Les fusions de trous noirs supermassifs pourraient émettre des flashs de lumière aidant à localiser ces sources d'ondes gravitationnelles que devrait observer depuis l'espace le détecteur eLisa à partir des années 2030.

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    La détection conjointe par Ligo et VirgoVirgo l'année dernière de la source d'ondes gravitationnelles GW170817 a constitué un tournant dans l'histoire des sciences. Elle a donné de la vigueur à l'astronomie « multi-messagers », inaugurée dix ans plus tôt par la détection conjointe de photons et de neutrinosneutrinos émis par la supernova de 1987. GW170817 était en effet associée clairement à un sursaut gamma, en l'occurrence celui produit sous forme d'une kilonova par la collision de deux étoiles à neutrons.

    On pourrait penser qu'une collision de deux trous noirs n'engendre pas de rayonnement électromagnétique, car ces astres ne sont pas chargés et ne peuvent donc pas rayonner, comme le fait un électronélectron approchant d'un noyau. Il existe bien une solution conjointe du système d'équationséquations constitué par celles d'Einstein pour la gravitationgravitation et de Maxwell pour le champ électromagnétiquechamp électromagnétique décrivant un trou noir chargé. Il s'agit du trou noir de Reissner-Nordström découvert indépendamment par l'ingénieur en aéronautique allemand Hans Reissner en 1916 et le physicienphysicien finlandais Gunnar Nordström en 1918. Mais comme l'a montré Garry Gibbons en 1975, les trous noirs chargés se déchargent spontanément très rapidement.

    Toutefois, l'astrophysiqueastrophysique nous enseigne que des trous noirs peuvent être entourés par un disque d'accrétiondisque d'accrétion et que ce processus d'accrétion chauffe la matièrematière qui l'entoure qui se met donc à rayonner. Que se passerait-il dans le cas d'un trou noir binairebinaire en route vers une collision suivie d'une fusionfusion et qui serait précisément entouré d'un disque d'accrétion ? Un groupe de physiciens mené par des membres du Rochester Institute of Technology aux États-Unis est en train de donner des réponses partielles à ces questions comme ils l'expliquent dans un article que l'on peut trouver sur arXiv.


    Deux trous noirs supermassifs au centre d'un grand disque de gaz sont sur une trajectoire de collision dans une simulation d'où ces images sont extraites. Un flux intermittent de gaz remplit et vide les petits disques d'accrétion autour des deux trous noirs générant des fluctuations de lumière. (Le point au centre de l'image ne fait pas partie de la simulation, les densités de gaz, un plasma, sont donnés par les couleurs.) © Rochester Institute of Technology

    Des disques d'accrétion remplis et vidés par intermittence

    Les chercheurs se sont penchés sur le cas d'un trou noir binaire formé de deux trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs dont la collision ne saurait tarder. Ils émettent alors des ondes gravitationnellesondes gravitationnelles de basses fréquencesfréquences que devrait commencer à détecter eLisa quand il sera dans l'espace à partir des années 2030. Les trous noirs supermassifs peuvent être le lieu de processus d'accrétion particulièrement vigoureux dégageant beaucoup d'énergieénergie. La preuve en est qu'ils sont censés expliquer l'origine du formidable rayonnement des quasars.

    Pour mener leurs calculs, les astrophysiciensastrophysiciens ont eu recours à des simulations numériquessimulations numériques dont certaines ont été effectuées à l'aide du supercalculateursupercalculateur Blue Waters du National Center for Supercomputing Applications situé à l'université de l'Illinois à Urbana-Champaign. Il s'agissait en effet de décrire des effets complexes de magnétohydrodynamique et de physiquephysique des plasmas en espace-tempsespace-temps courbe autour de trous noirs en mouvementmouvement en régime relativiste, c'est-à-dire à des vitessesvitesses qui ne sont pas négligeables devant celle de la lumièrelumière.

    Le disque d'accrétion entourant le trou noir binaire est susceptible de contenir deux disques plus petits autour de chaque trou noir. Les simulations ont alors montré que le flot de matière provenant du disque principal alimentait de façon inégale mais quasi-périodique chacun des petits disques. Et faisant donc varier plus ou moins fortement l'énergie libérée sous forme d'ondes lumineuses par chacun de ces disques en donnant une signature bien caractéristique sous forme de flashsflashs de lumière.

    Les chercheurs pensent que le LSSTLSST, le Large Synoptic Survey Telescope, qui entrera en service au cours des années 2020, devrait être en mesure de détecter ces flashs de lumière. Ce qui permettrait de compléter la détection et l'étude des ondes gravitationnelles accompagnant la collision puis la fusion des trous noirs supermassifs.


    Deux trous noirs supermassifs dansent l’un autour de l’autre

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco, publié le 30/06/2017

    Dans le catalogue des radioastronomes, 0402+379 est une radiogalaxie qui semble posséder deux cœurs. Ce sont deux trous noirs supermassifs et les observations semblent bien montrer qu'ils sont en orbiteorbite l'un autour de l'autre.

    La découverte des étoiles binaires a permis de tester la loi de la gravitation de NewtonNewton en dehors du Système solaireSystème solaire et, longtemps, les mouvements des étoiles de la Voie lactéeVoie lactée et dans les autres galaxiesgalaxies sont eux aussi apparus conformes aux équations du fondateur de la physique classique. Ces faits ont fortement contribué à l'idée de lois universelles. Aujourd'hui, les physiciens ont des doutes, comme le prouve le développement de la théorie Mond. La théorie de la relativité généralerelativité générale a aussi remplacé celle de Newton, en renouvelant au passage également le concept de trou noir, déjà entrevu par Michell et Laplace à la fin du XVIIIe siècle.

    La théorie d'EinsteinEinstein peut être testée, avec l'espoir de la dépasser, par l'observation des mouvements d'étoiles autour du trou noir supermassif installé au cœur de la Voie lactée. Elle pourrait aussi être mise à l'épreuve grâce à la détection d'ondes gravitationnelles produites par deux trous noirs supermassifs qui fusionnent ou quand l'un d'eux avale une étoile à neutrons. De tels phénomènes peuvent également servir à mettre à l'épreuve nos idées sur les trous noirs.

    Des trous noirs supermassifs sont tapis au cœur des galaxies et nous savons qu'elles fusionnent parfois. On devrait donc détecter des galaxies avec deux trous noirs supermassifs en orbite l'un autour de l'autre, se rapprochant d'abord lentement, mais inexorablement, de leur coalescencecoalescence. Quelques cas de tels systèmes doubles ont été repérés depuis une dizaine d'années mais ces observations n'étaient pas solidessolides. Il semble qu'il en soit aujourd'hui tout autrement, comme le prouve une récente publication sur arXiv.

    Sur cette image obtenue dans le domaine radio par le VLBA, apparaissent les deux trous noirs supermassifs, notés C1 et C2, accrétant de la matière, qu'ils chauffent et qui émet du rayonnement, visible à droite. © Bansal <em>et al.</em>, NRAO/AUI/NSF

    Sur cette image obtenue dans le domaine radio par le VLBA, apparaissent les deux trous noirs supermassifs, notés C1 et C2, accrétant de la matière, qu'ils chauffent et qui émet du rayonnement, visible à droite. © Bansal et al., NRAO/AUI/NSF

    Des trous noirs supermassifs séparés par 24 années-lumière seulement

    Une équipe d'astronomesastronomes états-uniens a en effet utilisé le formidable pouvoir de résolutionrésolution d'un radiotélescoperadiotélescope bien connu, le VLBA (Very Long Baseline Array). Il s'agit en fait d'un instrument virtuel qui doit sa vue perçante à la technique de synthèse d'ouverturesynthèse d'ouverture par interférométrieinterférométrie. Il combine les observations de 10 antennes de 25 mètres chacune, couvrant le territoire américain depuis Sainte-Croix, dans les Îles Vierges (Antilles), jusqu'au Mauna Kea de l'île d'Hawaï, dans l'océan Pacifique. L'ensemble forme l'équivalent d'un radiotélescope dont le diamètre serait de plusieurs milliers de kilomètres.

    Le VLBA leur a permis d'étudier patiemment depuis plus d'une décennie la radiogalaxie elliptique connue sous le nom de 0402+379. Elle est située à environ 750 millions d'années-lumièreannées-lumière de la Voie lactée et avait déjà fait parler d'elle en 2006 avec l'annonce de la découverte d'un trou noir supermassif binaire dont les deux membres battaient le record de la plus courte distance de séparationséparation pour de tels objets, avec seulement 24 années-lumière environ.

    Les chercheurs ont donc affiné les analyses des données collectées sur ce couple et ils confirment aujourd'hui qu'ils sont bien très probablement en orbite. Ses caractéristiques commencent à être bien connues. Les chiffres avancés font état d'une période orbitalepériode orbitale d'environ 24.000 ans et d'une massemasse totale de 15 milliards de masses solaires. Toutefois, trois à quatre ans d'observations sont encore nécessaires pour aboutir à des conclusions fermes.

    Les mouvements sont en effet très lents, si l'on peut dire. La performance réalisée par les astronomes avec le VLBA, en résolutions spatiale et temporelle, revient à repérer et mesurer le mouvement d'une grosse fourmifourmi se déplaçant à 1 cm/s à la surface d'une exoplanèteexoplanète en orbite autour de Proxima du CentaureProxima du Centaure.


    Un plan pour traquer les trous noirs supermassifs binaires

    Article de Laurent Sacco, publié le 12/08/2011

    Les trous noirs supermassifs, au centre des galaxies, se développeraient principalement grâce à la coalescence de trous noirs non stellaires depuis des milliards d'années. Pour étudier ce processus, il faut multiplier les observations de trous noirs massifs binaires dans des galaxies. C'est ce que souhaitent faire des chercheurs du Kavli Institute for Particle Astrophysics and Cosmology.

    On ne sait pas très bien comment sont apparus les premiers trous noirs massifs au cœur des galaxies, tout ce que l'on sait c'est qu'ils croissent de pair avec les galaxies. La théorie standard veut que ce soit à l'occasion de collisions entre galaxies, avec fusion, que la coalescence de leurs trous noirs centraux se produise. Ce serait là le processus le plus efficace pour obtenir les trous noirs supermassifs de plusieurs milliards de masses solaires aujourd'hui observés.

    Sur la gauche les observations « brutes » de Chandra pour SDSS J171544.05+600835.7, au milieu une version traitée et à droite un modèle ajusté à ces observations et montrant deux sources distinctes, probablement des trous noirs binaires supermassifs. © Brian Gerke-Greg Madejski

    Sur la gauche les observations « brutes » de Chandra pour SDSS J171544.05+600835.7, au milieu une version traitée et à droite un modèle ajusté à ces observations et montrant deux sources distinctes, probablement des trous noirs binaires supermassifs. © Brian Gerke-Greg Madejski

    On pense qu'il existe dans certains amas globulairesamas globulaires des trous noirs massifs, ne résultant pas de l'effondrementeffondrement d'une étoile. Là aussi, lors de collisions entre galaxies, de tels trous noirs pourraient être phagocytés par le trou noir central. De fait, on connaît des exemples de ces trous noirs intermédiaires dans une galaxie. Un autre exemple de galaxie bien connu est NGC 6240, qui contenait elle-même deux trous noirs supermassifs qui nous apparaissent sur le point de fusionner dans des millions d'années.

    Toutefois, la théorie voulait que ce soit à l'occasion de ces fusions de galaxies que s'allument les quasars. Les dernières observations montrent que ce n'est pas le cas. Certains éléments nous échappent donc encore dans le processus de croissance des trous noirs supermassifs. Davantage d'observations de galaxies avec des trous noirs formant des systèmes binairessystèmes binaires sont donc nécessaires. Une stratégie de recherche a ainsi été mise au point, comportant trois étapes.


    Un extrait du documentaire du projet multiplateforme francophone sur la cosmologie contemporaine, Du Big Bang au Vivant. © Groupe ECP, www.dubigbangauvivant.com, Youtube

    Le test des rayons X

    La première étape consiste à éplucher les données fournies par le Sloan Digital Sky Survey pour y chercher des caractéristiques spectrales spécifiques de galaxies contenant deux noyaux actifs, c'est-à-dire deux trous noirs centraux en train d'accréter de la matière et émettant en conséquence d'importantes quantités de lumière. Une candidate a été récemment trouvée, la galaxie SDSS J171544.05+600835.

    La deuxième étape consiste à affiner les mesures en utilisant les télescopes du Lick Observatory et du KeckKeck Observatory. Dans le cas de la galaxie précédente, elles ont révélé qu'il semblait bien y avoir deux sources importantes de rayonnement séparées par environ 6.800 années-lumière.

    La troisième étape, celle qui est décisive, consiste à vérifier que l'on est bien en présence de trous noirs géants sur le point d'accréter du gazgaz. Pour cela, il faut conduire des observations en rayons Xrayons X avec ChandraChandra. De fait, une signature qui peut s'interpréter comme la présence d'un trou noir binaire a effectivement été obtenue dans le cas de la galaxie SDSS J171544.05+600835.7. Elle doit être confirmée par d'autres observations de Chandra.