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En 1799, le grand mathématicienmathématicien, astronomeastronome et physicienphysicien Pierre-Simon de LaplacePierre-Simon de Laplace exposait dans son monumental traité de mécanique céleste une curieuse énigme qu'il avait repérée en s'attaquant au problème des trois corps appliqué au système Terre-Soleil-Lune. Le problème est d'autant plus complexe que la Lune et la Terre ne sont alors pas considérées comme des points matériels mais comme des corps étendus.
Les répartitions des masses et les formes étant censées résulter de l'équilibre de forces comme celles des marées et centrifuge. Initialement, la Terre comme la Lune étaient donc conçues comme des corps probablement fluides qui avaient adopté la forme d'un ellipsoïde de rotation en se refroidissant.
Le génial géophysicien, mathématicien et astronome Harold Jeffreys. © Gonville & Caius College, Cambridge
Un fossile de l'histoire du système Terre-Lune
Laplace remarquait que le renflement équatorial de la Lune est bien trop important pour être en accord avec les bilans des forces impliquées dans les mouvements actuels de la Lune et de la Terre. Techniquement, un des moments d'inertieinertie de la Lune dans les équationséquations d'Euler est anormal. L'énigme allait perdurer au cours du siècle suivant, lorsque la structure de la Terre et les effets des forces de maréeforces de marée entre elle et la Lune ont été mieux connus. Toutefois, pendant la première moitié du XXe siècle, le grand géophysicien, mathématicien et astronome britannique Harold Jeffreys -- célèbre pour ses travaux en sismologiesismologie et théorie des probabilités -- avait quand même commencé à suggérer, calculs à l'appui, que l'énigme du renflement équatorial de la Lune était un fossilefossile du passé du système Terre-Lune.
Un groupe de chercheurs états-uniens, notamment de l'université du Colorado à Boulder, vient de publier une nouvelle hypothèse. Tout comme pour Jeffreys et quelques autres chercheurs après lui, elle prend en compte qu'il y a quelques milliards d'années, la Terre et la Lune étaient plus proches l'une de l'autre et que leurs vitesses de rotationvitesses de rotation étaient différentes. Au XVIIIe siècle, d'ailleurs, le philosophe Emmanuel Kant a, le premier, compris qu'en raison des forces de frottement des masses liquidesliquides de la Terre déformées par les marées dues à la Lune, la rotation de notre planète devait ralentir. En réponse, la Lune devait s'éloigner de la Terre, du fait de la conservation du moment cinétiquemoment cinétique total du système Terre-Lune. Comme les forces de marée déforment les corps célestes, les forces de gravitégravité sont modifiées également par les changements dans les répartitions des masses.
Une présentation de la théorie de la Terre boule de neige. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Science Channel
Une Terre boule de neige à la sortie de l'Hadéen ?
Il existe donc des couplages complexes entre les paramètres orbitaux, les vitesses de rotation générant des forces centrifugesforces centrifuges et le comportement élastique des corps célestes en interaction par des forces de gravité. On peut alors jouer sur ces différents phénomènes pour expliquer comment la Lune a pu se déformer voilà des milliards d'années, avant de se refroidir tout en gardant sa figure d'équilibre de l'époque.
Dans la revue Geophysical Research Letters, les chercheurs donnent une réponse possible à l'énigme du renflement équatorial de la Lune. Il faut supposer qu'à la fin de l'Hadéen, il y a environ quatre milliards d'années, les océans de la Terre soit n'étaient pas encore nés -- ce qui est problématique mais pas impossible du point de vue des archives géologiques de la Terre -- soit étaient gelés.
Cette dernière hypothèse est tout à fait crédible car on sait désormais que la Terre est passée pendant le ProtérozoïqueProtérozoïque par plusieurs périodes où elle était très largement couverte de glace. Ceci a conduit à la théorie de la « Terre boule de neige ». L'idée est d'autant plus plausible que le Soleil était moins lumineux il y a des milliards d'années. Et il est en fait difficile d'expliquer l'existence attestée d'océans sur Terre, il y a plus de trois milliards d'années, sans faire intervenir un effet de serre (c'est le paradoxe du jeune Soleil faible)).
Les effets des forces de marée entre la Terre et la Lune n'auraient donc pas été les mêmes. Et si la glaciationglaciation globale de la planète bleue avait duré quelques centaines de millions d'années, la Lune aurait eu le temps d'adopter la forme que nous lui connaissons aujourd'hui alors qu'elle était encore relativement chaude et plus facile à déformer, étant en outre plus proche et soumise à des forces de gravitationforces de gravitation plus intenses.
Si les chercheurs ont raison, il est remarquable de penser que l'on peut utiliser la Lune pour obtenir des informations sur ce qui se passait sur Terre il y a des milliards d'années.
Ce qu’il faut
retenir
- Il y a plus de 200 ans, le mathématicien, astronome et physicien Pierre-Simon de Laplace découvrait que le renflement équatorial de la Lune était plus important que ne le laissaient penser les mouvements orbitaux et de rotation actuels de la Lune.
- Un siècle plus tard, le grand géophysicien Harold Jeffreys tentait d'expliquer cette énigme en remontant dans le passé du système Terre-Lune. Les deux astres étaient alors plus proches et en rotation plus rapide.
- La dernière tentative suppose que la Terre était victime d'une glaciation globale il y a quatre milliards d'années, durant quelques centaines de millions d'années.