Découverte en 1821 dans le sud de l'Espagne, la Cueva de Ardales ou grotte d'Ardales contient plus de 1.000 peintures et gravures d'origine préhistorique. Et des chercheurs viennent de montrer qu'elle aurait été un refuge pour l'Homme pendant près de 50.000 ans !


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    Avec plus de 1.000 peintures et gravures réalisées des dizaines de milliers d'années auparavant, la grotte d'Ardales, ou Cueva de Ardales, garde de nombreuses traces du passage des Hommes dès la Préhistoire. Depuis sa découverte en 1821 grâce à un tremblement de terretremblement de terre qui libéra un accès vers cette caverne, elle intrigue par la multitude d'objets et dessins qui tapissent ses mursmurs et qui témoignent d'époques différentes : peintures rupestres, ocresocres, échantillons de charboncharbon de boisbois, ornements en tout genre, mais aussi des restes humains. Classée Monument national en 1931, ce n'est que très récemment que des archéologues ont pu y réaliser les toutes premières excavations entre 2011 et 2018, afin de percer ses secrets. Leurs résultats viennent tout juste d'être publiés dans la revue Plos One.

    Une haute valeur symbolique

    Après avoir divisé la grotte en plusieurs zones, ils ont entrepris d'extraire des artefacts dans chaque endroit. Mais c'est dans l'entrée de la grotte que les chercheurs ont établi leur zone principale de fouilles. L'art rupestre s'y trouve sous forme de « représentations abstraites de taille et de forme variables et de pochoirspochoirs à la main », décrivent-ils. Les peintures rupestres ont été réalisées avec différentes techniques : les plus anciennes représentent des points, des bouts de doigts et des pochoirs à la main créés avec du pigment rouge, tandis que les œuvres d'art plus récentes représentent des peintures figuratives telles que des animaux.

    Suite à ces fouilles, ils ont entrepris d'établir une chronologie pour l'occupation de la grotte : grâce à la datation au 14C, un isotope radioactif du carbone, ils sont parvenus à retrouver l'origine de nombreux échantillons prélevés. Plutôt qu'une occupation continue, ce sont des passages éphémères qui auraient habité partiellement cette grotte durant des dizaines de milliers d'années : elle témoigne d'une « véritable tradition d'art rupestre ». Les humains s'y seraient rendus pour la première fois il y a plus de 65.000 ans durant le Paléolithique moyen, puis y seraient retournés, selon les zones de fouilles, jusqu'à quelques milliers d'années seulement avant notre ère ! Avec, comme l'expliquent les chercheurs, de longues périodes vides d'occupation.

    Carte des excavations réalisées. © Ramos-Muñoz et al.
    Carte des excavations réalisées. © Ramos-Muñoz et al.

    En plus des diverses œuvres artistiques et outils, des restes humains nichent dans les creux de Cueva de Ardales, dont certains datent du Néolithique. Ils témoignent de rites funéraires réalisés dans la grotte et lui confèrent une haute valeur symbolique. Grâce à une datation au radiocarbone de ces restes et d'autres objets prélevés, les chercheurs ont pu confirmer une présence humaine durant le Paléolithique supérieur, notamment au Gravettien ou au Solutréen... les chercheurs estiment de plus qu'une occupation aurignacienne, c'est-à-dire il y a environ 40.000 ans au tout début du Paléolithique supérieur, est envisageable ! Avec des doutes bien sûr, car comme ils le citent, « la présence humaine dans le sud de la péninsulepéninsule ibérique au cours de l'Aurignacien est très contestée ». Mais leurs recherches montrent bien que cette grotte a été non seulement un refuge pour l'art, mais aussi un lieu important d'inhumation.

    Différents ornements fabriqués à partir de mollusques ont été retrouvés dans la grotte : ceux de gauche datent du Gravettien, tandis que pour ceux de droite l'origine reste incertaine. © Ramos-Muñoz et al.
    Différents ornements fabriqués à partir de mollusques ont été retrouvés dans la grotte : ceux de gauche datent du Gravettien, tandis que pour ceux de droite l'origine reste incertaine. © Ramos-Muñoz et al.

    La région est parsemée de grottes similaires

    Ils concluent ainsi dans leur étude : « Les traces de l'activité humaine sont éphémères et renvoient à des activités très spécifiques liées à l'usage symbolique de la grotte et ajoutent que la grotte a été principalement utilisée comme lieu d'art rupestre à partir du paléolithique. [...] les fouilles ont également révélé de longues interruptions de l'activité humaine. » Ces périodes d'interruptions restent encore incertaines, car chaque indice retrouvé ne peut être daté avec une précision suffisamment élevée. Ils supposent néanmoins une interruption de plusieurs milliers d'années, entre il y a environ 15.000 ans et le début du Néolithique. Leurs résultats concordent de plus avec d'autres obtenus dans d'autres grottes de la région : la péninsule ibérique, comme ils l'expliquent, est parsemée de grottes similaires, quoique souvent moins étendues que celle de Cueva de Ardales. 

    Ici, des outils datant du Paléolithique moyen : un noyau de quartzite en A, une lame en B, un éclat levallois en C et un grattoir en D. © Ramos-Muñoz et al.
    Ici, des outils datant du Paléolithique moyen : un noyau de quartzite en A, une lame en B, un éclat levallois en C et un grattoir en D. © Ramos-Muñoz et al.