M87* est selon toute vraisemblance un trou noir supermassif contenant environ 6,5 milliards de masses solaires, situé au centre de la galaxie elliptique supergéante Messier 87. Le rayon de son horizon des événements est estimé à 19 milliards de kilomètres et il se laisse deviner avec d'autres informations concernant la physique des trous noirs dans les images que forme de M87* et son environnement l'Event Horizon Telescope. La première image obtenue après des années de traitement datait de 2017, voici la seconde prise en 2018 et elle a changé.


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    EinsteinEinstein ne croyait pas à la possibilité de l'existence des trous noirs pourtant prédite par ses équations de la théorie de la relativité générale. Remarquablement, il s'était tout de même servi des prédictions de sa théorie concernant la propagation des rayons lumineux dans un champ de gravitation pour montrer que sa théorie était plus pertinente pour décrire les phénomènes que la théorie de Newton. Aujourd'hui, les membres de l'Event Horizon Telescope (EHT) étudient aux aussi les caractéristiques des rayons lumineux déviés par ce que l'on pense être un trou noir supermassif au centre de la galaxiegalaxie Messier 87Messier 87, à environ 55 millions d'années-lumièreannées-lumière de la Voie lactéeVoie lactée : M87*M87*.

    En combinant les images prises par divers radiotélescopesradiotélescopes à la surface de notre Planète bleue, il est en effet possible de former l'équivalent d'un instrument de la taille de la Terre et donc capable de former une image de l'environnement de l'astreastre compact que l'on croit être un trou noir au cœur de la grande galaxie elliptiquegalaxie elliptique. On peut ainsi tester des alternatives à la théorie relativiste de la gravitation d’Einstein et même questionner l'existence des trous noirs. M87* pourrait-il être en fait un trou de ver connecté à un autre UniversUnivers ? La façon dont la lumière est déviée et l'aspect de l'image formée dépendent en effet des hypothèses considérées.

    Mais pour progresser et obtenir peut-être des réponses à ces questions il faut des instruments de plus en plus performants et faire des observations de plus en plus longues. En 2017, un certain nombre de radiotélescopes avaient été mobilisés pour obtenir une première image. En 2018, c'est un radiotélescope situé au Groenland qui est entré dans la danse et les astrophysiciensastrophysiciens révèlent aujourd'hui la nouvelle image prise l'année consécutive de M87*. Il faut en effet beaucoup de temps pour traiter les données collectées et commencer ensuite à en tirer des implications pour la physiquephysique fondamentale et l'astrophysiqueastrophysique.

    Les membres de l'EHT viennent de publier en plus d'une nouvelle image un article sur ce qu'ils ont fait et appris dans le célèbre journal Astronomy & Astrophysics.

    La collaboration <em>Event Horizon Telescope</em> a publié de nouvelles images de M87* à partir d'observations prises en avril 2018, un an après les premières observations d'avril 2017. Les nouvelles observations de 2018, qui mettent en vedette la première participation du télescope du Groenland, révèlent un anneau d'émission de la même taille que celui que nous avons trouvé en 2017. Cet anneau brillant entoure une ombre centrale sombre, et la partie la plus brillante de l'anneau en 2018 s'est décalée d'environ 30º par rapport à 2017 pour se situer maintenant à la position 5 heures. © EHT Collaboration
    La collaboration Event Horizon Telescope a publié de nouvelles images de M87* à partir d'observations prises en avril 2018, un an après les premières observations d'avril 2017. Les nouvelles observations de 2018, qui mettent en vedette la première participation du télescope du Groenland, révèlent un anneau d'émission de la même taille que celui que nous avons trouvé en 2017. Cet anneau brillant entoure une ombre centrale sombre, et la partie la plus brillante de l'anneau en 2018 s'est décalée d'environ 30º par rapport à 2017 pour se situer maintenant à la position 5 heures. © EHT Collaboration

    Le film de la matière turbulente autour d'un trou noir ?

    Les caractéristiques principales de l'image de 2018 n'ont pas changé par rapport à 2017, notamment en ce qui concerne la taille de l'anneau photonique, cet anneau brillant entourant une profonde dépression centrale, « l'ombre du trou noir » où se trouve son horizon des événementshorizon des événements et qui nous renseigne justement sur la physique fondamentale de l'objet observé (pour en savoir plus sur l'anneau photonique, consulter l'excellente vidéo ci-dessous). Elle reste conforme pour M87* à ce que disent les équations d'Einstein et la théorie mathématique des trous noirs qu'elles impliquent et qui est exposée dans l’impressionnant traité du prix Nobel de physique Subrahmanyan Chandrasekhar.

    Par contre, le pic de luminositéluminosité de l'anneau s'est décalé d'environ 30° par rapport aux images de 2017, ce qui est cohérent avec notre compréhension théorique de la variabilité due aux matériaux turbulents autour des trous noirs, dans son disque d'accrétiondisque d'accrétion. Nous savons qu'un tel disque existe mais nous n'en voyons pas son bord intérieur sur l'image. Nous savons aussi qu'il existe des jets de matièrematière alimentés par l'accrétion et qui sont accélérés par des processus complexes de magnétohydrodynamique relativiste en espace-tempsespace-temps courbe (et dont la théorie a été étudiée notamment par Yvonne Choquet-Bruhat) des plasmas chauds autour du trou noir de Kerr en rotation avec son horizon des événements invisibles.

    C'est essentiellement la lumière émise par la matière en mouvementsmouvements tous aussi turbulents des jets que l'on voit en provenance de l'anneau photonique, lequel est en fait la manifestation de ce que l'on appelle la sphère photonique.

    Une autre comparaison entre les images de M87* de 2017 à 2018. On voit une échelle de température en milliards de degrés et les distances angulaires en micro-secondes d'arc. © EHT Collaboration
    Une autre comparaison entre les images de M87* de 2017 à 2018. On voit une échelle de température en milliards de degrés et les distances angulaires en micro-secondes d'arc. © EHT Collaboration

    Dans le communiqué présentant la nouvelle image, le Dr Keiichi Asada, chercheur associé à l'Institut Academia Sinica d'astronomie et d'astrophysique de Taiwan, explique qu'« une exigence fondamentale de la science est d'être capable de reproduire les résultats. La confirmation de l'anneau dans un tout nouvel ensemble de données est une étape importante pour notre collaboration et une indication forte que nous observons l'ombre d'un trou noir et le matériaumatériau en orbiteorbite autour de lui ».

    Son collègue Rohan Dahale, doctorant à l'Instituto de Astrofísica de Andalucía (IAA-CSIC), en Espagne, ajoute quant à lui que « pour faire progresser les efforts scientifiques, il faut améliorer continuellement la qualité des données et les techniques d'analyse. L'inclusion du télescopetélescope du Groenland dans notre réseau a comblé des lacunes critiques dans notre télescope de la taille de la Terre. Les observations de 2021, 2022 et 2024 à venir témoignent d'améliorations du réseau, alimentant notre enthousiasme à repousser les frontières de l'astrophysique des trous noirs ».

    Le Dr Britt Jeter, chercheur postdoctoral à l'Institut Academia Sinica d'astronomie et d'astrophysique de Taiwan précise, elle, que « le changement le plus important, à savoir le déplacement du pic de luminosité autour de l'anneau, est en fait quelque chose que nous avions prédit lorsque nous avons publié les premiers résultats en 2019. Alors que la relativité générale indique que la taille de l'anneau devrait rester assez fixe, l'émissionémission du disque d'accrétion turbulent et désordonné autour du trou noir fera osciller la partie la plus brillante de l'anneau autour d'un centre commun. L'ampleur des oscillations que nous constatons au fil du temps est quelque chose que nous pouvons utiliser pour tester nos théories sur le champ magnétiquechamp magnétique et l'environnement plasmatique autour du trou noir ».


    De très bonnes explications sur ce que voit vraiment l’EHT avec M87*. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © PBS Space Time

    De nouvelles images spectaculaires du trou noir géant M87*

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 17/04/2021

    Nous n'en sommes encore qu'au début de l'étude et de l'imagerie détaillée des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs. Actuellement, beaucoup de chercheurs se concentrent sur celui de la galaxie M87* et sur son jet de matière, combinant des images prises à diverses longueurs d'ondelongueurs d'onde.

    Les astrophysiciens ont obtenu la première image d'un trou noir en utilisant les observations du télescope <em>Event Horizon</em> du centre de la galaxie M87. L'image montre un anneau lumineux formé par la lumière qui se courbe de manière intense autour d'un trou noir 6,5 milliards de fois plus massif que le Soleil. Cette image recherchée depuis longtemps fournit la preuve la plus solide à ce jour de l'existence de trous noirs supermassifs et ouvre une nouvelle fenêtre sur l'étude des trous noirs, de leurs horizons d'évènements et de la gravité. © <em>Event Horizon Telescope Collaboration</em>
    Les astrophysiciens ont obtenu la première image d'un trou noir en utilisant les observations du télescope Event Horizon du centre de la galaxie M87. L'image montre un anneau lumineux formé par la lumière qui se courbe de manière intense autour d'un trou noir 6,5 milliards de fois plus massif que le Soleil. Cette image recherchée depuis longtemps fournit la preuve la plus solide à ce jour de l'existence de trous noirs supermassifs et ouvre une nouvelle fenêtre sur l'étude des trous noirs, de leurs horizons d'évènements et de la gravité. © Event Horizon Telescope Collaboration

    Au tout début du XIXe siècle, les physiciensphysiciens avaient déjà commencé à ébaucher le concept de trou noir et la théorie ondulatoire de la lumière avec les travaux de Michell et Young en Grande-Bretagne, Laplace et Fresnel en France. Aucun d'entre eux n'a certainement anticipé les observations faites aujourd'hui dans un domaine d'ondes électromagnétiquesondes électromagnétiques allant des photonsphotons radio aux photons gamma et montrant l'ombre de l'horizon des événements du trou noir M87* et enfin tout le jet de matière s'élevant au-dessus de son disque d'accrétion, jusqu'à quitter la galaxie elliptique géante hébergeant en son centre le trou noir supermassif.

    En deux siècles, la noosphère a donc fait des progrès stupéfiants qui permettent aujourd'hui aux membres de la collaboration Event Horizon Telescope (EHT) de joindre leurs observations avec des radiotélescopes à d'autres faites par leurs collègues avec la lumière visible (HubbleHubble et SwiftSwift), la lumière ultraviolette (Swift) et les rayons Xrayons X (ChandraChandra et NuSTAR). Les résultats sont spectaculaires comme on peut le voir avec la vidéo ci-dessous, mais aussi en consultant l'article que les astrophysiciens viennent de publier dans The Astrophysical Journal Letters.

    Le travail présenté est bien le fruit d'une réflexion collective de l'Humanité, d'hier et d'aujourd'hui car les données, collectées de fin mars à mi-avril 2017, ont nécessité les cerveaux de 760 scientifiques et ingénieurs de près de 200 institutions réparties entre trente-deux pays ou régions. Elles utilisaient des observatoires financés par des agences et des institutions du monde entier. Rappelons que l'Event Horizon Telescope est un télescope virtuel réalisé grâce à l'interférométrieinterférométrie à très longue base (ou VLBIVLBI pour Very Long Baseline Interferometry en anglais), permettant de combiner des instruments de petite taille pour obtenir l'équivalent d'un instrument de très grande taille, en l'occurrence un radiotélescope de plus de 5.000 kilomètres de diamètre.

    Voici un zoom spectaculaire montrant un emboîtement d'images prises avec des instruments effectuant des observations à différentes longueurs d'onde et à différentes résolutions montrant M87* et son jet de matière. Bien évidemment light-years signifie année-lumière. © The EHT Multi-wavelength Science Working Group; the EHT Collaboration; Alma (ESO/NAOJ/NRAO); the EVN; the EAVN Collaboration; VLBA (NRAO); the GMVA; the Hubble Space Telescope; the Neil Gehrels Swift Observatory; the Chandra X-ray Observatory; the Nuclear Spectroscopic Telescope Array; the Fermi-LAT Collaboration; the H.E.S.S collaboration; the Magic collaboration; the Veritas collaboration; Nasa, ESA and ESO; Nasa/GSFC/SVS/M.Subbarao & Nasa/CXC/SAO/A.Jubett

    M87*, un laboratoire pour la physique et l'astrophysique des trous noirs

    Les objectifs sont toujours les mêmes. Nous savons que les trous noirs supermassifs sont étroitement liés à l'évolution des galaxies et réciproquement. Or, on ne comprend pas encore aussi bien qu'on le voudrait les processus d'accrétion formant des disques et des tores de matière autour des trous noirs supermassifs.

    Également, on ne comprend pas encore aussi bien qu'on le voudrait les processus d'accélération à l'origine des jets de matière pour ces astres compacts. Bien sûr, nous savons que cela relève de la physique des plasmas et de la magnétohydrodynamique relativiste en espace-temps courbe, en l'occurrence celui de trous noirs de Kerrtrous noirs de Kerr en rotation. Mais, comme dans le cas des fluides terrestres, les équations de cette physique sont très difficiles à résoudre analytiquement et le recours à des ordinateursordinateurs et des expériences - donc des observations en astrophysique avec des astres qui servent naturellement de laboratoires dans des conditions variées - sont nécessaires pour progresser.

    Comme retombée de ces travaux de recherche on espère percer également le mystère de l'origine des rayons cosmiquesrayons cosmiques à hautes énergiesénergies et des résultats concernant les neutrinos commencent déjà à arriver. Un trou noir supermassif contenant 6,5 milliards de massesmasses solaires, comme c'est le cas de M87*, est aussi une bonne occasion de tester des alternatives à la théorie de la relativité générale d'Einstein (Futura l'expliquait dans le précédent article ci-dessous), voire à des alternatives à la théorie des trous noirs pour expliquer ce qui se passe au cœur des noyaux actifs de galaxiesnoyaux actifs de galaxies, tels les quasars.

    Voici une série d'images montrant à quoi ressemblait le système de phénomènes associés à M87*, sur tout le spectre électromagnétique, lors de la campagne d'avril 2017 du télescope <em>Event Horizon</em> pour prendre la première image emblématique d'un trou noir. Nécessitant 19 installations différentes sur Terre et dans l'espace, cette image révèle les énormes différences d'échelles associées aux phénomènes liés au trou noir et à son jet, lancé juste à l'extérieur de l'horizon des événements et couvrant ensuite une distance allant au-delà de la galaxie. © <em>The EHT Multi-wavelength Science Working Group; the EHT Collaboration; Alma (ESO/NAOJ/NRAO); the EVN; the EAVN Collaboration; VLBA (NRAO); the GMVA; the Hubble Space Telescope; the Neil Gehrels Swift Observatory; the Chandra X-ray Observatory; the Nuclear Spectroscopic Telescope Array; the Fermi-LAT Collaboration; the H.E.S.S collaboration; the MAGIC collaboration; the Veritas collaboration; Nasa and ESA. Composition by J. C. Algaba</em>
    Voici une série d'images montrant à quoi ressemblait le système de phénomènes associés à M87*, sur tout le spectre électromagnétique, lors de la campagne d'avril 2017 du télescope Event Horizon pour prendre la première image emblématique d'un trou noir. Nécessitant 19 installations différentes sur Terre et dans l'espace, cette image révèle les énormes différences d'échelles associées aux phénomènes liés au trou noir et à son jet, lancé juste à l'extérieur de l'horizon des événements et couvrant ensuite une distance allant au-delà de la galaxie. © The EHT Multi-wavelength Science Working Group; the EHT Collaboration; Alma (ESO/NAOJ/NRAO); the EVN; the EAVN Collaboration; VLBA (NRAO); the GMVA; the Hubble Space Telescope; the Neil Gehrels Swift Observatory; the Chandra X-ray Observatory; the Nuclear Spectroscopic Telescope Array; the Fermi-LAT Collaboration; the H.E.S.S collaboration; the MAGIC collaboration; the Veritas collaboration; Nasa and ESA. Composition by J. C. Algaba

    Pour espérer atteindre les buts fixés, et comme le montrent les images ci-dessus, il faut observer le trou noir, l'environnement du trou noir et son jet de matière à de nombreuses échelles de distance et de temps emboîtées les unes dans les autres. Il faut aussi extraire des informations qui sont contenues dans des bandes de rayonnement différentes.

    Concrètement, la plus petite image, montrant l'environnement proche de l'horizon du trou noir, a une taille d'environ 0,013 année-lumière (une année-lumière, c'est environ 10.000 milliards de kilomètres) et les radiotélescopes mondiaux, dont Alma, permettent de faire un zoom arrière jusqu'à environ 1.000 années-lumière.

    En complément et en relais, ce sont les rayons X d'observatoires spatiaux comme Swift et Chandra qui interviennent, accompagnés par Hubble. Des concentrations de matière dans le jet de M87* deviennent alors nettement visibles.

    C'est l'astronomeastronome états-unien Heber Doust Curtis qui avait observé dès 1918 ce que l'on comprendra plus tard être un jet de matière particulièrement fin et collimaté, s'étendant sur au moins 5.000 années-lumière. Comme Futura l'avait expliqué dans un précédent article, ce jet a fait couler beaucoup d'encre, comme d'autres similaires, parce qu'il semblait présenter des mouvements de matière plus rapides que la lumière. Il n’en est rien.


    Trou noir : des nouvelles de M87* avec l'EHT confirment la théorie d'Einstein

    Article de Laurent Sacco publié le 02/10/2020

    En analysant plus en profondeur les images du trou noir supermassif M87*, les membres de l'Event Horizon Telescope ont posé de nouvelles contraintes sur des alternatives possibles à la théorie de la relativité générale d'Einstein. Elle en sort de nouveau renforcée ainsi que la théorie classique des trous noirs.

    C'est l'astrophysicien et cosmologiste français Jean-Pierre Luminet qui a été le premier à calculer de façon réaliste l'aspect d'un trou noir entouré d'un disque d'accrétion à l'aide d'un ordinateur à la fin des années 1970. Une version plus précise sera obtenue une dizaine d'années plus tard par son collègue astrophysicien Jean-Alain Marck, hélas décédé trop tôt. On voit un extrait de la simulation réalisée dans cette image. © Jean-Alain Marck
    C'est l'astrophysicien et cosmologiste français Jean-Pierre Luminet qui a été le premier à calculer de façon réaliste l'aspect d'un trou noir entouré d'un disque d'accrétion à l'aide d'un ordinateur à la fin des années 1970. Une version plus précise sera obtenue une dizaine d'années plus tard par son collègue astrophysicien Jean-Alain Marck, hélas décédé trop tôt. On voit un extrait de la simulation réalisée dans cette image. © Jean-Alain Marck

    Les années 1960 n'ont pas seulement été marquées par un renouveau des études théoriques en relativité générale sous l'impulsion de la découverte des quasarsquasars et du rayonnement fossilerayonnement fossile. On assiste aussi à ce moment-là au développement de travaux pour tester la théorie d'Einstein et même la réfuter au profit d'autres théories de la gravitation qui, tout en conservant son espace-temps courbe, introduisent de nouvelles équations de champs et ajoutent même d'autres champs qu'un tenseurtenseur métrique, en particulier un ou des champs scalaires.

    Les tests les plus faciles à faire concernaient les mouvements des planètes, des rayons lumineux et des ondes électromagnétiques dans le Système solaireSystème solaire. Mais l'astronomie des ondes gravitationnellesondes gravitationnelles était déjà en grand développement bien que la course à leur détection ne reposait pas encore, au début des années 1970, sur la conception d'un interféromètreinterféromètre utilisant des faisceaux laserslasers comme ce fut finalement le cas avec les détecteurs Ligo et Virgo. On peut se faire une bonne idée de l'ambiance de l'époque, c'est-à-dire en gros entre 1960 et 1975, en consultant le fameux MTW écrit par John Wheeler, Charles Misner et le futur prix Nobel de physique Kip Thorne.

    Aujourd'hui, les voies les plus prometteuses pour découvrir une nouvelle physique et aller au-delà de la théorie de la relativité générale -- peut-être même vers une théorie quantique de la gravitation -- sont sans doute celles de l'étude des ondes gravitationnelles produites par les collisions de trous noirs et l'étude des images que commencent à fournir les membres de la collaboration Event Horizon Telescope. Ils viennent de publier à ce sujet un nouvel article dans la célèbre revue Physical Review Letters.


    Une présentation des travaux de la collaboration EHT lorsqu'elle a révélé la première image de M87* en 2019. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Perimeter Institute for Theoretical Physics

    Un trou noir observé avec un radiotélescope virtuel de la taille de la Terre

    Rappelons que les premières et, pour le moment, uniques images de l'ombre de l'horizon des événements d'un trou noir ont été obtenues par ces astronomes avec le trou noir supermassif au centre de la galaxie elliptique géante M87. Cette galaxie avait été découverte en 1781 par l'astronome français Charles MessierCharles Messier près de la limite nord de la constellation de la Viergeconstellation de la Vierge, non loin de la constellation de la Chevelure de Bérénice.

    M87 n'est située qu'à 55 millions d'années-lumière de la Voie lactée, et elle est étudiée particulièrement parce qu'il s'agit de la plus grande galaxie elliptique la plus proche de la Terre et l'une des plus brillantes radio-sources du ciel. Derrière cette radio-source, on pensait que se cachait un trou noir de Kerr en rotation de 6,5 milliards de masses solaires, baptisé  M87*.

    C'est le 10 avril 2019 qu'ont finalement été révélées les observations menées avec l'Event Horizon Telescope (EHT). À l'époque, elles provenaient d'un réseau international de huit radiotélescopes et observatoires parmi lesquels on trouve l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Alma) au Chili, et le radiotélescope de Pico Veleta de l'Iram situé au sud de l'Espagne, dans la Sierra Nevada.

    Répartis sur toute la Planète, ces radiotélescopes avaient été mis à contribution pour faire de l'interférométrie à très longue base (ou VLBI pour Very Long Baseline Interferometry), c'est-à-dire de la synthèse d'ouverturesynthèse d'ouverture permettant de combiner des instruments physiquement de petite taille pour obtenir l'équivalent virtuel d'un instrument de très grande taille, en l'occurrence un radiotélescope de plusieurs milliers de kilomètres de diamètre comme il est expliqué dans la vidéo ci-dessus.

     Des variantes de l'espace-temps des trous noirs de de la relativité générale conduisant à des tailles des ombres de l'horizon des événements et des anneaux de photons différentes. Sur la gauche, une prévision avec un champ de gravité plus faible proche de l'horizon des événements, la limite en dessous de laquelle on ne peut plus s'échapper ou envoyer un rayon de lumière vers l'extérieur. L'anneau prédit est clairement plus petit que celui observé. À droite, la situation contraire. La théorie d'Einstein passe bien le test au centre. © D. Psaltis, UArizona ; EHT Collaboration
    Des variantes de l'espace-temps des trous noirs de de la relativité générale conduisant à des tailles des ombres de l'horizon des événements et des anneaux de photons différentes. Sur la gauche, une prévision avec un champ de gravité plus faible proche de l'horizon des événements, la limite en dessous de laquelle on ne peut plus s'échapper ou envoyer un rayon de lumière vers l'extérieur. L'anneau prédit est clairement plus petit que celui observé. À droite, la situation contraire. La théorie d'Einstein passe bien le test au centre. © D. Psaltis, UArizona ; EHT Collaboration

    Des alternatives à la théorie d'Einstein encore plus contraintes

    Il se trouve que les théories métriques alternatives à la théorie de la relativité générale d'Einstein peuvent être souvent rassemblées dans un formalisme qui dépend de plusieurs paramètres. Les observations dans le Système solaire ont permis de poser des bornes sur ces paramètres au point d'exclure parfois certaines théories comme celle proposée initialement par le grand mathématicienmathématicien et philosophe Alfred North WhiteheadAlfred North Whitehead en 1922.

    Des membres de la collaboration EHT font savoir aujourd'hui que les contraintes sur certains de ces paramètres ont été rendues 500 fois plus fortes environ en regardant précisément la taille de l'ombre des trous noirs ou alternatives aux trous noirs considérées dans les autres théories relativistes de la gravitation encore crédibles.

    Sur le schéma ci-dessus, on a montré les cercles prédits par ses variantes, ils correspondent à l'anneau de lumière et à la limite des images du disque d'accrétion de M87*. Clairement, à nouveau et peut-être tristement, la générale est encore victorieuse.

    Mais nous n'en sommes encore qu'au début de la saga des images de l'EHT. En effet, elles vont augmenter en qualité au cours des années, notamment parce que d'autres radiotélescopes vont entrer dans la danse. Ainsi, on aura les contributions du télescope du Groenland, du télescope de 12 mètres sur le pic Kitt près de Tucson et de l'observatoire du réseau millimétrique étendu du nord en France.


    Participation de Taiwan au projet du télescope au Groenland qui permet d'observer les trous noirs supermassifs. © Rti Français