Éviter la panne sèche aux satellites envoyés dans l'espace est l'ambition de cette start-up qui veut créer des stations-service. Ces ports de ravitaillement auraient ainsi l'avantage d'accroître leur durée de vie et donc, de rentabiliser les investissements, mais également de réduire les débris spatiaux. Faire le plein dans l'espace présenterait aussi l'avantage d'envoyer des satellites à vide, plus légers au décollage, n'ayant plus le souci de l'emport de carburant. L'idée fait son chemin depuis 2022.


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    Et si faire le plein devenait aussi commun dans l'espace que sur Terre ? L'entreprise américaine Orbit Fab, qui ambitionne de construire les premières « stations-service » spatiales, s'est donné pour mission de prolonger la durée de vie des satellites, un secteur en plein essor. « Si vous pouvez ravitailler en carburant les satellites en orbite, alors ils n'ont plus à être abandonnés », et désintégrés en re-rentrant dans l'atmosphèreatmosphère terrestre, explique à l'AFP Daniel Faber, le P.-D.G. d'Orbit Fab, fondée en 2018. « Aujourd'hui, ce sont des biens jetables, ce qui est dingue, car ils peuvent être très chers. »

    Les satellites utilisent leurs panneaux solaires pour alimenter en électricité les instruments embarqués (caméras, radios, etc.). Mais pour pouvoir se déplacer, ils sont obligés d'avoir du carburant. Or, dans l'espace « tout est sans cesse à la dérive, et très rapidement, vous n'êtes plus là où vous devez être. Vous devez constamment réajuster », détaille le patron, entre deux rendez-vous au grand rassemblement annuel de l'industrie spatiale à Colorado Springs, aux États-Unis. 

    Pour éviter la panne sèche, l'infrastructure imaginée est simple : de gros réservoirs (contenant jusqu'à plusieurs tonnes de carburant) sont lancés par des fuséesfusées, et positionnés en orbite. Puis de petites navettes, capables de transporter quelques centaines de kilos de carburant, feront les allers-retours entre le réservoir et les satellites ayant besoin d'être réapprovisionnés -- comme des pompistes de l'espace.

    Quels sont les risques d'un transfert de carburant en plein vol ? « À peu près tout ce que vous pouvez imaginer », répond Daniel Faber. Mais grâce au système de sécurité développé, et à de nombreux tests sur Terre et dans l'espace, « cela sera sûr », promet le responsable, qui est aujourd'hui américain mais a grandi dans une ferme en Tasmanie.

    Daniel Faber présente son entreprise révolutionnaire, Orbit Fab. © Orbit Fab

    Des navettes qui viennent ravitailler

    Les satellites clients devront être équipés en amont de « ports de ravitaillement », un peu comme la trappe de remplissage d'une voiturevoiture. Entre 200 et 250 satellites ont ce système inclus dans leur conception actuellement, et en seront pourvus dans les prochaines années, selon le dirigeant de l'entreprise, qui compte 60 employés et cherche actuellement à en embaucher 25 de plus. Un réservoir a déjà été lancé et placé en orbite, et des essais de transfert de carburant doivent maintenant avoir lieu. 

    En 2019, l'entreprise avait testé à bord de la Station spatiale internationale (ISS) le transfert d'eau entre un petit satellite et un autre contenant, démontrant la faisabilité de la procédure. « Notre premier contrat avec le gouvernement américain est de leur livrer du carburant en 2025 », a déclaré à l'AFP Daniel Faber. Il s'agira de satellites de la Force spatiale américaine.

    Au total, deux navettes sont envisagées pour l'orbite géostationnaire (environ 36 000 kilomètres d'altitude), où se trouvent notamment les gros satellites de télécommunications. Ceux-ci évoluent « sur un plan unique au niveau de l'équateuréquateur », et sont donc faciles à desservir, explique le P.-D.G. Moins haut, les satellites en orbite terrestre basse se trouvent sur des trajectoires variées, et donc davantage de navettes seront requises.

    Carburant et réparation dans l'espace

    Environ 24 500 satellites supplémentaires devraient être lancés entre 2022 et 2031, selon le cabinet spécialisé Euroconsult. Des missions difficiles à envisager jusqu'ici pourraient devenir possibles grâce au poids en carburant évité au décollage -- le poids que peut soulever une fusée étant limité. Surtout, plus les satellites pourront fonctionner longtemps, plus ils seront rentabilisés.

    Quelque 130 entreprises se sont ainsi lancées récemment sur le créneau des services aux satellites en orbite, selon Daniel Faber. Il s'agit notamment de « dépanneuses de l'espace », permettant de les réparer en cas de problème en vol (panneau solairepanneau solaire mal déployé, antenne mal orientée, etc.).

    Orbit Fab, qui a récemment annoncé avoir levé 28,5 millions de dollars, se développe « en symbiose » avec ces start-upstart-up, assure Daniel Faber. Elles-mêmes auront besoin de refaire le plein, et pourraient en retour « offrir des services dont nous aurons besoin nous, comme réparer nos vaisseaux », dit-il. Un accord a été passé pour réapprovisionner en carburant des engins d'Astroscale, une entreprise japonaise souhaitant débarrasser l'espace de débris spatiaux, mais aussi aider à maintenir en orbite ou à relocaliser certains satellites.

    À l'avenir, Orbit Fab envisage de desservir les stations spatialesstations spatiales privées actuellement en développement. Mais aussi les activités qui se multiplieront sur et autour de la Lune. Et lorsque la surface lunaire sera exploitée (par exemple son eau glacée), « nous aimerions transformer ces substances en carburant », plutôt que de le transporter depuis la Terre, explique Daniel Faber. « Pour le moment, il n'y a rien là-bas, mais dans 5, 10, 20 ans, cela aura complètement changé ». 


    Des stations-service dans l'espace : le premier contrat de livraison vient d'être signé

    Article de Rémy DecourtRémy Decourt, publié le 17 janvier 2022

    Le marché des services en orbite aux satellites tarde à décoller. Pourtant, les besoins existent. Et ça, de nombreuses start-up l'ont bien compris et s'engagent sur ces marchés annoncés comme florissants. C'est le cas de la start-up américaine Orbit Fab, créée en 2018, qui travaille sur des dépôts de carburant commercial dans l'espace. Un premier contrat de service a été signé.

    Il y a un an, en février 2020, une manœuvre inédite en orbite géostationnaire à ouvert une nouvelle ère. Celle du service aux satellites en orbite. Le remorqueur spatial MEV-1 de Northrop Grumman s'est amarré au satellite de télécommunications Intelsat 901 pour prendre son contrôle et lui prolonger sa durée de vie de cinq ans.

    Le 11 janvier, Orbit Fab et Astroscale ont signé un accord pour que les futurs véhicules de service Lexi (Life Extension In-Orbit) soient ravitaillés en orbite géostationnaire par un dépôt de carburant d'Orbit Fab. Selon les termes de cet accord, les Lexi pourront faire le plein et prendre jusqu'à une tonne de Xenon, à prix fixe, le carburant nécessaire aux moteurs électriques des Lexi. Pour cela, les satellites d'Astroscale devront embarquer l'interface de transfert de carburant que met au point Orbit Fab. Ratfi, c'est son nom, pour Rapidly Attachable Fluid Transfer Interface fait l'objet d'un développement rapide. Elle a déjà été testée à bord de la Station spatiale internationale.

    Vue d'artiste d'un dépôt de carburant d'Orbit Fab. © Orbit Fab
    Vue d'artiste d'un dépôt de carburant d'Orbit Fab. © Orbit Fab

    L'objectif ambitieux de premier dépôt de carburant en orbite dès 2023

    Un premier véhicule de service Lexi devrait être lancé en 2026 afin de prolonger la durée de service de satellites qui pourront appartenir à une très grande variété de clients (opérateurs de satellites de télécommunications, constellationconstellation de satellites ou gouvernement américain, y compris pour la défense américaine par exemple). Les services  que fourniront les satellites Lexi seront très variés. Ils comprennent des manœuvres orbitalesorbitales, comme le maintien à poste, le contrôle d'attitude ou le changement d'inclinaison. Mais aussi des manœuvres plus énergivores comme la relocalisaiton ou le retrait sur orbite cimetièreorbite cimetière. Ces manœuvres vont bien évidemment vider les réservoirs des satellites Lexi, d'où l'utilité de faire le plein en orbite plutôt que d'envoyer un Lexi pour ravitailler un autre Lexi.

    Création des premières stations-service dans l'espace. © Orbit Fab

    Voir aussi

    Services aux satellites en orbite : l'Europe a besoin d'un véhicule de deuxième génération

    Quant aux dépôts de carburant d'Orbit Fab, la start-up prévoit d'envoyer en orbite basse les deux premières unités dans le courant de l'année 2023. À une échéance de cinq à dix ans, Orbit Fab envisage de déployer en orbite des dizaines de dépôts de carburant à proximité de constellations de satellites clientes de ses services et en orbite géostationnaire pour répondre aux besoins des services de maintenance des satellites de télécommunications. Elle prévoit aussi des dépôts en orbite cislunaire pour soutenir les activités humaines et robotiquesrobotiques liées à l'exploration de la Lune.