Des feuillets de graphène avec un réseau d’atomes presque parfait doivent pouvoir être produits industriellement et à bas coûts pour engendrer une révolution en électronique. Un groupe de chercheurs a découvert un procédé de fabrication prometteur que l’on pourrait même mettre en pratique chez soi. Il suffit de disposer d’un liquide vaisselle mélangé à de l’eau et à de la poudre de graphite dans un blender.


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    L'Union européenne a accordé une enveloppe à hauteur d'un milliard d'euros pour les recherches sur le graphène. Ce matériau devrait permettre la mise au point d'une nouvelle électronique, dont certaines applications sont encore à trouver. On peut aussi l'utiliser pour dessaler l'eau de mer et probablement pour séquencer rapidement l'ADN. Ses propriétés électriques, thermiques et mécaniques sont telles que l'on parle de matériau miracle à son propos. Il ne s'agit pourtant que de simples feuillets de carbone de l'épaisseur d'un atome que l'on obtient en exfoliant du graphite.

    La simplicité du graphènegraphène cache toutefois un problème de taille lorsqu'on veut le fabriquer à l'échelle industrielle. Pour qu'il tienne vraiment certaines de ses promesses, les feuillets de graphène doivent être autant que possible exempts de défaut et se rapprocher du fameux réseau idéal en nid d'abeille que l'on connaît. Or, jusqu'à présent, les meilleurs techniques de fabrication des feuillets de haute qualité ne permettaient d'en obtenir qu'un demi-gramme par heure tout au plus. Il existe des méthodes avec un rendement bien plus élevé, puisqu'elles permettent de produire des tonnes de graphène, mais c'est au détriment de la qualité recherchée (néanmoins, pour quelques applications, les défauts dans le réseau du graphène sont un avantage, par exemple pour réaliser des batteries ou certains matériaux composites).

    En haut à gauche, un modèle de mélangeur Silverson L5M, et en haut à droite, des flacons contenant le mélange d'eau, de tensioactif, de la poudre de graphite et en suspension des feuillets de graphène de haute qualité. En bas, des images prises au microscope électronique en transmission des feuillets de graphène. © <em>Nature Materials</em>
    En haut à gauche, un modèle de mélangeur Silverson L5M, et en haut à droite, des flacons contenant le mélange d'eau, de tensioactif, de la poudre de graphite et en suspension des feuillets de graphène de haute qualité. En bas, des images prises au microscope électronique en transmission des feuillets de graphène. © Nature Materials

    Graphène sans défauts cristallins

    Une équipe de chercheurs irlandais et britanniques vient de trouver un moyen ingénieux pour multiplier par dix la production de feuillets de graphène exempts de défauts. Comme ils l'expliquent dans un article publié dans Nature Materials, la recette est particulièrement simple. Il suffit de prendre de la poudre de graphite, de la mélanger avec un agent tensioactif dans de l'eau et de remuer le tout. Plus prosaïquement, comme les chercheurs en ont fait l'expérience, on peut simplement mettre de la poudre de graphite dans du liquideliquide vaisselle ordinaire, ajouter de l'eau et passer le tout au blender pour obtenir un liquide noir dont une partie est constituée de feuillets de graphène de haute qualité.

    Chacun peut donc faire l'expérience chez soi, en théorie du moins, car elle risque d'endommager votre blender. Il y a tout de même quelques hics. Tout d'abord, on est loin de convertir toute la poudre de graphite en feuillets de graphène. Ensuite, la quantité obtenue dépend de la taille et de la pureté de la poudre de graphite et de la quantité de tensioactiftensioactif à ajouter. Tous ces paramètres doivent être évalués avec des moyens disponibles uniquement en laboratoire. Enfin, il faut extraire les feuillets de graphène du mélange, ce qui, là aussi, n'est possible qu'en laboratoire en utilisant des centrifugeuses, des microscopes électroniquesmicroscopes électroniques et des spectromètresspectromètres de massemasse. Mais pour l'industrie, la découverte des chercheurs ouvrirait bien des perspectives. D'après leurs calculs, il serait possible de produire 100 g de feuillets de graphène par heure dans une cuve de 10.000 litres.