Avec son océan souterrain, Europe serait la candidate idéale pour accueillir la vie extraterrestre. Des chercheurs américains ont imaginé un tunnelier géant pour percer sa croûte de glace et explorer ses profondeurs à la recherche de traces de vie.


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    Selon les différentes mission d'observations menées autour d'Europe, la quatrième plus grosse lune de JupiterJupiter, celle-ci possèderait un océan liquide sous sa croûte de glace. Europe est donc la candidate idéale, susceptible d'accueillir une vie microbienne, espèrent les scientifiques. « Malheureusement, la banquisebanquise, d'une épaisseur comprise entre 2 et 30 kilomètres, constitue une barrière majeure pour toute sonde voulant accéder aux zones dont nous pensons qu'elles pourraient contenir des biosignatures », explique Andrew Dombard, professeur associé des sciences de la Terre et de l'environnement à l'université de l'Illinois de Chicago. Certains ont bien envisagé de se contenter d'analyser l'eau des geysers dont on suppose l'existence. Mais il lui faudrait plusieurs centaines, voire millions d'années pour remonter à la surface, ce qui nous donnerait peu d'indications sur la vie actuelle de l'océan (lire article ci-dessous).

    Une représentation du tunnelier pour percer la banquise d’Europe. © Alexander Pawlusik, LERCIP Internship Program, Nasa’s Glenn Research Center.
    Une représentation du tunnelier pour percer la banquise d’Europe. © Alexander Pawlusik, LERCIP Internship Program, Nasa’s Glenn Research Center.

    Chercher des bactéries dans les biofilms sous la calotte glaciaire

    Andrew Dombard et ses collègues du Nasa Glenn Research Center ont donc imaginé un tunneliertunnelier nucléaire pour percer la glace et explorer la surface de l'océan souterrain. L'objectif n'est pas d'y effectuer une plongée, ce qui serait trop compliqué, mais d'essayer de trouver des traces de biofilms microbiens à l'interface eau-glace sous la banquise. « Il ne sera d'ailleurs peut-être même pas nécessaire de descendre jusqu'à l'océan si l'on découvre des lacs intermédiaires à l'intérieur de la glace », avance Andrew Dombard, qui a présenté son concept de tunnelier lors de l'assemblée annuelleannuelle de l'American Geophysical Union.

    L'engin récolterait d'abord des échantillons à la base de la lithosphèrelithosphère, où de la glace ancienne aurait pu se mélanger à la glace plus récente par convection. Plusieurs autres échantillons seraient prélevés à différentes profondeurs, jusqu'à l'interface glace-eau où l'on espère trouver les micro-organismesmicro-organismes.

    Deux systèmes de propulsion envisagés

    Pour faire fondre la glace et propulser le tunnelier, les scientifiques misent sur des « sources de chaleur universelle » (GPHS en anglais), des sortes de « piles radioactives » alimentées au dioxyde de plutoniumplutonium-238, déjà utilisées par les sondes Cassini ou GalileoGalileo. Une autre option envisagée est d'alimenter le tunnelier avec « un mini réacteur nucléaire perfectionné », mais Andrew Dombard reconnaît qu'il faudrait dans ce cas un blindage assez épais pour ne pas risquer d'irradier les échantillons et les instruments scientifiques. La communication avec la surface serait assurée grâce à trois répéteursrépéteurs, à 5, 10 et 15 kilomètres reliés au tunnelier par fibre optiquefibre optique. Autre souci : éviter à l'appareil de tomber à travers la glace à l'approche de l'océan. Un câble flottant serait donc déployé pour le suspendre au-dessus de l'eau lorsque celui-ci aurait atteint sa profondeur finale.

    Tout cela reste, bien entendu, très théorique. Les chercheurs avouent « ne pas du tout s'être préoccupés de savoir comment acheminer le tunnelier sur Europe ». Une mission nommée Europa Clipper est bien programmée pour 2023 afin notamment d'y repérer les endroits où la glace est la plus fine. Mais la sonde se contentera de survoler le satellite. La lune glacée de Jupiter risque de garder ses mystères pendant encore un bout de temps.


    Exobiologie : une carte pour chercher la vie sur Europe

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 26/07/2018

    Les glaces d'Europe, la lune de Jupiter, pourraient contenir des biosignatures des formes de vie qui existent peut-être dans son océan. Une carte de l'exposition aux radiations de ces glaces a été dressée, indiquant là où ces biosignatures seraient le moins dégradées et donc où les chercher.

     

    Tous ceux qui ont vu le film 2010 : L'Année du premier contact, tiré du roman d'Arthur Clarke faisant suite à 2001, l'Odyssée de l'espace, rêvent probablement du jour où une mission consacrée à Europe, la lune glacée de Jupiter, permettrait à la réalité de rattraper la fiction. En l'occurrence, il s'agirait au moins de la détection à la surface de la banquise d'Europe - dont il n'est pas douteux qu'elle recouvre un océan - de moléculesmolécules organiques qui seraient des biosignatures incontestables de l'existence de forme de vie dans cet océan. Dans l'idéal, il faudrait même que ce soit des formes de vie.

    Malheureusement, il y a plusieurs obstacles pour le succès de cette mission et il se pourrait bien, comme Futura l'expliquait dans l'article précédent ci-dessous, que les glaces que l'on trouve en surface ne puissent être que des échantillons vieux de quelques centaines de milliers d'années, voire de quelques millions d'années, de ce qui se trouve dans cet océan. Nous n'aurions donc accès qu'à des fossilesfossiles, dans le meilleur des cas.

    Une vue d'artiste de la banquise d'Europe. Des geysers pourraient provenir directement de l'océan d'Europe, éjectant en surface des molécules biologiques et pas simplement organiques. Ces molécules seraient malheureusement détruites en surface à cause des radiations. © NASA/JPL-Caltech
    Une vue d'artiste de la banquise d'Europe. Des geysers pourraient provenir directement de l'océan d'Europe, éjectant en surface des molécules biologiques et pas simplement organiques. Ces molécules seraient malheureusement détruites en surface à cause des radiations. © NASA/JPL-Caltech

    Des électrons tueurs de satellites et destructeurs d'acides aminés

    Le gros problème avec une mission sur Europe, c'est le niveau de radiation qui est très élevé avec notamment la présence de ce que l'on appelle des électrons tueurs. Nous le savons depuis 1973, quand la sonde spatiale Pioneer 10 passa près de Jupiter et y détecta un énorme champ magnétiquechamp magnétique ainsi qu'une intense ceinture de radiation. On s'en doutait depuis que deux jeunes radioastronomes, Ken Franklin et Bernie Burke, découvrirent par hasard que Jupiter était une intense source de rayonnement radio, en 1955. Peu de temps après, en 1959, suite à la découverte de la ceinture de radiation terrestre par Van Allen, Frank DrakeDrake - que l'on connaît pour sa célèbre équationéquation et qui est à l'origine du programme Seti - étudia les émissionsémissions radio de Jupiter. À partir de leur spectrespectre, il en conclut que ces ondes étaient probablement émises par des électronsélectrons capturés dans un puissant champ magnétique.

    Or, ces électrons ne sont pas tendres avec l'électronique embarquée à bord des sondes, et même en durcissant cette électronique, comme on dit, ces engins ne peuvent pas travailler longtemps dans les régions où ils se trouvent. Même la sonde Europa Clipper, qui devrait spécifiquement étudier Europe au cours des années 2020, sera obligée de décrire des orbitesorbites très elliptiques de sorte que les survolssurvols rapprochés d'Europe alterneront avec des moments ou la sonde sera loin de la lune.

    En mauve, les régions d'Europe les plus exposées aux radiations. © U.S. Geological Survey, NASA/JPL-Caltech, Johns Hopkins Applied Physics Laboratory, Nature Astronomy
    En mauve, les régions d'Europe les plus exposées aux radiations. © U.S. Geological Survey, NASA/JPL-Caltech, Johns Hopkins Applied Physics Laboratory, Nature Astronomy

    Mais imaginons que l'on décide d'envoyer en mission suicide un atterrisseur sur Europe. On aura tout intérêt à ce qu'il se trouve dans une région la moins exposée possible aux radiations et pas simplement là où l'on peut penser que la banquise est la plus à même de laisser passer des échantillons le plus directement liés à l'eau liquide de l'océan d'Europe.

    Une équipe de chercheurs états-uniens vient justement de publier un article dans Nature Astronomy qui apporte des éléments à la résolutionrésolution de ce problème. Les astronomesastronomes se sont pour cela servis de données collectées par les missions Galileo et Voyager 1Voyager 1 pour dresser une carte des régions les plus intensément bombardées par les radiations. Ils en ont déduit aussi la profondeur de la glace à laquelle des acides aminésacides aminés, des molécules à la base de la vie telle que nous la connaissons et qui forment les protéinesprotéines, pourraient rester intactes.

    Il s'avère que les régions les plus propices à la recherche de biosignatures sont aux pôles d'Europe et qu'un centimètre de glace serait une protection suffisante alors qu'il faudrait chercher de 10 à 20 centimètres de profondeur dans la glace au niveau de l'équateuréquateur par exemple.


    Exobiologie : trouver des traces de vie récentes sur Europe, une mission impossible ?

    Article de Laurent Sacco publié le 15/07/2018

    Les surfaces d'Europe et GanymèdeGanymède pourraient ne se renouveler qu'à l'échelle du million d'années, de sorte que la glace à la surface de leurs banquises ne serait qu'un échantillon fossile de l'eau contenue dans les océans de ces lunes glacées de Jupiter. Fouiller dans cette glace pourrait donc ne nous donner accès qu'à des fossiles de la vie éventuellement présente dans leurs océans.

    Voilà 10 ans cette année, le 19 mars 2008 pour être précis, décédait Arthur Clarke. Au début des années 1980, dans son fameux roman 2010 : Odyssée deux, l'inventeur du concept de satellite géostationnaire prenait déjà au sérieux l'idée que des formes de vie pouvaient peut-être exister dans l'océan sous la banquise d'Europe, la lune glacée, de plus en plus célèbre, de Jupiter. Il ne faisait que reprendre en partie, pour son roman de hard SF, les résultats que l'on venait juste d'obtenir après le succès des missions Voyager 1 et 2 lors de leurs visites des lunes de Jupiter. La découverte du volcanisme de Io avait alors été faite et les premières images rapprochées de la banquise d'Europe avaient été obtenues. Inspirés par celle des formes de vie au voisinage des sources hydrothermalessources hydrothermales dans les abysses au cours des années 1970, certains avaient spéculé qu'il pourrait en exister de similaires dans l'océan d'Europe, avec un volcanismevolcanisme provenant, comme dans le cas d'IoIo, des forces de maréeforces de marée du système jupitérien. C'est peut-être ainsi que la vie sur Terre est née, dans les parois des cheminéescheminées de sources hydrothermales similaires pendant l'HadéenHadéen ou au début de l'ArchéenArchéen.

    Les exobiologistes du XXIe siècle sont de plus en plus convaincus que l'idée est raisonnable et qu'il serait du plus haut intérêt d'envoyer des missions pour regarder Europe d'un peu plus près, voire même d'essayer de faire pénétrer un engin dans cet océan. Cela n'est malheureusement pas sans poser un certain nombre de problèmes.


    Que cache la banquise de l'océan d'Europe, la lune de Jupiter ? Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa, Jet Propulsion Laboratory

    Déjà, le niveau de radiations au voisinage d'Europe est considérable de sorte qu'une sonde devrait posséder une électronique particulièrement durcie, comme on dit dans le jargon, pour supporter ce niveau de rayonnement suffisamment longtemps pour espérer faire des découvertes en orbite autour d'Europe voire en se posant carrément sur la surface de la lune. C'est d'ailleurs en partie pour cette raison que la mission Juice de l'ESAESA va plutôt étudier Ganymède et CallistoCallisto, qui possèdent elles aussi un océan souterrain, bien que moins spectaculaire, mais qui sont surtout exposées à bien moins de radiations. On ne connaît pas vraiment non plus l'épaisseur de la banquise d'Europe, qui pourrait peut-être être trop importante pour assurer le succès d'une mission.

    Des traces de vie dans des échantillons de glaces d'Europe ?

    Heureusement, il existe des moyens de contourner ces problèmes. Déjà, nous disposons d'observations de plus en plus solidessolides démontrant l'existence de geysers, s'élevant parfois de la surface d'Europe. Il suffirait peut-être d'un passage avec des détecteurs adéquats à l'intérieur de ces geysersgeysers pour mettre en évidence la présence de molécules organiques complexes, incontestablement liées à la vie telle que nous la connaissons. Dans le cas contraire, on ne pourrait tirer aucune conclusion. Enfin, comme Futura l'expliquait dans un précédent article (voir ci-dessous), il nous suffirait peut-être d'aller chercher, pas trop loin d'Europe, des blocs de glace provenant de sa surface et qui auraient été éjectés dans l'espace par la chute d'un petit astéroïdeastéroïde sur cette lune.


    Une simulation en 2D de la convection dans la banquise de l'océan d'Europe. La région de couleur rouge-orange est moins convective et est composée d'une glace cassante. © NASA/JPL-Caltech/Gretchen McCartney

    Il y a toutefois un petit bémol à ces deux techniques comme l'illustre bien les travaux du planétologue états-unien Robert Pappalardo (que l'on peut voir dans la première vidéo ci-dessus) et qu'il a publiés avec son collègue Samuel M. Howell, du Jet Propulsion LaboratoryJet Propulsion Laboratory, dans un article de Geophysical Research Letters.

    Les deux chercheurs ont modélisé la convection à l'intérieur des banquises des océans d'Europe et de Ganymède, obtenant des simulations numériquessimulations numériques qui ne sont pas sans rappeler celles que l'on fait sur Terre au niveau du manteaumanteau pour décrire les mouvementsmouvements de la tectonique des plaquestectonique des plaques. Il s'agissait de tenter d'expliquer la présence de sortes de bandes et de fractures en rainures sur la surface de ces lunes, larges de plusieurs dizaines de kilomètres et longues de plusieurs centaines.

    Ils ont découvert qu'il s'écoulait au moins des centaines de milliers d'années et peut-être même des millions d'années entre le moment où l'eau de l'océan d'Europe ou Ganymède s'élève par convection et celui où elle arrive en surface. À moins que l'eau des geysers ne vienne directement de l'océan d'Europe et pas de lac sous sa surface, dans les deux cas, les échantillons d'eau et de glace que l'on pourrait analyser seraient donc, en quelque sorte, des échantillons fossiles datant d'au moins plusieurs centaines de milliers d'années. Ils ne pourraient donc refléter l'existence que de formes de vie qui existaient, elles aussi, il y a longtemps et peut-être des millions d'années.

    Toutes ces spéculations pourraient avoir des confirmations avec une sonde de la Nasa spécifiquement dédiée à l'étude d'Europe, à savoir Europa Clipper.


    Exobiologie : une astuce pour chercher la vie sur Europe

    Article de Laurent Sacco publié le 06/12/2013

    La surface d'Europe, la lune de Jupiter, fait penser à une banquise tourmentée, particulièrement à l'équateur où se trouvent des terrains dits chaotiques. Selon des planétologues ayant conduit des simulations numériques de l'océan emprisonné sous cette banquise, ces terrains trahiraient des mouvements de convection au sein de cette massemasse d'eau, avec pour conséquence des diapirsdiapirs de glace. D'où la possibilité de chercher en surface des restes d'hypothétiques organismes vivants.

    Lorsqu'on envisage de chercher une forme de vie ailleurs que sur Terre dans le Système solaireSystème solaire, le nom d'une lune de Jupiter revient souvent. Il s'agit d'Europe (Europa en anglais). Les missions Voyager ont révélé qu'elle était couverte d'une banquise peu cratérisée comparée à la surface de la Lune. Elle est donc jeune, sans quoi elle aurait gardé la mémoire des multiples impacts qu'elle a dû subir. La découverte du volcanisme sur Io a accrédité l'idée que les forces de marée qui chauffent l'intérieur d'Io doivent aussi, dans une moindre mesure, chauffer l'intérieur d'Europe.

    Planétologues et exobiologistes n'ont pas tardé à en tirer les conclusions qui s'imposaient. La surface d'Europe devait être l'analogue de la banquise sur Terre et recouvrir un océan d'eau liquide. Cet océan pouvait abriter des formes de vie tirant leur énergieénergie par chimiosynthèsechimiosynthèse à partir de cheminées hydrothermales, comme on en avait découvert sur Terre pendant les années 1970. Cette hypothèse a depuis lors été largement médiatisée notamment par les œuvres d'Arthur Clarke. Elle fait rêver, et il est même possible que la meilleure chance d'étudier un jour une forme de vie extraterrestre se trouve dans l'océan d'Europe, et pas quelque part sur Mars.

    Pour en avoir le cœur net, il faudrait envoyer un robotrobot d'exploration, mais toute la question est de savoir si la banquise d'Europe est suffisamment mince pour que ce robot puisse se frayer un passage en faisant fondre la glace pour accéder à l'océan d'Europe.

    Cette vue des terrains chaotiques d'Europe est large de 238 par 225 km. Elle a été prise par la sonde Galileo, et fait penser à la banquise terrestre. © Nasa
    Cette vue des terrains chaotiques d'Europe est large de 238 par 225 km. Elle a été prise par la sonde Galileo, et fait penser à la banquise terrestre. © Nasa

    Des extrêmophiles « européens » dans des météorites ?

    Si l'on en croit le grand physicienphysicien Freeman Dyson l'idée de forer à travers les glaces d'Europe est probablement une perte de temps. Il a fait remarquer que les observations de la surface de la lune de Jupiter par les sondes Voyager montraient que sa banquise était couverte de zones de fractures. La mission Galileo a largement confirmé ces observations, et elle a fourni des images détaillées de zones que l'on appelle des terrains chaotiques (ou terrains de chaos), en particulier à proximité de l'équateur d'Europe. En exogéologie, un terrain de chaos est une surface planétaire où les zones de crêtes, de fissures et de plaine sont confuses et mêlées les unes aux autres. Dans le cas d'Europe, cela fait parfois penser à la banquise en débâcle qui aurait brutalement gelé à nouveau.

    Selon Dyson, cela impliquerait que de l'eau de l'océan d'Europe remonte naturellement en surface, et surtout que la glace est suffisamment peu épaisse pour que cela soit arrivé aussi lors d'impacts d'astéroïdes. Non seulement il se pourrait que l'on trouve en surface des blocs de glace contenant des formes de vie prises au piège à l'occasion de ces remontées d'eau liquide, mais la banlieue d'Europe pourrait aussi bien être remplie d'échantillons de son océan éjectés en orbite à l'occasion de ces impacts. Inutile de chercher à pénétrer dans l'océan d'Europe et peut-être même de s'y poser, selon le physicien. Il suffirait d'envoyer une sonde inspecter des fragments de la banquise d'Europe dans l'espace. L'idée est particulièrement ingénieuse, surtout lorsqu'on se rappelle que la nature a déjà mis gracieusement à notre disposition depuis longtemps des échantillons de la surface de la Lune et de Mars sous forme de météorites terrestres.

    Une vue d'artiste en coupe de la banquise d'Europe. Des diapirs de glace salés sont en train de remonter sous une région des terrains chaotiques d'Europe. © Nasa, JPL-Caltech
    Une vue d'artiste en coupe de la banquise d'Europe. Des diapirs de glace salés sont en train de remonter sous une région des terrains chaotiques d'Europe. © Nasa, JPL-Caltech

    Océan salé en convection sur Europe

    De chercheurs viennent d'ailleurs de publier dans Nature Geoscience un article qui apporte un peu d'eau au moulin de Dyson. Ils ont modélisé sur ordinateurordinateur la dynamique de l'océan d’Europe et ses interactions avec la banquise. Les calculs ont montré qu'il était possible d'expliquer la curieuse concentration des terrains chaotiques d'Europe vers son équateur. Les sources de chaleur à l'intérieur de la lune glacée seraient assez importantes pour entraîner de larges mouvements de convection. Les eaux les plus chaudes remonteraient en direction de la banquise vers l'équateur, et les plus froides s'enfonceraient non loin des pôles. Ces remontées d'eau chaude favoriseraient la formation de diapirs de glace à l'équateur qui provoqueraient la fracturation de la banquise.

    Si les planétologues ont raison, cela veut donc dire qu'il doit exister d'importantes sources de chaleur dans l'océan d'Europe, et donc un environnement favorable à la vie, fût-elle sous forme d'extrêmophiles. Cela signifie probablement aussi que l'on pourrait avoir accès à des échantillons frais de cet océan, peut-être avec des formes de vie piégées dans la glace, simplement en explorant en surface certaines parties des terrains chaotiques à l'équateur d'Europe.