En distinguant le japonais du hollandais, une vingtaine de rongeurs ont démontré que les hommes ne sont pas les seuls à posséder ce qui ressemble à un sens inné du langage…

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    Au fond de cage, le rat reste sourd à cette femme qui lui parle dans la langue de son Japon natal. Lui ne connaît que le hollandais ! Dans la cage d'à côté, la Hollandaise, elle, ne parvient à rien avec cet autre rat qui, lui, a appris à reconnaître le japonais...

    Bien sûr, ces rongeursrongeurs ne comprennent rien à ce qu'on leur raconte. Mais ils ont été dressés à appuyer sur un levier quand ils entendent une phrase, courte (une quinzaine de secondes), prononcée (toujours par une femme) dans la langue qu'ils ont apprise. Même quand ils entendent cette phrase pour la première fois, les rats appuient infailliblement sur le levier quand ils reconnaissent la langue. Diffusées à l'envers, ces phrases laissent en revanche les rongeurs indifférents.

    Sur les traces de nos ancêtres

    Cette étonnante expérience a été réalisée en Espagne par Juan Toro et son équipe pour vérifier si les rats sont capables de reconnaître la prosodieprosodie d'une langue, c'est-à-dire ses particularités phonétiques, intonation, accents toniques, etc., bref, tout ce qui nous permet de deviner la langue parlée par un étranger même si on ne la comprend pas. Si les scientifiques espagnols ont choisi le hollandais et le japonais, c'est parce que ces deux langues ont des prosodies très différentes.

    L'exploit des rongeurs n'en est pas moins admirable : jusqu'ici seuls les hommes et les singes tamarinstamarins avaient démontré cette capacité. Les rats ont toutefois montré une faiblesse par rapport aux performances d'un bébé humain : une fois habitués à une voix, ils sont incapables de reconnaître la langue d'une phrase prononcée par quelqu'un d'autre.

    L'honneur d'Homo sapiensHomo sapiens est donc sauf mais cette capacité mentale des rongeurs pose tout de même problème. A quoi leur sert-elle ? Selon les chercheurs, elle pourrait avoir d'autres utilités n'ayant rien à voir avec le langage. On retrouverait là un phénomène connu de l'évolution : une même capacité présente chez plusieurs espècesespèces peut être affectée à des fonctions différentes. Le langage humain s'appuierait donc sur des aptitudes développées chez des ancêtres bien plus anciens que les primatesprimates...