Depuis le mois d’août 2012, le rover Curiosity, de la mission MSL, a réalisé moult prélèvements, forages et analyses cristallographiques. La moisson de données est fructueuse, et celles-ci sont loin d'avoir toutes été analysées. On peut cependant déjà tirer les premières conclusions, alors que le rover se dirige vers les argiles du mont Sharp. Francis Rocard, responsable des programmes d’exploration du Système solaire au Cnes, détaille pour nous les découvertes de Curiosity.

au sommaire


    Voilà plus de 16 mois maintenant, le rover Curiosity de la mission américaine MSL (Mars Science Laboratory) touchait le sol martien, le lundi 6 août 2012. Le lieu de son atterrissage se trouve dans le cratère Gale près de l'équateuréquateur de Mars. Ce cratère se situe à cheval sur la dichotomie martienne, cette région qui sépare les hauts plateaux anciens du sud des jeunes plaines du nord. Au centre, une véritable montagne de 5.500 mètres de haut, dont l'origine est assez mystérieuse. Des scientifiques ont proposé que toute la région ait été recouverte d'épaisses couches de sédimentssédiments, et qu'ultérieurement ces couches aient disparu par érosion, sauf la partie centrale, constituant ainsi une montagne plus haute que les remparts entourant le cratère.

    Après son atterrissage, CuriosityCuriosity mettra deux mois pour arriver à l'intersection de trois régions distinctes, appelée Glenelg, et plus précisément dans Yellowknife Bay. Durant son séjour de dix mois dans cette région, le rover pratique des analyses qui confirment qu'il se situe au fond d'un ancien lit de rivière, où les cailloux ont été arrondis. Cette rivière, dans Peace Vallis, prend sa source dans les remparts au nord-ouest du cratère, soit à une vingtaine de kilomètres du lieu d'atterrissage.

    Coupe schématique du cratère Gale. On suppose que le sommet central (le mont Sharp) est un massif sédimentaire qui a échappé à l'érosion. Le cercle noir indique l'ellipse prévue pour l'atterrissage de Curiosity (qui s'est posé avec une grande précision très près du centre) et la zone bleutée montre une possible étendue alluvionnaire. © Nasa, JPL-Caltech

    Coupe schématique du cratère Gale. On suppose que le sommet central (le mont Sharp) est un massif sédimentaire qui a échappé à l'érosion. Le cercle noir indique l'ellipse prévue pour l'atterrissage de Curiosity (qui s'est posé avec une grande précision très près du centre) et la zone bleutée montre une possible étendue alluvionnaire. © Nasa, JPL-Caltech

    À la recherche de molécules organiques

    Dans Yellowknife Bay, Curiosity a pu réaliser un premier forage sur la roche John Klein. La poudre du forage de 6,4 cm de profondeur a été introduite dans l'instrument franco-américain Sam afin d'analyser les gaz volatils qu'elle contient.

    Cette analyse a révélé la présence de vapeur d'eau à 200 °C qui résulte du dégazagedégazage de la poussière riche en eau. À plus haute température, vers 700 °C, une nouvelle émission de vapeur d'eau est détectée qui, elle, résulte de la déshydratationdéshydratation d'argilesargiles présentes dans la roche John Klein. D'autres gaz sont identifiés : CO2, H2S, O2, SO2, etc. Des composés chlorés ont également été détectés, comme CHCl3, CH2Cl2, CH3Cl.

    Mais alors que le chlore provient bien de perchlorates martiens, la présence de carbone serait due à une contaminationcontamination par des espèces chimiquesespèces chimiques présentes dans l'instrument. Il faut bien admettre que jusqu'à présent, aucune molécule organique non oxydée n'a encore été trouvée sur Mars, alors que cela constitue l'objectif central de la mission. Il va falloir encore attendre l'arrivée sur les stratesstrates d'argiles du mont Sharp, à l'automneautomne prochain, pour en tirer des conclusions.

    À gauche, vue du sol de Mars où les cailloux d’un ancien lit de rivière sont arrondis. À droite, un ancien lit de rivière sur Terre. Quand la rivière s’est asséchée, les galets se sont retrouvés noyés dans un ciment de matériaux sédimentaires. © Nasa/JPL-Caltech

    À gauche, vue du sol de Mars où les cailloux d’un ancien lit de rivière sont arrondis. À droite, un ancien lit de rivière sur Terre. Quand la rivière s’est asséchée, les galets se sont retrouvés noyés dans un ciment de matériaux sédimentaires. © Nasa/JPL-Caltech

    Le 100.000e tir de ChemCam sur Mars

    ChemCam, le second instrument auquel la France contribue, a révélé toute sa puissance d'analyse. En effet, le 13 novembre, ChemCamChemCam a fêté son 100.000e tir sur Mars, soit autant de spectresspectres à analyser. Par exemple, c'est grâce aux informations données par cet instrument que le JPL (Jet Propulsion LaboratoryJet Propulsion Laboratory) a choisi les roches John Klein puis Cumberland pour être analysées en profondeur par Sam et par CheMin.

    Ce dernier (CheMin pour Chemistry and Mineralogy) effectue la cristallographiecristallographie des minérauxminéraux à l'aide d'un canon à rayons Xrayons X, et a révélé également la présence d'argiles dans les roches.

    En haut du mât de Curiosity, l'instrument ChemCam (la boîte blanche avec la grosse lentille) envoie un laser pulsé sur une cible tandis que le capteur, derrière l'objectif, filme le nuage de plasma lumineux produit par cet échauffement. Un spectromètre analyse ensuite l'émission de cette lueur pour déterminer les composants présents dans la roche. On remarque les objectifs à ouverture carrée des deux caméras de mât, avec une focale longue à gauche et courte à droite. © Nasa, JPL-CalTech

    En haut du mât de Curiosity, l'instrument ChemCam (la boîte blanche avec la grosse lentille) envoie un laser pulsé sur une cible tandis que le capteur, derrière l'objectif, filme le nuage de plasma lumineux produit par cet échauffement. Un spectromètre analyse ensuite l'émission de cette lueur pour déterminer les composants présents dans la roche. On remarque les objectifs à ouverture carrée des deux caméras de mât, avec une focale longue à gauche et courte à droite. © Nasa, JPL-CalTech

    Pas de méthane dans les analyses de Sam

    Sam a également prélevé des gaz de l'atmosphèreatmosphère afin de les analyser avec une très grande précision. Le résultat majeur est l'absence de méthane dans l'atmosphère lors du prélèvement. Sam va régulièrement faire ce type de mesures afin d'étudier d'éventuelles variations de la composition.

    Il est aujourd'hui trop tôt pour conclure concernant le méthane, mais son absence dans un lieu précis et au moment du prélèvement est un fait incontestable dont il faudra tenir compte.

    Depuis début juillet, Curiosity taille la route afin de rattraper son retard. Il a déjà parcouru environ la moitié des 10 km qui le sépare de la zone dépourvue de dunes, où il pourra alors obliquer vers la gauche et commencer l'ascension du mont Sharp. Nul doute que cette phase sera très excitante, surtout que ses roues commencent à fatiguer... Stay tuned !