La richesse et la jeunesse de la topographie de la surface de Pluton photographiée par la sonde New Horizons ont surpris les planétologues. En analysant plus en profondeur les images collectées, ils sont de plus en plus convaincus qu'un cryovolcanisme existe sur cette planète naine dont les sources de chaleur sont plus importantes qu'on ne le pensait.

Avant la seconde moitié du XXe siècle, les géologuesgéologues et les planétologues étaient bien loin de se douter de l'importance du volcanismevolcanisme dans le Système solaireSystème solaire, à commencer par la Terre elle-même et de sa géodynamique contrôlée par la tectonique des plaquestectonique des plaques. Tout va changer grâce au développement de l'astronautiqueastronautique et en particulier avec les missions Voyager qui vont nous faire découvrir le volcanisme de Io, la lunelune infernale de JupiterJupiter, et le cryovolcanisme de TritonTriton autour de NeptuneNeptune. Aujourd'hui, on s'interroge même sur de possibles éruptions en cours sur Vénus et des potentiels cryovolcans ont même été détectés sur Titan, la plus grande lune de Saturne. En fait, on dispose maintenant déjà d'un large corpus de travaux au sujet des volcansvolcans du Système solaire comme en témoigne l'ouvrage Planetary Volcanism across the Solar System co-écrit par Rosaly Lopes, la célèbre planétologue de la NasaNasa.

Depuis quelques années, les chercheurs s'interrogent aussi sur l'existence de volcans à la surface de PlutonPluton mais jusqu'ici ils étaient restés plutôt circonspects en examinant les images fournies par la mission New Horizons en juillet 2015, lors de son unique passage au voisinage de la planète naineplanète naine et son cortège de lunes.

La plaine Spoutnik, photographiée par la sonde New Horizons le 14 juillet 2015, à environ 1.800 kilomètres d'altitude. © Nasa, <em>Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory, Southwest Research Institute</em>
La plaine Spoutnik, photographiée par la sonde New Horizons le 14 juillet 2015, à environ 1.800 kilomètres d'altitude. © Nasa, Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory, Southwest Research Institute

Quelles sources de chaleur pour les volcans du Système solaire ?

En effet, il faut de l'énergie interne sous forme de chaleurchaleur dans un corps céleste rocheux pour avoir du volcanisme, que les laveslaves émises soient du basaltebasalte fondu ou un mélange d'eau, d'ammoniaqueammoniaque et de méthanol comme on pense que c'est le cas dans les cryovolcans. Pour des planètes comme VénusVénus et la Terre, cette chaleur est un héritage du processus d'accrétionaccrétion gravitationnel et surtout des éléments radioactifs apportés lors de l'accrétion. Elles ont donc reçu un stock d'énergie d'autant plus faible et qui va s'épuiser d'autant plus vite que la planète est petite. C'est pour cette raison qu'il ne semble plus y avoir d'activité volcanique sur la Lune et MercureMercure depuis bien longtemps déjà, même si on suspecte que quelques éruptions sont encore possibles dans le cas de la Lune.

Dans le cas de IoIo et d'EnceladeEncelade, la lune de Saturne avec des geysersgeysers, on pense que ce sont des forces de maréeforces de marée qui chauffent ces astresastres. Ce n'est pas le cas de Pluton aujourd'hui (sauf au début de son histoire avec la naissance de sa lune principale, Charon) qui de surcroit est de plus petite taille que la Lune. Logiquement, on ne s'attendrait donc pas à voir une activité volcanique importante ou autre à la surface de Pluton, qui devrait donc être morte et fortement cratérisée.

Sur ce dernier point, il est certain que ce n'est pas le cas comme le montrent les images de la plaine SpoutnikSpoutnik, baptisée du nom du premier satellite artificiel, et qui est une plaine d'environ 1.000 kilomètres de large constituée de glaces d'azoteazote, de méthane et de monoxyde de carbonemonoxyde de carbone. Elle est en effet relativement lisse et dépourvue de cratères, au point qu'elle ne devrait être âgée probablement que de moins de 100 millions d'années. De plus, on y distingue une structure polygonale que l'on a d'abord interprétée comme une manifestation de cellules de convectionconvection d'une glace d'azote/monoxyde de carbone. Mais, récemment cette interprétation a été remise en cause.

Les scientifiques de la mission New Horizons ont déterminé que l'activité cryovolcanique a très probablement créé des structures uniques sur Pluton qui n'ont encore été vues nulle part ailleurs dans le Système solaire. La quantité de matériau nécessaire pour créer les formations suggère que sa structure intérieure a retenu de la chaleur à un moment donné de son histoire, permettant aux matériaux riches en glace d'eau de s'accumuler et de refaire surface dans la région grâce à des processus cryovolcaniques. Les brumes de surface et atmosphériques de Pluton sont représentées ici en niveaux de gris, avec une interprétation artistique de la façon dont les processus volcaniques passés ont pu fonctionner superposés en bleu. © <em>Nasa, Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory, Southwest Research Institute, Isaac Herrera, Kelsi Singer</em>
Les scientifiques de la mission New Horizons ont déterminé que l'activité cryovolcanique a très probablement créé des structures uniques sur Pluton qui n'ont encore été vues nulle part ailleurs dans le Système solaire. La quantité de matériau nécessaire pour créer les formations suggère que sa structure intérieure a retenu de la chaleur à un moment donné de son histoire, permettant aux matériaux riches en glace d'eau de s'accumuler et de refaire surface dans la région grâce à des processus cryovolcaniques. Les brumes de surface et atmosphériques de Pluton sont représentées ici en niveaux de gris, avec une interprétation artistique de la façon dont les processus volcaniques passés ont pu fonctionner superposés en bleu. © Nasa, Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory, Southwest Research Institute, Isaac Herrera, Kelsi Singer

Un cryovolcanisme inédit

Une équipe de planétologues a publié tout récemment un article dans Nature Communications où ils expliquent que les images et les données fournies par New HorizonsNew Horizons laissent sérieusement penser qu'une région au sud-ouest de la plaine Spoutnik contient bel et bien des cryovolcans, mais se manifestant d'une façon encore jamais vu si l'on considère les autres cryovolcans du Système solaire connus. Ce n'est toutefois pas la première fois que l'on envisage l'existence de ce phénomène sur Pluton.

Cette région avait déjà attiré l'attention des chercheurs en 2015 parce qu'elle semblait très différente des autres et depuis, les analyses des images et de la topographie qu'elle révélait s'étaient poursuivies. Selon les planétologues, d'autres processus géologiques démontraient que des cryovolcans pour créer les caractéristiques observées sont peu probables. Par exemple, la zone présente des variations importantes entre les tailles des hauts et des bas du terrain qui n'auraient pas pu être créées par de l'érosion.

Les données concernant la composition chimique des structures intrigantes détectées laissent penser qu'il s'agit surtout de glace d'eau. Mais, étant donné la température moyenne de Pluton, environ 40 kelvinskelvins (-233 °C), même en tenant compte d'une petite composante supplémentaire avec de l'ammoniaque ou du méthanol, les cryovolcans supposés ne devaient pas pouvoir émettre de l'eau liquide et les écoulements visibles devraient plutôt être similaires à ceux des glaciersglaciers, bien qu'il soit bien question de mouvements de matièrematière analogue à ceux de laves liquides crachées par des volcans.

Voilà de quoi relancer les spéculations sur les sources d'énergies exactes qui font de Pluton un corps céleste encore vivant.

« L'un des avantages d'explorer de nouveaux endroits dans le Système solaire est que nous trouvons des choses auxquelles nous ne nous attendions pas. Ces cryovolcans géants et étranges observés par New Horizons sont un excellent exemple de la façon dont nous élargissons nos connaissances sur les processus volcaniques et l'activité géologique sur les mondes glacés », a ainsi expliqué Kelsi Singer, scientifique adjointe du projet New Horizons du Southwest Research Institute, Boulder, Colorado, et auteur principal de l'article publié.

La région étudiée par les planétologues au sud-ouest du « cœur » de Pluton, <em>Spoutnik Planitia</em>, contient plusieurs grands dômes et s'élève jusqu'à 7 kilomètres de haut sur 30 à 100 kilomètres de diamètre, avec des collines interconnectées, des monticules, et des dépressions recouvrant les côtés et les sommets de bon nombre des plus grandes structures. © Nasa, <em>Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory, Southwest Research Institute, Isaac Herrera, Kelsi Singer</em>
La région étudiée par les planétologues au sud-ouest du « cœur » de Pluton, Spoutnik Planitia, contient plusieurs grands dômes et s'élève jusqu'à 7 kilomètres de haut sur 30 à 100 kilomètres de diamètre, avec des collines interconnectées, des monticules, et des dépressions recouvrant les côtés et les sommets de bon nombre des plus grandes structures. © Nasa, Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory, Southwest Research Institute, Isaac Herrera, Kelsi Singer

 

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