Pour compléter notre précédent article sur la décision de la Nasa de financer une étude portant sur une future mission à destination de Pluton, Stuart Robbins du Southwest Research Institute et chercheur principal adjoint de l’étude nous livre des informations sur le scénario envisagé pour cette mission et les instruments qui pourraient être embarqués sur le satellite.


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    Sans surprise, les données acquises par la sonde New HorizonsNew Horizons ont considérablement renforcé l'attrait de PlutonPluton de sorte que de nombreux scientifiques souhaitent lancer une nouvelle mission à destination de Pluton. Mais, à la différence de la sonde de la Nasa qui a survolé Pluton en juillet 2015, l'idée est d'envoyer une sonde qui se mettrait en orbite autour de Pluton avant de la quitter à destination d'objets de la ceinture de Kuiper.

    Lors de ce survolsurvol, New Horizons avait une charge utile limitée et ne pouvait donc effectuer qu'une analyse rapide de Pluton et de ses cinq lunes. À cela s'ajoute que l'hémisphère sudhémisphère sud n'avait pas pu être observé car il était plongé dans la nuit et que lors du survol l'acquisition des données n'avait duré que quelques jours. Malgré cette faible durée des observations, il en est ressorti que Pluton présente une étonnante diversité géologique, un dynamisme insoupçonné et un probable océan liquide sous sa surface gelée. Comme le souligne Pierre Thomas, professeur émérite de géologiegéologie à l'ENS de Lyon et chercheur au laboratoire de géologie de Lyon, certaines des données de New Horizons sont des « surprises totales et sont contradictoires avec ce qu'on pensait trouver sur Pluton ». Des résultats « complètement inédits et imprévus » qui compliquent encore la « compréhension de cette planète naineplanète naine ».

    Voir aussi

    Pluton : les raisons d'aller rebondir et tourner autour de cette planète naine

    Des résultats qui constituent un argument très fort pour donner une suite à New Horizons et qui ont convaincu la Nasa de s'y intéresser en finançant au SwRI - l'institut qui a dirigé la mission New Horizons - une étude portant sur une nouvelle mission. Cette étude est réalisée dans le cadre du Planetary Science Decadal Survey, un rapport décennal qui explore les questions clés en science planétaire de façon à aider la Nasa à définir ses priorités en matièrematière d'exploration robotiquerobotique. Il est rédigé par le Conseil national de la recherche des États-Unis. Cette étude est l'une des dix études portant sur des propositions de missions d'exploration robotique pour la prochaine décennie (2022-2032).

    Les deux faces de Pluton ? Non. Au premier plan Pluton et, à gauche, Charon, son principal satellite qui présente de nombreuses similitudes avec la planète naine. © Nasa, JHUAPL, SwRI
    Les deux faces de Pluton ? Non. Au premier plan Pluton et, à gauche, Charon, son principal satellite qui présente de nombreuses similitudes avec la planète naine. © Nasa, JHUAPL, SwRI

    La nouvelle mission consisterait à envoyer un engin qui « s'installerait en orbite autour de la planète naine (2.370 km de diamètre) pour répondre à certaines des questions soulevées par les découvertes de New Horizons », explique Carly Howett, cheffe de projet au SwRI, chargée de l'étude. Notre proposition consiste à envoyer une « sonde se placer en orbite autour de Pluton pendant au moins deux années terrestres », sachant que l'année sur Pluton dure 248 années terrestres ! Ensuite, dans un schéma similaire à la mission de New Horizons qui après avoir survolé le système Pluton s'est dirigé vers MU69, surnommé « Ultima Thulé », l'objet le plus éloigné et le plus primordial jamais visité à ce jour, l'idée est de diriger cette sonde vers « d'autres objectifs qui pourraient être au moins un objet de la ceinture de Kuiper, voire une autre planète naine », conclut Carly Howett.

    Un scénario à la Cassini ?

    Le scénario envisagé, nous explique Stuart Robbins, le chercheur principal adjoint de l'étude, serait une trajectoire qui « graviterait autour du système de Pluton-CharonCharon et ses autres lunes », un peu comme la sonde Cassini de la Nasa l'a fait dans le système saturnien de 2004 à 2017. De nombreux survols seront possibles, à différentes distances, de Pluton, Charon et des quatre autres lunes connues. Une stratégie qui « maximisera l'utilisation des instruments et le retour scientifique ». Elle « permettra également une meilleure couverture de ces mini-mondes », principalement Charon, dont on « s'attend à une collecte de données très importante ». Notamment parce que la sonde « utilisera la gravitégravité de Charon pour modifier et corriger sa trajectoire pour tracer sa route dans le système de Pluton » permettant une « utilisation plus efficace des ressources en carburant ». Un autre aspect de notre étude consiste à « examiner les différents paramètres de ces trajectoires de façon à obtenir une couverture (par les instruments) la plus fine et la plus étendue possible pour chaque objet de ce système ».

    Première esquisse d'une future mission à destination de Pluton. Réalisée par James Tuttle Kean, cette esquisse fournit quelques informations sur ce à quoi pourrait ressembler un orbiter dans le système de Pluton. Sans surprise, elle embarquera un radar matérialisé par ses deux grandes antennes telles de grandes perches longues de plusieurs mètres ou encore une très grande antenne à grand gain, par rapport à la taille du satellite, nécessaire pour communiquer avec la Terre, distante de 30 à 50 unités astronomiques de Pluton ! © James Tuttle Keane
    Première esquisse d'une future mission à destination de Pluton. Réalisée par James Tuttle Kean, cette esquisse fournit quelques informations sur ce à quoi pourrait ressembler un orbiter dans le système de Pluton. Sans surprise, elle embarquera un radar matérialisé par ses deux grandes antennes telles de grandes perches longues de plusieurs mètres ou encore une très grande antenne à grand gain, par rapport à la taille du satellite, nécessaire pour communiquer avec la Terre, distante de 30 à 50 unités astronomiques de Pluton ! © James Tuttle Keane

    Le casse-tête des compromis à trouver

    L'étude financée par la Nasa a pour but de définir les besoins, vérifier la faisabilité technique et calculer les coûts potentiels. La contrainte la plus forte est « d'arriver rapidement à Pluton, en moins de 15 ans, et entrer dans son orbite sans dépenser trop d'énergie ». Il y a donc un compromis à trouver entre une vitesse élevée (pour réduire le temps de trajet) et une vitessevitesse plus faible pour faciliter l'insertion en orbite autour de Pluton et le carburant nécessaire pour freiner lors de la mise en orbite. « La sonde n'arrivera probablement pas en orbite sur Pluton aussi rapidement que l'a fait New Horizons qui a survolé la planète à quelque 14 kilomètres par seconde », explique Stuart Robbins.

    Une contrainte qui influe sur la masse et la puissance électrique disponibles sur le satellite pour embarquer des instruments, ce qui contraint à d'autres compromis comme le choix des instruments. Il ne faut pas oublier que les instruments ont aussi des contraintes opérationnelles, telles que la consommation, le poids et l'encombrement. Ce qui nécessite de faire des choix « entre "rendement scientifique", en matière de sensibilité et de résolutionrésolution, et "coûts" du volumevolume, de la massemasse et du financement », souligne Stuart Robbins. Pour répondre aux objectifs scientifiques déjà déterminés, l'équipe de Carly Howett a identifié plusieurs instruments, dont « un ensemble de différentes caméras, un radar ainsi qu'un altimètre laserlaser et un magnétomètremagnétomètre », deux instruments qui « devraient nous aider à découvrir si Pluton à une couche liquideliquide sous sa surface », précise Stuart Robbins.

    Dans une étude financée par le SwRI, précédant cette nouvelle étude, Alan Stern, responsable scientifique de la mission New Horizons au SwRI souligne que le SwRI a étudié « un scénario de mission compatible avec des lanceurs existants et un système de propulsion électrique pour le satellite ». Il précise également qu'il « serait possible d'utiliser l'assistance gravitationnelle de Charon », la plus grande des cinq lunes de Pluton, pour quitter l'orbite de la planète de « façon à se diriger dans la ceinture de Kuiper afin d'explorer plus d'objets comme Ultima Thulé et au moins une autre planète naine comparée à Pluton ».