La sonde Huygens de l'Agence spatiale européenne s'est séparée avec succès de l'orbiteur Cassini de la NASA samedi 25 décembre en début de matinée. Elle se dirige désormais vers Titan, la plus grande lune de Saturne, en empruntant une trajectoire de collision contrôlée qui doit lui permettre, le 14 janvier prochain, de pénétrer dans l'atmosphère du satellite – dont la composition recèle de nombreux mystères - et de descendre vers sa surface, dont la nature est inconnue.

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    Huygens entame son voyage final vers l'inconnu

    Huygens entame son voyage final vers l'inconnu

    Dernière étape d'une odyssée de sept ans

    La mission Cassini/Huygens, développée conjointement par la NASA, l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne et l'Agence spatiale italienne (ASI), a été lancée le 15 octobre 1997 depuis Cap Canaveral (Floride), à bord d'une fuséefusée TitanTitan 4B/Centaur. Le composite constitué par les deux véhicules spatiaux accusait un poids au lancement de 5548 kgkg ce qui en a fait la plus importante mission interplanétaire jamais envoyée dans l'espace. Il a fallu procéder à quatre manœuvres d'assistance gravitationnelle pour que le couple puisse atteindre la vitesse lui permettant de rejoindre SaturneSaturne. Cassini-Huygens a ainsi survolé deux fois VénusVénus, une fois la Terre et une fois JupiterJupiter, avant de devenir - le 1er juillet 2004 - le premier satellite artificiel placé en orbite autour de Saturne.

    Le 17 décembre, alors qu'il était en train d'accomplir sa troisième orbite autour de Saturne, Cassini a entrepris une manœuvre destinée à le placer sur une trajectoire de collision contrôlée avec Titan. Comme prévu, cette trajectoire a été affinée le 22 décembre pour placer Huygens sur sa trajectoire nominale. Tandis que Huygens conservera la même route jusqu'à sa plongée dans l'atmosphèreatmosphère de Titan, le 14 janvier, l'orbiteur procédera le 28 décembre à une nouvelle manœuvre qui le fera à nouveau dévier de sa trajectoire pour éviter d'aller s'écraser sur la lunelune de Saturne. La séparationséparation du 25 décembre a été réalisée au moyen d'un dispositif pyrotechnique associé à un système combinant ressorts de poussée, rampes et galets. La sonde s'est éloignée de Cassini à une vitesse d'à peu près 0,3 m/seconde en tournant sur son axe à la vitesse de 7 tours par minute. Les données de télémesure confirmant la séparation et transmises en différé par Cassini ont été recueillies sur Terre par le Réseau de l'espace lointain de la NASA à Madrid, Espagne et Goldstone, Californie.

    Huygens demeurera en mode dormantdormant pendant les 20 jours que durera sa phase d'approche de Titan. Un système de minuterie à triple redondance a été déclenché quatre jours avant la séparation et il "réveillera" les systèmes de la sonde peu de temps avant son arrivée sur Titan.

    Huygens lancé à 22000 km/h vers l'atmosphère épaisse de Titan<br />(crédits : ESA-D. DUCROS)

    Huygens lancé à 22000 km/h vers l'atmosphère épaisse de Titan
    (crédits : ESA-D. DUCROS)

    Explorer l'atmosphère de Titan

    L'entrée de Huygens dans l'atmosphère de Titan est prévue le 14 janvier à environ 09h06 UTCUTC (10h06 heure de Paris). Elle se fera sous un angle de pénétration relativement élevé de 65°, à une vitesse d'à peu près 6 km/s. Le site visé se situe dans l'hémisphère sudhémisphère sud, du côté exposé au SoleilSoleil. Protégée par un bouclier thermique ablatif, la sonde ralentira en 3 minutes pour réduire sa vitesse jusqu'à 400 m/s puis déploiera un parachuteparachute pilote de 2,6 mètres à environ 160 km d'altitude. Après 2,5 secondes, ce parachute éjectera le capot arrière de la sonde, libérant son parachute principal de 8,3 mètres de diamètre. Une fois stabilisée, la sonde relâchera son bouclier frontalfrontal, ouvrira ses clapets et déploiera les bras qui lui permettront de collecter les données scientifiques prévues. Tous les instruments seront directement exposés à l'atmosphère de Titan afin d'être en mesure de procéder de manière détaillée à des mesures in situ de sa structure, de sa dynamique et de sa chimiechimie. La sonde recueillera également, tout au long de sa trajectoire, des images de la surface. Ces données seront transmises à l'orbiteur Cassini qui sera alors au plus près de Titan, à 60 000 km. Un réseau de |65e2630f18c98c5bb2cb58344d92497b|-télescopestélescopes basés sur Terre tentera également de capter directement ce signal.

    Après 15 minutes de descente, à environ 120 km du sol, Huygens relâchera son parachute principal pour ouvrir un petit parachute de freinage de 3 m de diamètre qui lui permettra de plonger plus rapidement dans l'atmosphère de Titan compte tenu de la duréedurée de vie de ses batteries.

    La descente durera environ 140 minutes avant que Huygens ne rentre en contact avec la surface de Titan, à une vitesse d'environ 6 m/s. Si la sonde survit à tous ces épisodes, elle entamera une mission supplémentaire consistant à caractériser directement la surface du satellite, aussi longtemps que ses batteries pourront alimenter ses instruments et que Cassini demeurera visible au dessus de l'horizon, c'est-à-dire pendant 130 minutes au maximum.

    L'orbiteur Cassini réorientera alors sa principale antenne vers la Terre afin d'y transmettre en différé les données collectées par Huygens. Celles-ci seront reçues 67 minutes plus tard par l'antenne parabolique de 70 mètres de diamètre installée par la NASA à Canberra, en Australie. Trois diffusionsdiffusions sont prévues afin de s'assurer que toutes les données enregistrées parviendront sans incident sur la Terre. Cassini poursuivra ensuite sa propre mission d'exploration de Saturne et de ses lunes, qui comprendra plusieurs autres survolsurvol de Titan au cours des prochains mois et des années à venir.

    Huygens en approche de Titan<br />(crédits : ESA-D. DUCROS)

    Huygens en approche de Titan
    (crédits : ESA-D. DUCROS)

    Un voyage au cœur du temps et de l'espace

    D'une taille supérieure à celle de MercureMercure et légèrement inférieure à celle de Mars, Titan a pour particularité d'être enveloppée d'une atmosphère épaisse et brumeuse, riche en azoteazote et contenant des composés carbonés qui pourraient nous fournir de précieux renseignements sur la manière dont la Terre est devenue habitable. La composition chimique de cette atmosphère paraît en effet très similaire à celle de la Terre, avant que la vie n'y fasse son apparition. Elle est cependant plus froide (-180°c) et l'on n'y trouve pas d'eau à l'état liquideétat liquide. Les données collectées in situ par Huygens, combinées aux observations globales recueillies lors des survols répétés de Titan par Cassini, devraient ainsi nous permettre de mieux comprendre, non seulement la nature de l'un des corps planétaires les plus mystérieux de notre système solairesystème solaire, mais également comment a évolué l'atmosphère terrestre et les mécanismes qui ont conduit à l'apparition de la vie sur notre planète.

    La principale contribution de l'Europe à la mission Cassini-Huygens, c'est-à-dire la sonde Huygenssonde Huygens, a été fabriquée pour le compte de l'Agence spatiale européenne par un consortium industriel dirigé par Alcatel Space. Ce véhicule spatial de 320 kg transporte six instruments destinés principalement à étudier l'atmosphère de Titan pendant sa descente. Cette charge utile scientifique a été développée avec la participation de laboratoires et de centres de recherche appartenant à tous les États membres de l'ESA mais aussi aux États-Unis, à la Pologne et à Israël. L'"Instrument d'étude de la structure atmosphérique" (HASI) réalisera des profils de températures et de pressionspressions et caractérisera les ventsvents et les turbulencesturbulences atmosphériques de Titan. Il pourra détecter la présence d'éclairséclairs et même mesurer la conductivitéconductivité et la permittivitépermittivité de la surface si la sonde résiste au choc de l'atterrissage. Le "Chromatographe en phase gazeuse et spectromètrespectromètre de massemasse neutre" (GCMS) procédera à l'analyse chimique fine de l'atmosphère et des aérosolsaérosols collectés par le "Dispositif de collecte et de pyrolysepyrolyse d'aérosols" (ACP). Le "RadiomètreRadiomètre spectral imageur de descente" (DISR) collectera des images, des spectresspectres et autres données sur l'atmosphère, le bilan radiatif, les structures nuageuses, les aérosols et la surface, tandis que l'"Analyseur Doppler des vents" (DWE) fournira un profil zonal de vents. Enfin, le "Module scientifique de surface" (SSP) caractérisera le site d'atterrissage de Huygens, si la sonde survit à celui-ci.