Le boson de Higgs a probablement été détecté dans les collisions de protons au LHC. Mais l’étude vraiment fine de ses propriétés, pouvant déboucher sur la découverte d’une nouvelle physique, ne peut se faire qu’avec un collisionneur de leptons, comme des électrons et des positrons. Une telle machine, version améliorée du prédécesseur du LHC, le Lep, est à l'étude.

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    Les chercheurs du Cern réfléchissent déjà depuis un moment sur des versions améliorées du LHC avec des collisions de protons qui se produiraient à des énergies un peu au-delà de 14 TeV et, surtout, avec une luminositéluminosité plus élevée. Parallèlement, des collisionneurs linéaires de leptons, comme des électrons ou des muonsmuons, sont aussi en projet depuis plus de 10 ans. Ils étaient principalement prévus pour réaliser des mesures fines des propriétés des particules supersymétriques que l'on pensait découvrir rapidement au LHCLHC. Pour cela, des collisions vers 1 TeV, avec des leptons, sont idéales.

    Bien que les collisions de protons soient la voie la plus simple et la plus rapide pour découvrir le boson de Higgsboson de Higgs (ou des particules au-delà des modèles des interactions électrofaibles et des forces nucléaires fortes), la production d'un fort bruit de fond hadronique (des hadronshadrons déjà connus qui dominent la création des particules dans les collisions) rend difficiles les mesures fines des caractéristiques du boson de Higgs ou d'autres particules relevant d'une physiquephysique au-delà du modèle standardmodèle standard. Or, pour départager différentes théories ou détecter des signes ténus de cette nouvelle physique qu'elles impliquent, il faut des mesures suffisamment précises.

    Du Lep au Lep3

    Après la découverte des bosons W et Z au début des années 1980 au Cern, l'étude plus complète des prédictions du modèle électrofaible et le début de la chasse au boson de Higgs et aux particules supersymétriques (expliquant peut-être la nature de la matière noire) n'avaient pu se faire, déjà, qu'avec la mise en service du Large Electron-PositronPositron collider (Lep) ou grand collisionneur électron-positron.

    Fonctionnant de 1989 à 2000, il avait permis, notamment, de vérifier l'existence de seulement 3 familles de neutrinosneutrinos, en plein accord avec la prédiction découlant des mesures des abondances de l'héliumhélium, issues des observations en cosmologie. On avait déjà creusé, pour le Lep, le tunnel de 27 km où se trouve actuellement le LHC. Une version améliorée du grand collisionneur électron-positron, dite Lep2, y avait finalement été démantelée pour permettre l'installation du grand collisionneur de hadrons.

    Cette image montre les résultats sur ordinateur de collisions entre les particules fondamentales – des électrons et des positrons – dans les 4 détecteurs de particules du Lep du Cern, superposés sur un fond d'étoiles. Le Lep occupait le tunnel de 27 km de long dans lequel se trouve aujourd'hui le LHC. © Patrice Loïez, Cern

    Cette image montre les résultats sur ordinateur de collisions entre les particules fondamentales – des électrons et des positrons – dans les 4 détecteurs de particules du Lep du Cern, superposés sur un fond d'étoiles. Le Lep occupait le tunnel de 27 km de long dans lequel se trouve aujourd'hui le LHC. © Patrice Loïez, Cern

    Ironiquement, comme le prouve un article publié sur arxiv, on se dirigerait depuis quelques années vers la constructionconstruction d'un Lep3 en remplacement ou en complément du LHC.

    En effet, il semble de moins en moins crédible que la découverte de la supersymétriesupersymétrie, ou d'une autre extension du modèle standard, avec de nouvelles particules dont les massesmasses sont un peu en dessous de 1 TeV, soit à portée de main. Si ces particules existent bel et bien, avec des masses de plusieurs centaines de GeVGeV environ, des mesures fines avec des collisions d'électrons et de positrons étant employées pour déterminer précisément les caractéristiques de ces particules, imposeraient d'utiliser des accélérateurs linéaires.

    Lorsque des particules chargées sont accélérées dans des anneaux, elles perdent d'autant plus rapidement leur énergie que la courbure des anneaux est grande ou que les masses de ces particules sont faibles. Ces pertes, par rayonnement synchrotronrayonnement synchrotron, sont donc plus élevées pour des électrons que pour des protons et elles sont nulles pour une accélération en ligne droite. C'est pourquoi, des collisionneurs comme l'International Linear Collider (ILC) ou le Compact Linear Collider (Clic) ont commencé à être étudiés avant la mise en service du LHC.

    Une nouvelle physique uniquement observable via le boson de Higgs ?

    Malheureusement, à la grande surprise et déception de bien des théoriciens, on n'a pas observé de particules supersymétriques avec des masses légères dans les détecteurs Atlas et CMSCMS du LHC. Pas de signes non plus de l'existence de dimensions spatiales supplémentaires, par exemple sous forme de minitrous noirs ou de boson Z’, dans les analyses des collisions dans ces détecteurs.

    On est raisonnablement confiant sur le fait que le nouveau boson découvert au LHC est bien celui de Peter HiggsPeter Higgs. Mais l'on commence à craindre que cela soit la seule découverte qui puisse jamais être faite avec le LHC. Pour le moins, des observations de manifestations d'une nouvelle physique ne semblent maintenant possibles qu'à des énergies dépassant celles atteignables, dans un futur proche, avec des collisionneurs linéaires. Il se pourrait donc que d'ici à quelques années, la construction d'un ILC ne soit pas la meilleure stratégie pour découvrir de la nouvelle physique, ne serait-ce qu'avec des coûts financiers faibles.

    Si l'étude fine des désintégrations du Higgs est la seule fenêtrefenêtre ouverte à l'humanité pour découvrir de la nouvelle physique dans un avenir à court terme, des collisions avec faisceaux d'électrons et de positrons à des énergies guère plus élevées que celle du Lep seraient suffisantes. Les pertes par rayonnement synchrotron seraient acceptables en construisant le Lep3 dans le tunnel du LHC. On pourrait même utiliser les détecteurs Atlas et CMS pour cela. Les coûts pour un tel successeur du LHC seraient réduits puisqu'une partie de l'appareil est déjà construite.

    Le projet d'un Lep3 est pris au sérieux par le grand théoricien John Ellis qui a longtemps été une des figures dominantes des membres du Cern. Mais Lyn Evans, autre figure marquante du LHC travaillant maintenant sur des projets comme l'ILC, est sceptique. Il est probablement encore trop tôt pour prendre la décision de construire le Lep3 tant que le potentiel du LHC n'a pas encore été véritablement exploré.