L'énergie et la matière noire sont deux énigmes du modèle cosmologique standard dont nous ne connaissons pas encore la nature, en supposant qu'elles existent bien. Des particules appartenant à une classe particulière de théories associées à une possible cinquième force dans le cosmos observable et pouvant rendre compte de l'énergie noire, les particules caméléons, pointent peut-être le bout de leur nez depuis quelque temps dans une expérience destinée initialement à découvrir des particules de matière noire.


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    Le modèle cosmologique standard est remarquablement couronné de succès car on peut en déduire bien des observations concernant les galaxies, les grandes structures qui le composent, les caractéristiques de la plus vieille lumière de l'Univers ainsi que celles de la matière fossilefossile laissée par le Big BangBig Bang et sa nucléosynthèsenucléosynthèse primordiale. Toutefois, il suppose que l'essentiel de la massemasse contenue dans un grand volumevolume partout dans le cosmoscosmos observable est constitué d'abord de ce que nous appelons l'énergie noireénergie noire à environ 70 % et à environ 5 % seulement de protonsprotons et de neutronsneutrons, le reste semble être sous la forme de particules très peu sensibles aux forces électromagnétiques et qui se comportent donc comme de la matière dite noire.

    Cette dernière ne peut être composée des particules de matière que nous connaissons dans les laboratoires terrestres.

    Mais comme elle devrait représenter environ 25 % de la densité de masse dans le cosmos, nous devrions être traversés par ces particules de matière noirematière noire de sorte qu'en s'enfonçant profondément sous terre pour échapper au bruit de fond du rayonnement classique constitué de particules bien connues, des détecteurs spécifiquement conçus pourraient peut-être détecter ces particules de matière noire que l'on imagine très pénétrantes, justement parce qu'elles sont très peu sensibles non seulement aux forces électromagnétiques mais aussi aux forces nucléaires.


    Une présentation de la chasse aux particules de matière noire avec l'expérience Xenon 1T. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © LDC Audiovisivi

    Un excès de collisions de particules avec les atomes de xénon

    L'un de ces détecteurs s'appelle Xenon 1T et il et se trouve au laboratoire souterrain du Gran Sasso, en Italie. C'est la version améliorée de l'expérience Xenon 100. Elle est bien plus sensible théoriquement au flux de Wimps (pour Weakly Interacting Massive Particles), une classe hypothétique de particules de matière supposées un temps prometteuses mais dont la chasse s'est révélée décevante. Comme son nom le laisse deviner, le détecteur Xenon 1T est rempli de 3,2 tonnes de xénonxénon liquéfié ultra-pur. Les atomesatomes de ce gazgaz rare peuvent générer des grains de lumière et des électronsélectrons en entrant en interaction avec des particules, des signaux que peut mettre en évidence le détecteur en son sein et qui indiquent les occurrences de ces événements dans le jargon des physiciensphysiciens des hautes énergies.

    Comme on l'a sous-entendu implicitement plus haut, les particules de matière noire ne sont pas les seules à pouvoir produire ces événements. C'est pourquoi les physiciens se sont enterrés sous la montagne du Gran Sasso pour que celui-ci fasse un important barrage aux rayons cosmiquesrayons cosmiques constitués de particules connues, et ils pensent avoir évalué correctement le léger bruit de fond des désintégrations radioactives des atomes dans la paroi rocheuse entourant le détecteur, tout aussi bien que celles dans le détecteur lui-même.

    Au bout d'une campagne d'observations menée il y a quelques années, un surprenant excès événements par rapport à ceux attendus a été observé. Cet excès pourrait bien sûr être dû à une mauvaise modélisation du contenu en atomes radioactifs du détecteur et de son environnement, en l'occurrence quelques noyaux d'un isotopeisotope radioactif de l'hydrogènehydrogène, le tritium. À ce stade de l'accumulation de la statistique, nous n'en avons pas assez pour écarter cette hypothèse.

    Mais si les physiciens ont bien fait leur travail d'isolationisolation du détecteur et d'évaluation du bruit de fond le traversant, alors nous serions bel et bien devant les premières manifestations de l'existence d'une nouvelle physiquephysique, qu'il reste tout de même à confirmer avant de parler d'une découverte.


    Pierre Brun est physicien des particules à l’Irfu et travaille à la frontière entre la physique des particules et la cosmologie. Il s’intéresse à une théorie qui postule l’existence d’une particule dénommée « axion », qui résoudrait certains problèmes liés à la violation de symétrie dans les lois de la physique de l’interaction forte. Neutre et léger et interagissant très faiblement avec la matière, l'axion a toutes les caractéristiques pour être une particule de matière noire. © CEA Sciences

    Une nouvelle physique avec des axions ?

    De prime abord, on pouvait penser que les événements détectés pouvaient correspondre à une classe de particules très légères et peu interagissantes, considérées comme parmi les meilleures candidates au titre de particules de matière noire et que l'on appelle des axionsaxions. Décrire en détail la théorie les concernant nous emmènerait trop loin. Mais on peut se reporter aux explications de la vidéo ci-dessus. 

    Quelques informations tout de même. La théorie nous dit que le Soleil et les étoiles devraient produire une quantité importante d’axions, qui sont des particules associées à un champ scalaire cousin de celui du fameux boson de Brout-Englert-Higgs. Les axions devraient pouvoir se comporter selon une variante de ce que l'on appelle l'effet Primakoff - c'est-à-dire que dans un champ magnétiquechamp magnétique, des photonsphotons devraient pouvoir se convertir en axions et inversement.

    Nous n'avons pas vraiment de moyen de prédire la masse et l'intensité du couplage des axions au champ électromagnétiquechamp électromagnétique. Ce sont des paramètres libres que l'on peut tenter de déterminer en calculant les conséquences pour des valeurs données. Il se trouve que si on cherche vraiment à interpréter les résultats de Xenon 1T avec l'hypothèse des axions, cela conduit à des valeurs que l'étude des étoilesétoiles réfute. En effet, les axions emportent de l'énergie de sorte qu'un important flux de ces particules va modifier leur évolution, comme par exemple leur vitessevitesse de refroidissement. Le comportement observé des étoiles n'est pas compatible avec certaines valeurs possibles des paramètres décrivant les axions.

    Mais dans un article qu'une équipe de physiciens vient de publier dans la célèbre revue Physical Review D et que l'on peut trouver en accès libre sur arXiv, les résultats de Xenon 1T sont ré-interprétables dans un sens quelque peu inattendu. Ils soutiennent modérément, l'hypothèse de l'existence de particules en mesure d'expliquer la nature de l'énergie noire et que l'on appelle des particules caméléons.


    Présentation par Françoise Combes de son cours 2016-2017 : « Énergie noire et modèles d'univers ». © Collège de France

    Des particules caméléons mimant les axions ?

    L'un des auteurs de l'article en question n'est autre que Philippe BraxPhilippe Brax qui a beaucoup travaillé sur la théorie des particules caméléons et à qui Futura est redevable de deux dossiers portant sur la cosmologie et les théories sur l’énergie noire. Futura a aussi consacré plusieurs articles à la théorie des particules caméléons dont ceux, ci-dessous, auxquels nous vous renvoyons pour des explications détaillées sur ces particules exotiquesexotiques encore hypothétiques. En compagnie de ses collègues Anne-Christine Davis, Sunny Vagnozzi, Luca Visinelli, et Jeremy Sakstein, le physicien français s'est rendu compte qu'une variante possible de la théorie des particules caméléons, également associée à un champ scalaire, pouvait se comporter comme des axions et avec l'effet Primakoff.

    Toutefois, on sait que les masses des particules caméléons varient en fonction de la densité du milieu dans lequel elles se trouvent de sorte que l'on peut échapper aux contraintes sur les étoiles, tout en montrant qu'un important flux de ces particules peut être engendré dans une région du SoleilSoleil où règne un fort champ magnétique : la tachoclinetachocline.

    C'est une zone de transition entre les régions internes du Soleil dominées par le transfert radiatif de la chaleurchaleur et les régions externes dominées par la convectionconvection. Elle est située à une distance du centre du Soleil d'environ 0,7 fois son rayon. On pense que cette zone est cruciale pour la génération du champ magnétique de surface du Soleil par effet dynamo.

    Toujours est-il que même si un modèle de particules caméléons peut bel et bien rendre compte des observations de Xenon 1T, les résultats n'en sont encore qu'à 2 sigma dans le jargon des scientifiques et c'est encore bien loin d'une découverte. On en saura peut-être plus avec de nouvelles expériences similaires mais plus sensibles dans un avenir proche telles que XENONnT, PandaX-4T et LUXLUX-ZEPLIN selon les chercheurs.


    Une gravité « caméléon » pourrait expliquer le monde des galaxies

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 06/08/2019

    Des alternatives à la théorie de la gravitationgravitation d'EinsteinEinstein se comportent comme si une cinquième force existait. Les particules associées à cette cinquième force ont des caractéristiques qui changent en fonction de la densité de matière présente. Des simulations numériquessimulations numériques montrent que ces alternatives à la relativité généralerelativité générale peuvent rendre compte de la naissance des galaxies, en plus de l'existence de l'énergie noire.

    Beaucoup de théoriciens du début des années 2000 auraient sans doute parié que les mystères de la nature de la matière noire et de l'origine de l'accélération du cosmos observable allaient être résolus au début des années 2010. C'est malheureusement loin d'être le cas. Mais il est encore trop tôt pour désespérer car de nombreux modèles théoriques existent encore qui n'ont pas été réfutés par les expériences menées par exemple avec le LHCLHC, le détecteur AMS ou le satellite Plancksatellite Planck.

    Le LSST ou le satellite EuclidEuclid vont bientôt prendre le relais, complétant d'autres expériences en cours, et un flot de données se prépare à ruisseler dans les ordinateursordinateurs que la noosphère va utiliser pour décrypter ses racines cosmiques. Les grandes structures de l'univers, rassemblant galaxies et amas de galaxiesamas de galaxies vont être plus précisément connues, comme ces objets eux-mêmes - Gaia permet déjà de sonder et cartographier la Voie lactéeVoie lactée comme jamais auparavant.

    Toutefois, pour révéler une nouvelle physique à l'œuvre des galaxies aux amas de galaxies regroupés en filaments enlaçant des bulles presque vides, il faut pouvoir générer d'autres flots de données, non pas issues de la nature mais des modèles numériquesmodèles numériques basés sur des hypothèses relevant ou non d'une nouvelle physique au-delà, en particulier, de la relativité générale d'Einstein.

    Des simulations numériques de la formation des galaxies

    Comme la puissance des superordinateurssuperordinateurs a augmenté considérablement au cours des dernières décennies, il est désormais possible de simuler la formation des galaxies et des grandes structures. Pas uniquement à partir de distribution de matière noire mais aussi en tenant compte des processus affectant la matière baryonique, comme le souffle des supernovaesupernovae ou celui des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs en mode quasar. Ces processus peuvent en effet entrer dans des boucles de rétroactionboucles de rétroaction avec le comportement de la matière noire, laquelle a initialement permis la naissance des galaxies en accélérant l'effondrementeffondrement de la matière normale, et en provoquant ensuite le rassemblement des amas de galaxies en filaments.

    On sait que toutes ces structures sont sensibles aux caractéristiques des particules de matière noire mais on peut également voir l'influence de l'énergie noire, que l'on pense responsable de l'accélération de l'expansion du cosmos (on peut avoir ce phénomène sans énergie noire avec des modèles de cosmologiecosmologie relativiste qui ne sont pas homogènes du point de vue de la répartition de la matière). Dans tous ces cas, matière noire et énergie noire pourraient en fait n'être que des effets d'une théorie relativiste de la gravitation autre que celle d'Einstein.


    Une présentation des simulations numériques d’Illustris-The Next Generation. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © SpaceRip

    Des simulations numériques, en particulier celle d'Illustris-The Next Generation (Illustris TNG), peuvent être menées avec l'une de ces théories que les théoriciens étudient depuis longtemps. En comparant les données des observations à celles des simulations, on peut donc réfuter ou corroborer tel ou tel modèle de la gravitation. C'est précisément ce qu'ont fait des cosmologistes de l'université de Durham en utilisant Illustris TNG et une sous-classe particulière de ce que l'on appelle la classe des théories f(R). Les chercheurs l'expliquent dans un article paru dans le journal Nature Astronomy, et en accès libre sur arXiv.

    Des particules caméléons dont les masses s'adaptent à l'environnement

    Quelques rappels sur ce que l'on appelle les théories f(R) sont nécessaires pour comprendre de quoi il retourne. En physique théorique, il est commode d'introduire les lois fondamentales à partir d'une fonction que l'on appelle un lagrangienlagrangien. Dans le cas d'une théorie de la gravitation, cette fonction peut dépendre de la quantité R qui désigne le scalaire de courbure de l'espace-tempsespace-temps dans une théorie relativiste de la gravitation. À lui seul, il permet de dériver la théorie d’Einstein en utilisant une technique mathématique puissante, le calcul variationnelcalcul variationnel. Or, de même qu'un polynômepolynôme p(X) peut être approximé par une formule en a+bX lorsque X est petit, on pouvait penser que le terme en R - dont dérivaient les équationséquations d'Einstein - n'était que l'approximation d'une fonction f(R) plus compliquée en a+bR+cR2+... lorsque la courbure de l'espace-temps est faible.

    On peut montrer qu'une théorie f(R) est équivalente à la théorie d'Einstein en interaction avec un champs scalaire semblable au champ du fameux bosonboson de Brout-Englert-Higgs. C'est un exemple de ce que l'on appelle une théorie tenseur-scalaire de la gravitation. On peut poser des contraintes sur ce genre de théorie dans le Système solaireSystème solaire, au niveau des pulsarspulsars et des trous noirs et bien sûr dans le monde des galaxies et des amas de galaxies.

    Tout se passe comme si on introduisait une cinquième force, mais si l'on peut rendre compte de façon appropriée de l'énergie noire avec ce genre de théorie, l'accord obtenu est détruit généralement avec les observations dans le Système solaire ou avec des pulsars binairesbinaires... sauf si la fonction f(R) conduit, et c'est possible, à un champ scalaire adoptant une sorte d'effet caméléon. On parle alors de gravitégravité caméléon.

    Comme Futura l'expliquait dans l'article précédent ci-dessous, un champ caméléon a des caractéristiques qui dépendent de la densité de matière dans la région où il est présent. Une forte densité conduira par exemple à une forte masse pour la particule associée au champ scalaire, qui se comportera alors aussi comme les fameux mésonsmésons pipi de Yukawa décrivant les forces entre nucléonsnucléons dans les noyaux. Dit autrement, les particules caméléons auront une très faible portée et leurs effets ne seront pas sensibles dans les mesures d'orbitesorbites faites, par exemple, dans le Système solaire. À l'inverse, la masse des particules caméléons devient faible à des échelles de distance bien plus grandes du fait des faibles densités moyennes. L'effet de la cinquième force devient alors notable et ce serait donc notamment l'énergie noire.

    Ce qu'ont réussi à montrer les chercheurs de Durham, c'est qu'une gravité caméléon est bel et bien en mesure de rendre compte de la formation et des caractéristiques des galaxies, en particulier spirales, que l'on observe.

    Cela ne prouve pas que la gravitation caméléon est bien une bonne description du cosmos observable, mais cela prouve en tout cas que c'est une voie de recherche sérieuse qu'il va falloir explorer plus complètement.


    Une particule caméléon pour expliquer l'énergie noire

    Article de Laurent Sacco publié le 16/02/2009

    Particule hypothétique, l'axion constitue peut-être une partie de la matière noire. Une autre particule hypothétique, lui ressemblant beaucoup, dont la masse et l'effet sur les particules de matière normale pourraient varier en fonction de la densité de matière, pourrait, elle, expliquer l'énergie noire. Une expérience du Fermilab chasse cette particule caméléon...

    La nature de l'énergie noire accélérant l'Univers est toujours inconnue, même si l'on a de bonnes raisons de penser qu'il s'agit d'une véritable constante cosmologiqueconstante cosmologique. Pour un théoricien, l'énergie noire pose de redoutables défis mais elle représente aussi l'espoir d'obtenir des informations sur une physique au-delà du modèle standardmodèle standard qui restera peut-être à tout jamais inaccessible en accélérateur. Plusieurs modèles issus de la théorie des cordesthéorie des cordes conduisent à des prédictions sur la nature de l'énergie noire.

    Sans aller jusqu'à faire intervenir directement cette théorie mythique, les astrophysiciensastrophysiciens théoriciens proposent différentes théories phénoménologiques pour tenter de faire la lumière sur l'énergie noire. L'une d'elles est particulièrement intéressante car elle conduit à des prédictions qui peuvent être testées en laboratoire.

    L'idée proposée par Justin Khoury et Amanda Weltman en 2003 est simple mais subtile. Rappelons que l'énergie noire ne semble se manifester qu'à des distances énormes, au niveau des amas de galaxies, et qu'elle accélère l'expansion de l'Univers. Elle se comporte donc comme une sorte d'anti-gravité. On peut raisonnablement se demander si ses effets ne sont pas perceptibles à l'échelle du système solaire, dont on rendrait compte par des extensions de la théorie de la relativité générale comme celles faisant intervenir un champ scalaire. Malheureusement, il y a des bornes issues des observations dans le système solaire et avec les pulsars binaires émettant des ondes gravitationnellesondes gravitationnelles qui contraignent fortement l'existence d'un champ scalaire associé à la gravitation.

    Certaines des théories avec champ scalaire induisent aussi des modifications dans le temps et dans l'espace de la constante de structure fineconstante de structure fine, la constante de couplage intervenant dans les processus électromagnétique décrit par la QEDQED. Il y a eu quelques annonces suggérant des valeurs différentes de cette constante au début de l'histoire de l'Univers mais jusqu'à présent, les observations réalisées par exemple au niveau des quasarsquasars restent non concluantes.

    Toutefois, de la même façon qu'il a fallu se rendre compte que les neutrinosneutrinos pouvaient osciller et changer de masse, il se pourrait que la masse et la constante de couplage avec la matière, la gravitation et le champ électromagnétique d'une particule décrite par un champ scalaire, dépendent de la densité de matière du lieu où elle interagit.

    Amanda Weltman. © <em>African Summer Theory Institute</em> (ASTI)
    Amanda Weltman. © African Summer Theory Institute (ASTI)

    Des photons peuvent-ils devenir des camélons ?

    Selon  Khoury et Weltman, on pourrait imaginer que la particule soit massive et avec un couplage très faible au niveau du système solaire et des galaxies, mais au contraire légère et avec un couplage fort au niveau des amas de galaxies, là où la densité de matière est beaucoup plus faible. Ceci permettrait alors de réconcilier les observations. S'adaptant selon son environnement, une telle particule a donc tout naturellement été nommée une particule caméléon.

    Bien sûr, cette explication, de prime abord, évoque fortement un épicycle à la PtoléméePtolémée. Mais elle ne l'est guère plus que l'introduction de l'oscillation des neutrinos pour expliquer le problème du déficit en neutrinos solaire ou bien la découverte de la liberté asymptotique des quarks. Là aussi, une valeur différente de la constante de couplage en fonction de la distance entre quarksquarks sert à expliquer pourquoi on n'observe jamais de quarks isolés.

    Mais il y a mieux ! En effet, les équations proposées par Khoury et Weltman décrivent un champ scalaire qui ressemble beaucoup à un autre invoqué pour résoudre la problème de la matière noire, en l'occurrence l'axion.

    On peut alors imaginer de tester la théorie avec les expériences en cours portant sur la recherche de l'axion. Cela vient d'être fait par un groupe de chercheurs travaillant au Fermilab et dirigé par Aaron Chou, en collaboration avec Amanda Weltman.

    Il s'agit toujours de la technique consistant à faire passer un faisceau laserlaser dans un lieu où règne un fort champ magnétique. En l'occurrence, en pénétrant  dans une chambre à vide aux parois massives plongée dans un champ magnétique intense, les photons du laser se convertiraient en partie en particules caméléons massives. Ce faisant, à cause de la conservation de l'énergie, elles ralentiraient fortement et resteraient un certain temps dans la chambre à vide. Or, si l'on coupe le faisceau laser mais que le champ magnétique existe toujours, les particules peuvent redevenir des photons que l'on peut détecter avec un photomultiplicateur à la sortie de la chambre à vide.

    L'expérience réalisée dans le cadre de la collaboration GammeV n'a pour le moment rien donné d'autre que de poser des bornes à la masse de ces particules caméléons. Mais les chercheurs pensent pouvoir améliorer la sensibilité du dispositif en refroidissant considérablement la chambre afin de lutter contre les photons parasitesparasites du bruit thermique. Un facteur 10.000 pourrait ainsi être gagné. La chasse aux caméléons continue !