Les trous noirs avalent toute la matière qui s'approche d'eux, c'est bien connu. C'est pourquoi des astronomes ont été très surpris de découvrir une très jeune étoile dans le voisinage de Sagittarius A*, le trou noir supermassif au centre de la Voie lactée. Pour le moment, aucun scénario ne parvient à expliquer sa présence.


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    Au cœur de notre galaxie, la Voie lactée, se trouve un trou noir supermassif appelé Sagittarius A*. D'une masse équivalente à 4 millions de fois celle du Soleil, il a été mis en images pour la première fois le 12 mai 2022, révélant la structure étonnante de son disque d'accrétiondisque d'accrétion. Car, tout autour de lui, de la matièrematière chauffée à des températures extrêmes tournoie à toute vitessevitesse. Ce type d'environnement est bien sûr hostile à la formation d'étoilesétoiles

    Et pourtant... Des chercheurs rapportent dans une étude qui vient de paraître dans The Astrophysical Journal l'observation d'une très jeune étoile dans l'environnement de Sagittarius A*Sagittarius A*. Elle se trouve juste à côté du clustercluster IRS 13, situé à 0,13 parsecparsec du trou noir supermassif. Nommée X3a, elle appartient à la classe des géantes, avec un diamètre 10 fois supérieur à celui du Soleil, et une masse 15 fois plus grande. Elle ne serait âgée que de 10 000 ans !

    Des vues détaillées de l'environnement proche de Sgr A*, le trou noir central de notre Galaxie. On peut y voir l'étoile X3a détaillée par les chercheurs. Si X3a est bien une jeune étoile en cours de formation, X3b et X3c correspondent à des bulles de gaz chaud. <em>The Astrophysical Journal</em> (2023). Doi: 10.3847 / 1538-4357 / ACA977
    Des vues détaillées de l'environnement proche de Sgr A*, le trou noir central de notre Galaxie. On peut y voir l'étoile X3a détaillée par les chercheurs. Si X3a est bien une jeune étoile en cours de formation, X3b et X3c correspondent à des bulles de gaz chaud. The Astrophysical Journal (2023). Doi: 10.3847 / 1538-4357 / ACA977

    Pour s'assurer de sa présence, et surtout de ses caractéristiques, les chercheurs ont utilisé des données recueillies par quatre télescopes différents entre 1995 et 2020, dans différentes longueurs d'ondelongueurs d'onde. Ils ont ainsi établi que seule la source lumineuse X3a était une jeune étoile, tandis X3, X3b et X3c ne seraient que des « gouttes chaudes » (hot blobsblobs dans l'étude), qui pourraient bien interagir avec X3a. 

    « Avec sa masse élevée d'environ dix fois la masse solaire, X3a est une géante parmi les étoiles, et ces géantes évoluent très rapidement vers la maturité. Nous avons eu la chance de repérer l'étoile massive au milieu de l'enveloppe circumstellaire en forme de comètecomète. Par la suite, nous avons identifié des caractéristiques clés associées à un jeune âge, telles que l'enveloppe circumstellaire compacte tournant autour d'elle », a développé le coauteur de l'étude Michal Zajaček.

    Le « paradoxe de la jeunesse » ou pourquoi des étoiles naissent près des centres galactiques

    La formation d'étoiles commence dans un nuagenuage moléculaire qui s'effondre sur lui-même lorsqu'il atteint un certain niveau de densité. S'enclenche alors la toute première étape de la formation stellaire. Mais, pour que le processus démarre, les conditions de température et de pressionpression doivent le permettre : une température basse et une pression élevée. Or, « la température des filaments gazeux et poussiéreux dans le centre galactiquecentre galactique (GC) dépasse une température de gazgaz d'environ 6 000 K et une température de poussière d'environ 250 K », détaille la publication. 

    De plus, l'environnement direct d'un trou noir est aussi hostile à cause des effets de maréemarée exercés sur tous les corps se trouvant à proximité. Si bien qu'il était auparavant acquis que seules les étoiles particulièrement massives pouvaient atteindre le centre galactique sans être déchirées avant. Mais il y a 20 ans, des étoiles peu massives ont été découvertes très proches de Sgr A*, sans que l'on puisse l'expliquer. C'est ainsi qu'est né le « paradoxe de la jeunesse », décrit dans plusieurs études : des étoiles avec signatures d'étoiles jeunes et d'étoiles anciennes, proches des centres galactiques.

    La toute première image de Sagittarius A*, le trou noir central de la Voie lactée. C'est dans son environnement proche que se trouve le système X3, avec l'étoile naissante X3a. © EHT Collaboration
    La toute première image de Sagittarius A*, le trou noir central de la Voie lactée. C'est dans son environnement proche que se trouve le système X3, avec l'étoile naissante X3a. © EHT Collaboration

    Un événement a déplacé X3a hors de son lieu d'origine

    L'étude des chercheurs pourrait bien résoudre ce paradoxe, grâce à l'exemple de X3a. En effet, « il s'avère qu'il existe une région à quelques années-lumièreannées-lumière du trou noir qui remplit les conditions pour la formation d'étoiles. Cette région, un anneau de gaz et de poussière, est suffisamment froide et protégée contre les radiations destructrices », a déclaré le premier auteur de l'étude Florian Peißker. Ainsi, l'étoile serait née dans un disque éloigné du trou noir, protégé des rayonnements et des températures extrêmes. Des interactions nuage-nuage auraient ensuite provoqué sa migration vers Sgr A*.

    Selon l'étude, le cluster IRS 13 pourrait être le site de naissance de bon nombre d'étoiles massives. Les deux systèmes X3 et IRS 13 auraient ensuite été séparés par les forces de maréeforces de marée du trou noir, additionnées aux forces d'éjection provoquées par la X3a. En effet, le phénomène d'accrétion de matière par une étoile naissante s'accompagne de phases d'éjection de matière à très grande vitesse, créant parfois des bulles de vide ! Mais cette hypothèse n'explique pas les écoulements bipolaires détectés dans une précédente étude, explique la publication.

    Finalement, aucun scénario ne permet de rendre compte de toutes les observations effectuées. Ainsi, les chercheurs appuient sur la nécessité de nouvelles observations plus poussées. « Dans une perspective à moyen terme, les observations à venir du centre galactique avec le télescope spatial James-Webbtélescope spatial James-Webb, utilisant les données MiriMiri IFU, pourraient ajouter des informations précieuses sur ces scénarios. »