Des chercheurs ont fabriqué une forme artificielle de mélanine, qui offre une protection contre les rayonnements ionisants. Ce nouveau pigment pourrait entrer dans la composition de matériaux protecteurs ou d’une « crème solaire » anti-rayons X.


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    La peau contient un pigment naturel, la mélaninemélanine, fabriquée par des mélanocytesmélanocytes. On en connaît deux types présents dans la peau : l'eumélanine, de couleur brun-noir, et la phéomélanine, de couleur jaune-rouge (il existe aussi trois autres formes naturelles de mélanine mais moins courantes). Eh bien, voici que des chercheurs viennent d'en inventer une sixième sorte : la sélénomélanine. Ce pigment artificiel est formé d'une molécule de phéomélanine à laquelle on a rattaché du sélénium, un oligoélémentoligoélément connu pour protéger contre les radiations ionisantes et comme anti-inflammatoireanti-inflammatoire.

    Objectif : offrir une protection contre les rayons X, auxquels sont notamment exposés les astronautes lors de leurs missions spatiales. Ces radiations ionisantes endommagent l'ADNADN des cellules, ce qui fait peser un grave risque pour la santé lors d'une exposition prolongée. « Les radiations accumulées lors d'un voyage interplanétaire sont des centaines de fois supérieures à celles reçues sur Terre pour la même période », affirme ainsi Jordanka Semkova, de l'Académie bulgare des sciences.

    Des cellules de peau modifiées avec la sélénomélanine (en rouge). © Université de Northwestern
    Des cellules de peau modifiées avec la sélénomélanine (en rouge). © Université de Northwestern

    De la mélanine dopée au sélénium

    La mélanine naturelle offre certes une protection contre les rayonnements UVUV et les rayons X, mais elle demeure insuffisante. Qu'à cela ne tienne : les chercheurs de l'université de Northwestern (États-Unis) ont décidé de la « doper » avec le sélénium. « La mélanine contenant du sélénium apporte une meilleure protection que les autres formes de mélanine [...] Nous avons donc décidé de la fabriquer nous-mêmes », explique Nathan Gianneschi, l'un des auteurs de l'étude parue dans le Journal of the American Chemical Society.

    Les chercheurs ont simplement échangé le soufresoufre de la molécule de phéomélanine avec l'élément sélénium, très proche du soufre dans le tableau périodiquetableau périodique mais qui absorbe mieux les rayons X. Ils ont ensuite créé des cellules contenant cette mélanine modifiée et les ont exposées à des radiations de 6 graysgrays, une dose en principe létale pour les cellules humaines. Par comparaison avec toutes les autres formes de mélanine testées, seule la sélénomélanine s'est avérée offrir une protection efficace.

    De la sélénomélanine à l’état naturel ?

    Si la fabrication de sélénomélanine a ici été effectuée par synthèse chimique, il serait parfaitement possible de l'obtenir de manière organique à l'aide de bactériesbactéries, avancent les chercheurs. « Il se pourrait même que la sélénomélanine existe à l'état naturel sans que nous ne l'ayons encore découverte », suggère Nathan Gianneschi. Son équipe compte d'ailleurs explorer le Salton Sea, un lac contaminé au sélénium en Californie du Sud pour voir si des bactéries n'auraient pas développé cette fameuse sélénomélanine.

    En attendant, les chercheurs envisagent d'appliquer une couche de ce pigment sur des matériaux légers afin de protéger les astronautesastronautes contre les rayonnements cosmiques. Un tel matériaumatériau pourrait également être inclus dans les cabines des avions, également soumis aux rayonnements ionisants. On peut enfin imaginer une sorte de « crème solaire » à base de sélénomélanine pour protéger les patients traités par radiothérapieradiothérapie ou lors d'examens cliniques (radiographieradiographie et scanner).