Depuis l'aube de l'humanité, le feu fascine. S'il a joué un rôle essentiel dans l'évolution humaine, le revers de la médaille est son pouvoir destructeur. Au fil des siècles, comment les Hommes ont-ils appris à vivre avec, quelles stratégies ont-ils mis en place pour s'en protéger ? Comment se sont-ils rendus maîtres du feu ?


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    The ConversationLa découverte du feu est souvent présentée comme la plus importante de l'histoire de l'Homme, tant elle a conditionné le développement du genre HomoHomo. En réduisant la quantité d'énergie nécessaire à la digestiondigestion des aliments, la cuisson a notamment conduit à un accroissement du cerveaucerveauLa maîtrise du feu semble acquise il y a environ 400.000 ans même si des traces d'utilisation beaucoup plus anciennes ont été repérées. Cependant, avec l'urbanisation, le feu est également devenu un fléau en cas de propagation incontrôlée. Pensons par exemple au grand incendie de Rome en 64 après J.-C. à celui de la cathédrale Notre-Dame de Paris ou encore aux méga-feux qui ravagent désormais de nombreux pays.

    Qu’est-ce que le feu ?

    Un feu nécessite la conjonction de trois éléments : un combustible, un comburant et une source de chaleurchaleur, ce que l'on appelle le triangle du feu. Ces éléments interagissent dans un processus complexe dans lequel interviennent des phénomènes physiquesphysiques tels que les transferts thermiques et des phénomènes chimiques tels que la pyrolysepyrolyse de la source combustible ou la combustioncombustion des produits de pyrolyse.

    Techniquement, on distingue réaction et résistancerésistance au feu. La réaction au feu concerne les matériaux combustibles, qui sont susceptibles de libérer de la chaleur lors de leur décomposition sous l'effet de la température et en présence d'un comburant (le plus souvent l'oxygèneoxygène présent dans l'airair). La résistance au feu s'intéresse à la capacité d'un élément à maintenir sa fonction porteuse et ses propriétés d'isolation thermique et d'étanchéitéétanchéité aux gazgaz et aux fumées durant l'incendie. En tant que matériaumatériau combustible utilisé comme élément de structure dans des bâtiments, le boisbois est concerné par ces deux aspects qui font appel à des normes spécifiques et des tests différents.

    Voir aussi

    Préhistoire expérimentale, le feu

    En matièrematière de lutte contre l'incendie, il existe deux stratégies non exclusives l'une de l'autre. La première prévoit d'utiliser des dispositifs dits actifs en cas d'incendie : extincteurs, détecteurs de fumées ou extincteurs automatiques à eau. La seconde consiste à utiliser des matériaux qui vont contribuer le moins possible à la propagation de l'incendie.

    L’ignifugation

    De nombreux matériaux, tels que la plupart des plastiquesplastiques ou le bois sont intrinsèquement fortement combustibles, et il est nécessaire d'y incorporer des additifs appelés retardateurs de flamme, qui, incorporés dans ou à la surface d'un matériau combustible, ont vocation à modifier son comportement en perturbant le triangle du feu.

    Leurs effets sont principalement de retarder l'apparition de la flamme, ralentir la vitessevitesse de propagation de celle-ci, réduire le dégagement de chaleur et la puissance du feu, limiter l'opacité des fumées et leur toxicitétoxicité. Tous ces effets sont évalués par l'intermédiaire de tests de réaction au feu normés. Ils conduisent à des classements qui déterminent l'utilisation potentielle du matériau dans une applicationapplication donnée en fonction de la réglementation.

    Il fallut trouver un système efficace pour prévenir les incendies dans les théâtres parisiens éclairés à la bougie

    Il n'existe pas de retardateur de flamme universel. Un système ignifugeant doit être adapté au matériau qu'il vise à protéger en prenant en compte notamment son processus de décomposition. Par ailleurs, le choix d'un retardateur de flamme est également guidé par le procédé de fabrication du matériau et ne doit pas altérer de façon sensible les propriétés fonctionnelles attendues.

    Les archéologues situent les prémices de l'ignifugation dans l'Antiquité. Les Égyptiens, vers 400 av. J.-C., utilisaient des minérauxminéraux pour rendre certains tissus résistants au feu comme le coton ou le linlin. Plus tard, durant le siège du Pirée (23 ans avant J.C), des solutions d'alunalun furent utilisées pour rendre les remparts en bois résistants au feu. Il faut ensuite attendre jusqu'en 18 juin 1735 pour que l'anglais Obadiah Wyld dépose le premier brevet, brevet numéro 551, sur le traitement du coton. Au XIXᵉ siècle, à la demande du roi de France, Louis XVIII, il fallut trouver un système efficace pour prévenir les incendies dans les théâtres parisiens éclairés à la bougie. Joseph Louis Gay-Lussac déposa alors un brevet sur l'utilisation d'un mélange de phosphate d'ammonium, de chlorure d'ammonium et de borax pour l'ignifugation des rideaux dans les théâtres.

    Les retardateurs de flamme

    Il existe plusieurs familles de retardateurs de flamme, basées sur des éléments chimiqueséléments chimiques différents et avec des modes d'action variés. Historiquement, les molécules halogénées contenant du chlorechlore ou du bromebrome, ont été très utilisées en raison de leur efficacité, même en faible quantité. Ces moléculesmolécules agissent en perturbant les réactions de combustion ayant lieu dans la flamme, favorisant son extinctionextinction et limitant la quantité d'énergie libérée. On parle alors d'inhibitioninhibition de flamme. Cependant, le caractère toxique de certains composés halogénés a conduit à leur interdiction. En raison de l'impossibilité de distinguer aisément lors du recyclagerecyclage les molécules bromées autorisées de celles qui sont interdites, il n'est plus possible de recycler des plastiques ignifugés par ces retardateurs de flamme. Par ailleurs, ces molécules entraînent la formation de fumées opaques et corrosives lors de l'incendie. Pour toutes ces raisons, cette famille d'ignifugeants est aujourd'hui de plus en plus sur la sellette.

    Exemple de systèmes polymères intumescents. © Rodolphe Sonnier, The Conversation
    Exemple de systèmes polymères intumescents. © Rodolphe Sonnier, The Conversation

    Elle est remplacée principalement par les retardateurs de flamme phosphorés. Ceux-ci sont d'une très grande variété et, par conséquent, ils peuvent agir selon différents modes d'action. Le mode d'action principal reste cependant la promotion d'une couche résiduelle à la surface du combustible protégeant la partie saine du matériau. La stratégie consiste à perturber les réactions de pyrolyse (décomposition du matériau sous l'action de la chaleur) et à favoriser la formation d'un résidu riche en carbonecarbone et thermiquement stable appelé « char ». Certains systèmes particulièrement efficaces sont appelés intumescentsintumescents car le char forme une couche expansée, isolante et très protectrice. Ce type de systèmes intumescents est notamment utilisé dans des revêtements pour protéger des éléments métalliques ou le bois.

    Nous pouvons également mentionner les hydroxydes métalliques, peu chers mais proportionnellement moins efficaces et qui doivent donc être incorporés à des taux élevés (jusqu'à 65 % en massemasse dans des gaines extérieures pour câbles) pour produire un effet notable. Sous l'effet de la température, ces particules libèrent de l'eau sous forme de vapeur par décomposition endothermiqueendothermique, contribuant ainsi à refroidir le matériau et à diluer les combustibles dans la flamme.

    D'autres chimieschimies existent, basées sur l'azoteazote (mélamine), le borebore (borate de zinczinc) ou l'étainétain (hydroxystannate) par exemple. Les nanotechnologiesnanotechnologies ont également été employées depuis une quinzaine d'années dans le domaine de l'ignifugation. Les nanoparticulesnanoparticules de type argilesargiles lamellaireslamellaires ou nanotubes de carbonenanotubes de carbone favorisent le caractère isolant du char formé, même à de faibles taux. Mais elles sont insuffisantes à elles seules pour apporter une protection globale du matériau.

    Et le bois ?

    De manière générale, les matériaux d'origine organique (issus du monde du vivant) comme le pétrolepétrole, le bois, ou le charboncharbon ont en commun une composition riche en atomesatomes de carbone et d'hydrogènehydrogène, susceptibles d'être oxydés. Ils sont donc combustibles. Le bois est un matériau à structure complexe avec une composition chimique élémentaire constituée pour moitié de carbone (50 %), d'oxygène (44 %), ainsi que d'hydrogène en faible quantité (6 %).

    Peu dense, le bois possède une capacité naturelle à charbonner, c'est-à-dire qu'une couche protectrice de char se forme entre le bois sain et les flammes. Lors de sa combustion, le bois va premièrement perdre de l'eau pour devenir complètement sec à 120 °C. Ensuite, sa structure se décompose progressivement avec l'augmentation de la température. Ses constituants sont relativement stables jusqu'à 250 °C, température à partir de laquelle un dégagement de fumées est observé. À 320 °C, la quantité de gaz est telle qu'elle peut assurer l'inflammationinflammation du bois dans l'air. La pyrolyse a lieu principalement jusqu'à 500 °C, après quoi subsiste seulement le charbon de bois (char) qui peut se décomposer lentement par oxydationoxydation. Si la couche de char ralentit la pyrolyse du bois sain sous-jacent, sa tenue mécanique est en revanche négligeable. Au fur et à mesure de la pyrolyse, la section utile d'un élément structurel en bois se réduit donc et sa capacité portante également.

    La dégradation du bois en fonction de la température. © Rodolphe Sonnier, The Conversation
    La dégradation du bois en fonction de la température. © Rodolphe Sonnier, The Conversation

    Les retardateurs de flamme utilisés pour l'ignifugation du bois appartiennent aux familles précédemment citées (phosphorephosphore, bore, azote, hydroxydes métalliques). Cependant, contrairement aux plastiques, il n'est pas possible d'intégrer ces additifs lors de la fabrication du bois. L'ignifugation a donc lieu sous deux formes : le dépôt d'un revêtement de surface (peinture, vernisvernis) et l'imprégnationimprégnation à cœur du bois, c'est-à-dire dans la partie creuse - appelée lumenlumen - des cellules du bois, par un procédé en autoclaveautoclave. Il s'agit de remplir la totalité des lumens en dégazant sous vide dans un premier temps puis en forçant la pénétration de l'ignifugeant par surpression. Cette solution plus complexe permet d'éviter une détérioration du caractère ignifugeignifuge en cas de défauts de surface. Dans le cas d'un revêtement, si celui-ci vient à être altéré, il ne peut plus jouer son rôle ignifuge et laisse le bois sans protection en cas d'incendie.

    Cet article a été co-écrit avec Clément Lacoste (IMT - Mines Alès), Laurent Ferry (IMT - Mines Alès) et Henri Vahabi (Université de Lorraine).