Parti pour une mission de moins de trois ans, l’observatoire solaire et héliosphérique Soho fête aujourd’hui, 2 décembre 2020, le 25e anniversaire de son lancement. Il devrait poursuivre sa mission jusqu’en 2022. Retour sur quelques temps forts de ces dernières années.


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    Le 2 décembre 1995, l'observatoire solaire et héliosphérique -- de son petit nom Soho -- décollait de Cap Canaveral, direction le Soleil. Il embarquait douze instruments pour une mission qui devait durer trois ans, au maximum. Mais 25 ans plus tard, huit de ces instruments transmettent toujours régulièrement des données aux astronomesastronomes. Des données d'une valeur scientifique inestimable.

    Sur ces images, le Soleil tel qui s’est présenté à l’imageur ultraviolet de Soho chaque printemps entre 1996 et 2017. Des images qui révèlent la couronne de notre étoile, son atmosphère qui peut atteindre deux millions de degrés Celsius et s’étendre sur des millions de kilomètres. © Soho, ESA, Nasa
    Sur ces images, le Soleil tel qui s’est présenté à l’imageur ultraviolet de Soho chaque printemps entre 1996 et 2017. Des images qui révèlent la couronne de notre étoile, son atmosphère qui peut atteindre deux millions de degrés Celsius et s’étendre sur des millions de kilomètres. © Soho, ESA, Nasa

    Soho et le cycle du Soleil

    SohoSoho est par exemple le premier à avoir eu l'occasion de suivre de près l'activité du Soleil pendant plus d'un cycle complet de 22 ans. Car oui, si l'on parle généralement de cycles de taches solaires d'environ 11 ans, c'est bien au bout de 22 ans que le champ magnétique de notre étoile sera revenu à son orientation initiale. Celle-ci, en effet, dérive progressivement, jusqu'à basculer au bout de 11 ans, inversant les hémisphères nordhémisphères nord et sud. Et il faut attendre une seconde inversion pour boucler réellement un cycle magnétique.

    Le 30 mars 2001, le Soleil arborait à sa surface la plus grande tache sombre jamais observée. À cette période, notre étoile était proche du maximum du cycle d'activité 23. © ESA, Nasa, Soho
    Le 30 mars 2001, le Soleil arborait à sa surface la plus grande tache sombre jamais observée. À cette période, notre étoile était proche du maximum du cycle d'activité 23. © ESA, Nasa, Soho

    Depuis quelques semaines maintenant, Soho est le spectateur privilégié de la reprise d'activité du Soleil, entré officiellement dans son 25e cycle. Fin octobre, la sonde nous a même offert des images d'une éruption de 2012 des plus spectaculaires, grâce à l'intervention d'un algorithme fusionnant les images de deux de ses instruments. Plaçant les astronomes aux premières loges pour assister à une succession d'éjections de masse coronale (CMECME).

    Soho au cœur du Soleil

    « C'est certainement le résultat le plus important obtenu grâce à Soho ces dix dernières années. » Avec toute la mesure qui les caractérise, les astronomes de la Nasa ont présenté ainsi, en août 2017, les travaux menés à partir des données de l'instrument Golf -- pour Global oscillation at low frequencies -- embarqué à bord de la sonde. Celui-ci mesure la vitessevitesse de déplacement de la surface du Soleil. Ses données, patiemment accumulées et traitées au fil des années, ont finalement permis de détecter la signature superficielle d'ondes profondes. De quoi estimer que le cœur de notre étoile tourne environ quatre fois plus vite que sa surface.

    Les 4.000 comètes de Soho

    Alors que l'objectif de la mission Soho était d'étudier la structure interne du Soleil ainsi que le ventvent et la couronne solairecouronne solaire, la sonde a également fourni d'autres informations de valeur plus inattendues. Avec le précieux concours de scientifiques citoyens qui ont inlassablement travaillé à explorer les images renvoyées par Soho vers la Terre.

    En juin 2020, la sonde ne débusquait ainsi pas moins que sa 4.000e comète. Une comètecomète rasante -- une sungrazer comet comme disent les anglophones -- peu lumineuse et qui n'aurait pas pu être détectée depuis la Terre. La comète -- comme d'autres avant elle -- est apparue notamment grâce à une position favorable de Soho et à l'éclipseéclipse artificielle de Soleil créée avec son coronographecoronographe grand-angle.

    Les comètes perdues de Soho

    Les comètes sont des corps de glace qui, lorsqu'elles s'approchent du Soleil, perdent une partie de leur massemasse. Ces dernières années, Soho a, à plusieurs reprises, été le témoin de la sublimationsublimation de comètes un peu trop exposées à la chaleurchaleur de notre étoile.

    En août 2016, la NasaNasa a, par exemple, publié une animation qui montre une comète disparaissant derrière le Soleil pour ne jamais réapparaître de l'autre côté.

    Trois ans plus tard, c'est cette fois une comète plongeant directement sur notre Soleil que Soho a surpris. Une comète qui, comme la majorité des rasantes, serait issue de la fragmentation il y a plusieurs milliers d'années d'un noyau cométaire baptisé X/1106 C1, des comètes du groupe de Kreutz.

    Soho tend son oreille vers le Soleil

    En 2018, le Stanford Experimental Physics Lab (États-Unis) a sonifié les données de Soho, laissant littéralement entendre aux astronomes les vibrationsvibrations naturelles du Soleil et leur offrant ainsi une représentation concrète de la dynamique de son atmosphèreatmosphère. « Nous n'avons pas de moyens simples de regarder à l'intérieur du Soleil , déclarait alors Alex Young, chercheur au Goddard Space Flight CenterGoddard Space Flight Center, dans un communiqué de la Nasa. Utiliser les vibrations du Soleil nous permet de voir son intérieur ».

    Soho et l’énigme du carré noir

    Durant l'été 2020, certains ont cru que Soho avait surpris un engin extraterrestre juste là, devant notre Soleil. Car les images de la sonde avaient montré un mystérieux carré noir sur notre étoile. Mais les responsables de mission ont rapidement mis fin aux plus folles des spéculations. Le carré noir en question correspond tout simplement à un bloc de télémétrietélémétrie manquant. Le résultat d'une erreur de transmission entre Soho et notre Terre...

    Certaines des images de Soho sont livrées par la Nasa avant traitement et peuvent surprendre ceux qui les regardent. Comme celle-ci qui présente un étrange carré noir. © SoHO, ESA, Nasa
    Certaines des images de Soho sont livrées par la Nasa avant traitement et peuvent surprendre ceux qui les regardent. Comme celle-ci qui présente un étrange carré noir. © SoHO, ESA, Nasa

    Soho : 20 ans d'observation du Soleil

    Le 2 décembre 2015, la Nasa et l'Esa ont fêté le 20e anniversaire du lancement de Soho. Ce satellite dédié exclusivement à l'étude de notre étoile et de son environnement a permis d'éclairer les physiciensphysiciens sur diverses énigmes quant à sa structure interne, sa surface et sa couronne. À travers 5.000 publications liées à ces observations de quasiment deux cycles d'activité, les scientifiques ont pu construire un portrait plus complet de l'astreastre solaire.

    Article de Xavier DemeersmanXavier Demeersman paru le 03/12/2015

    Illustration de Soho superposée à une image de notre étoile prise par le satellite le 14 septembre 1999 avec l’instrument EIT (<em>Extreme-ultraviolet Imaging Telescope</em>). Ce jour-là, une gigantesque protubérance en forme de poignet se développait sur le limbe du Soleil. Le pic d’activité du cycle 23 allait alors débuter. © Soho, Esa, Nasa, ATG medialab
    Illustration de Soho superposée à une image de notre étoile prise par le satellite le 14 septembre 1999 avec l’instrument EIT (Extreme-ultraviolet Imaging Telescope). Ce jour-là, une gigantesque protubérance en forme de poignet se développait sur le limbe du Soleil. Le pic d’activité du cycle 23 allait alors débuter. © Soho, Esa, Nasa, ATG medialab

    Voici 20 ans, le 2 décembre 1995, Soho (Solar and Heliospheric Observatory) quittait la Terre pour aller se poster à quelque 1,5 million de km de cette dernière afin d'espionner en continu notre étoile et son environnement. Le moins que l'on puisse dire c'est que cette mission associant la Nasa et l'Esa depuis sa conception a permis à la physiquephysique du Soleil (ou héliophysique) de faire de grands pas en avant. Ses instruments nous ont dépeint en effet un astre dynamique - ce qui tranchait avec l'habituelle image statique que les astronomes en avaient jusqu'alors - et ont permis de mieux caractériser ses entrailles, l'activité à sa surface, sans oublier l'énigmatique couronne de l'atmosphère solaire observée grâce aux coronographes de Soho, qui créent des éclipses artificielles.

    En dehors d'une parenthèse de 4 mois en 1998, où la sonde a failli être perdue suite à une erreur logicielle, Soho a été le témoin privilégié et constant tout au long de ces deux dernières décennies, des pics d'activité de deux cycles solaires (cycle 23 et l'actuel cycle 24 qui semble sur le déclin). Ses observations ont fait l'objet de plus de 5.000 articles scientifiques.

    Par ailleurs, on rappellera que le satellite est aussi connu pour être « le plus grand chasseur de comètes de tous les temps » (dixit la Nasa). En septembre dernier, les équipes de la mission fêtaient la 3.000e découverte. La plupart d'entre elles ont été surprises en train de plonger dans cet astre 330.000 fois plus massif que la Terre, foyerfoyer du Système solaireSystème solaire.

    Sur cette image prise le 18 février 2003, le Soleil (<em>Sun</em>) masqué par un coronographe de Soho (le disque bleu sur l'image) venait d’expulser des millions de particules chargées dans le milieu interplanétaire (<em>Coronal Mass Ejection</em>). Au même moment, la comète NEAT (<em>Comet NEAT</em>), découverte en 2002, traversait le champ d’observation. C’est une des 15 images retenues par la Nasa pour un concours. Vous pouvez voter pour votre préférée <a target="_blank" href="http://soho.nascom.nasa.gov/ImageContest/contest.html">ici</a>. © Soho, Esa, Nasa
    Sur cette image prise le 18 février 2003, le Soleil (Sun) masqué par un coronographe de Soho (le disque bleu sur l'image) venait d’expulser des millions de particules chargées dans le milieu interplanétaire (Coronal Mass Ejection). Au même moment, la comète NEAT (Comet NEAT), découverte en 2002, traversait le champ d’observation. C’est une des 15 images retenues par la Nasa pour un concours. Vous pouvez voter pour votre préférée ici. © Soho, Esa, Nasa

    Les trois grands objectifs de la mission Soho

    Depuis le lancement du satellite Soho, la connaissance du Soleil a bien progressé et l'on mesure mieux aujourd'hui les effets de son activité sur notre environnement. Surtout lorsque les fluctuations du vent solairevent solaire s'intensifient et que surviennent des éjections de masse coronale (coronal mass ejections ou CME) dans notre direction, provoquant des aurores polaires et parfois des tempêtes géomagnétiques susceptibles d'affecter nos infrastructures technologiques sur Terre et en orbiteorbite. Leurs implications étaient sous-évaluées auparavant et, avec Soho (plus de 20.000 CME ont été étudiées en 20 ans), les physiciens ont appris qu'elles sont plus fréquentes et variables tout au long d'un cycle que ce qu'ils pensaient. Les observations dans l'ultravioletultraviolet ont par ailleurs révélé des tsunamistsunamis jusque-là insoupçonnés déferlant sur la surface, concomitamment aux CME, à plusieurs millions de km par heure. « Grâce à Soho, commente Joe Gurman, membre de la mission au GSFC (Goddard Space Flight Center), le public est de plus en plus conscient que nous vivons dans l'atmosphère prolongée d'une étoile active magnétiquement ».

    Trois objectifs ont présidé à la réalisation de cette mission rappelle la Nasa dans son communiqué. Le premier concerne la structure interne de notre étoile. Les chercheurs souhaitaient vérifier leur modèle quant à ce qui se passe à l'intérieur d'une naine jaunenaine jaune comme notre Soleil, au moyen de l'héliosismologie, et comprendre par exemple pourquoi les neutrinosneutrinos solaires interceptés sur Terre sont moins nombreux que prévu par la théorie. En réalité, cela vient notamment d'un malentendu sur la nature de ces particules que l'on supposait sans masse comme l'ont montré les recherches sur la fameuse énigme de l'oscillation des neutrinos qui valut le prix Nobel 2015 à Arthur B. McDonald et Takaaki Kajita.

    Image composite de presque 20 années complètes d’observation du Soleil par Soho. Sur ces clichés pris par le satellite dans l’extrême ultraviolet, on distingue les changements d’activité à la surface de l’étoile au fil du temps. Le cycle 23 s’est achevé vers 2006-2007 et nous sommes actuellement dans le maximum du cycle 24. © Soho, Esa, Nasa
    Image composite de presque 20 années complètes d’observation du Soleil par Soho. Sur ces clichés pris par le satellite dans l’extrême ultraviolet, on distingue les changements d’activité à la surface de l’étoile au fil du temps. Le cycle 23 s’est achevé vers 2006-2007 et nous sommes actuellement dans le maximum du cycle 24. © Soho, Esa, Nasa

    Autre question qui préoccupait les physiciens en 1995 et qui est à présent mieux comprise : les accélérations du vent solaire. Loin d'être constant et égal en tout point, ce flux est plus intense dans des régions nommées trous coronaux. La couronne, justement, est la troisième énigme majeure que les scientifiques tentent de résoudre. Comment expliquer en effet qu'en s'éloignant de plusieurs dizaines de milliers de km de la surface de l'Étoile, la photosphèrephotosphère, où la température du Soleil est alors d'environ 5.900 °C, il fasse brutalement des centaines de fois plus chaud ? Le problème n'est pas encore résolu mais quelques pistes ont été avancées (voir « L’énigme du chauffage de la couronne solaire enfin résolue ? »). Il incombera à la future mission Solar ProbeSolar Probe Plus, dont le lancement est programmé en 2018, de nous éclairer à ce sujet.

    « Sans Soho, il n'y aurait pas les missions SDO, Stereo, Iris et Hinode, explique Alex Young, chercheur au GSFC. Soho nous a montré des choses que nous n'avions jamais vu auparavant, et nous avons alors réalisé qu'il nous fallait plus d'yeuxyeux encore sur le Soleil ». Bernhard Fleck, également membre de la mission, conclut : « Soho a modifié la vision populaire du Soleil à partir d'une image d'un objet statique et immuable dans le ciel à la bête dynamique qu'il est vraiment ».