Fig.8 : Outillage lithique de la période Formative à Catamayo © J. Guffroy IRD

    Ces données, que sont venus confirmer les résultats d'autres missions réalisées récemment dans des régions proches, ont permit de remettre en question la vision anthropologique traditionnelle qui faisait de cette région une zone naturellement sous-développée, inapte au développement des premières grandes civilisations.