Vénus tourne sur elle-même en 243 jours terrestres alors que son atmosphère n'en met que 4. Cette super-rotation peut s'expliquer par des effets de marée thermiques et c'est bien ce que semblent confirmer des observations menées avec la sonde japonaise Akatsuki.


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    La planète VénusVénus a presque la même taille et la même masse que la Terre. Il n'est donc pas difficile de comprendre qu'elle ait alimenté un temps des spéculations concernant l'existence de formes de vie à sa surface quand on a réalisé qu'elle était recouverte d'une atmosphèreatmosphère, et cachée par des nuagesnuages que les astronomesastronomes de jadis interprétaient comme un signe probable d'un climatclimat humide et chaud, avec des océans et des marécages.

    On doit la découverte de cette atmosphère au polymathe russe, Mikhaïl Vassilievitch Lomonossov, lorsqu'il fit l'observation du transit de Vénus devant le Soleil en 1761 depuis l'observatoire de Saint-Pétersbourg. Son existence était déduite de la mise en évidence d'un effet de réfraction de la lumière solaire à ce moment-là qui ne pouvait s'expliquer que par la présence d'une épaisse atmosphère... pour le malheur des astronomes et des planétologues car il fallut en effet attendre le début des années 1960 pour que des informations sur sa surface soient enfin obtenues à l'aide d'ondes radar capables de percer cette atmosphère par des chercheurs états-uniens.

    Toutefois, dès 1958, des radioastronomes avaient capté des signaux provenant de l'atmosphère de Vénus y suggérant une température de l'ordre de 600 kelvins, proche du point de fusionfusion du plombplomb. Peu de temps après, le jeune Carl Sagan montra que, sur Vénus, un effet de serreeffet de serre, du fait de la forte concentration en CO2 de son atmosphère, devait bien y produire des températures infernales. L'hypothèse a été confirmée par les premières sondes spatiales à s'approcher de la planète, à savoir Mariner 2 (USA) et VeneraVenera 4 (URSS), respectivement en 1962 et 1967. Aujourd'hui, la pressionpression au sol est estimée à environ 90 atmosphères (90 fois celle de la Terre, donc) et la température à quelque 750 kelvins (soit environ 480 °C) pour les régions les plus chaudes.


    Vénus, notre mystérieuse voisine. Une planète étrange où le soleil se lève à l'ouest et se couche à l'est et où une journée dure quasiment une année terrestre. La mission Vénus Express de l'ESA (Agence spatiale européenne) a passé les huit dernières années à collecter des données pour permettre à la science d'en savoir plus sur l'atmosphère et le climat de la planète. © European Space Agency, ESA

    Un jour vénusien qui dure presque une année vénusienne

    Mais ce sont les Russes, grâce au légendaire génie et au talent de leurs ingénieurs, qui vont fournir les premières images de la surface de Vénus à l'occasion en particulier des missions Venera 9, 10, 13 et 14 ; malheureusement, celles-ci n'ont pas résisté longtemps aux conditions infernales de la surface de Vénus, comme on s'en doutait. Les images montraient clairement des sols volcaniques. Cette conclusion n'a été que renforcée par la première cartographie radar complète à relativement haute résolutionrésolution de l'étoile du Bergerétoile du Berger, dressée à l'aide de la sonde Magellan de la NasaNasa, à partir de 1990 et pendant les quelques années de sa mission qui a pris fin en 1994.

    L'étude de l'atmosphère de Vénus s'est révélée tout aussi surprenante pendant cette période lorsque l'on a découvert à partir des années 1960 qu'elle était dans un état dit de super-rotation. L'Homme s'en est rendu compte lorsque la vitesse de rotationvitesse de rotation de Vénus sur elle-même a été déterminée au radar depuis la Terre. Elle est particulièrement lente : un jour vénusien dure environ 243 jours terrestres (l'année vénusienne dure 225 jours terrestres).

    Or, les missions spatiales ont permis de mesurer les vitesses des ventsvents dans son atmosphère. Ces derniers dépassent les 300 km/h, l'atmosphère fait ainsi le tour de Vénus en environ quatre jours terrestres, bien plus rapidement que ne tourne sur elle-même la planète, ce qui explique le terme de super-rotation utilisé pour qualifier son état.

    Mentionnons également que la rotation de Vénus n'est pas simplement surprenante parce qu'elle est lente, elle l'est aussi parce qu'elle est dans le sens des aiguilles d'une montre, ce qui est à l'inverse de toutes les autres planètes du Système solaireSystème solaire ou presque (Uranus est aussi dans ce cas).

     Vénus sous l’œil de la caméra UV1 de la sonde Akatsuki. Image traitée par Damia Bouic. Les pôles sont plus calmes que les régions tropicales. © Jaxa, Isas, Darts, Damia Bouic
    Vénus sous l’œil de la caméra UV1 de la sonde Akatsuki. Image traitée par Damia Bouic. Les pôles sont plus calmes que les régions tropicales. © Jaxa, Isas, Darts, Damia Bouic

    On cherche à comprendre l'origine de la super-rotation de l'atmosphère de Vénus depuis des décennies et, aujourd'hui, une équipe internationale de chercheurs dirigée par Takeshi Horinouchi de l'Université d'Hokkaido vient de publier dans le célèbre journal Science un article où une solution à cette énigme est proposée. Elle se base sur des observations et des mesures rendues possibles par la sonde japonaise Akatsuki qui, avec ses yeuxyeux sur orbiteorbite autour de Vénus, l'étudie dans l'infrarougeinfrarouge et l'ultravioletultraviolet depuis 2015. Les instruments utilisés ont ainsi permis de suivre les mouvementsmouvements des nuages et de mesurer les vitesses de vents de façon précise comme jamais auparavant.

    Des forces de marée thermiques

    Les chercheurs japonais sont arrivés à la conclusion que les données de leur sonde soutenaient une hypothèse déjà avancée pour rendre compte de la grande vitesse de rotation de l'atmosphère de Vénus qui nécessite un transfert de moment cinétiquemoment cinétique pour la maintenir malgré des forces de frottements avec la surface de la planète dont la rotation est ralentie par les forces de maréeforces de marée exercées par le Soleil qui tentent d'établir une rotation synchronesynchrone pour Vénus.

    Effet de marée thermique exercé par le Soleil sur Vénus. © J. Laskar, IMCCE/CNRS, Observatoire de Paris
    Effet de marée thermique exercé par le Soleil sur Vénus. © J. Laskar, IMCCE/CNRS, Observatoire de Paris

    Il s'agit là aussi de faire intervenir ces forces de marée mais sous une forme un peu particulière que l'on appelle des forces de marée thermique. Elles résultent du fait que, face au Soleil et à son rayonnement, l'atmosphère de Vénus tend à se dilater alors que c'est le contraire pour sa face nocturnenocturne. Il se produit des transferts de chaleurschaleurs entre les deux faces et surtout un réajustement des pressions de sorte que l'atmosphère se renfle presque perpendiculairement à la direction du Soleil. C'est sur ce renflement que les forces de marée du Soleil vont agir avec, comme effet final, de maintenir par le couple qu'elle exerce la super-rotation de l'atmosphère comme le montre le schéma ci-dessus.

    « Notre étude pourrait aider à mieux comprendre les systèmes atmosphériques sur des exoplanètesexoplanètes en rotation synchrone à cause des forces de marées, dont un côté fait toujours face à leurs étoile et qui, comme Vénus, ont une très longue journée solaire », conclue Takeshi Horinouchi.