Oubliez l’idée d’une naissance terrestre dans la douleur de violents impacts. D’après une nouvelle étude, la Terre, tout comme Mars, se serait formée très rapidement, en moins de 3 millions d’années, par accrétion de petites particules de quelques millimètres seulement.


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    Notre Planète, de même que le Système solaireSystème solaire, s’est formée il y a 4,6 milliards d’années. Voilà une donnée qui fait désormais consensus. Un point demeure cependant fortement débattu. Celui de la duréedurée de cette formation et des mécanismes qui lui sont associés. La théorie la plus en vogue implique une phase de collisions entre des embryons planétaires. Il aurait ainsi fallu 50 à 100 millions d'années pour former la Terre de cette façon, car cette théorie implique un certain degré de hasard. Eh oui, on ne croise pas tous les jours la route de petits planétoïdes.

    L'une des hypothèses concernant la formation de la Terre implique de violentes collisions avec des corps proto-planétaires. © hideto111, Adobe Stock
    L'une des hypothèses concernant la formation de la Terre implique de violentes collisions avec des corps proto-planétaires. © hideto111, Adobe Stock

    Une formation en quelques millions d’années seulement

    Mais, depuis quelques années, une nouvelle idée se fraie un chemin. Celle d'une formation beaucoup plus rapide, en quelques millions d'années seulement, et n'impliquant pas des impacts géants, mais plutôt une accrétionaccrétion de petits éléments de seulement quelques millimètres. Cette théorie avait été présentée dans un article publié il y a 3 ans (lire ci-dessous). Les chercheurs de Copenhague, auteurs de cette précédente étude, reviennent aujourd'hui sur le sujet pour contraindre la nature du matériel à l'origine des planètes telluriquesplanètes telluriques du système solaire, plus particulièrement la Terre et Mars, et ainsi déterminer leur mode de formation.

    Dans un nouvel article publié dans la revue Nature, les scientifiques ont utilisé les isotopesisotopes du siliciumsilicium comme traceurs permettant de comprendre les mécanismes de formation des planètes. Ils ont ainsi analysé la composition isotopique de plus de 60 météoritesmétéorites différentes et corps planétaires, afin d'observer le lien « génétiquegénétique » pouvant exister entre eux.

    Une croissance par accrétion de poussières

    Les résultats montrent que, contrairement à l'idée la plus commune, les chondriteschondrites ne constitueraient pas les blocs de base des planètes comme Mars et la Terre. Par contre, il apparaît que ces deux planètes auraient un lien avec des astéroïdesastéroïdes différenciés formés très tôt dans l'histoire du Système solaire. Cela suggère une formation rapide, en moins de 3 millions d'années, via une croissance par collision et accrétion de très petits éléments présents au sein du disque proto-planétaire. D'après les chercheurs, un astreastre d'une centaine de kilomètres de diamètre peut ainsi se former très rapidement à partir de ce disque de poussière. Une fois atteint cette taille, la croissance se continue par « aspiration » de tous les éléments présents à proximité, y compris les petites particules de glace.

    Vue d’artiste d’une jeune étoile entourée par un disque protoplanétaire dans lequel des planètes sont en train de se former. © ESO/L. Calçada
    Vue d’artiste d’une jeune étoile entourée par un disque protoplanétaire dans lequel des planètes sont en train de se former. © ESO/L. Calçada

    La présence d’eau n’est plus une question de chance

    Cette nouvelle vision a donc une conséquence sur l'origine de l'eau sur Terre. Dans l'hypothèse la plus commune, l'eau aurait en effet été apportée sur Terre par le bombardement de comètes riches en glace d’eau à la fin de la formation de la Planète. Mais la nouvelle théorie proposée par les chercheurs de Copenhague, en remettant en question le mode de formation de la Terre, implique que l’accumulation de l’eau s'est faite au cours de la phase d'accrétion rapide et n'a donc pas une origine « lointaine ».

    Une considération qui a son importance car elle écarte la notion de « chance » qu'implique l'hypothèse d'une eau apportée par les comètescomètes. La nouvelle théorie suggère au contraire que l'eau est un élément intrinsèquement lié à la formation des planètes telluriques, que ce soit dans notre système solaire... ou ailleurs.


    La Terre se serait formée plus vite qu’on ne le pensait

    La phase initiale de formation de la Terre s'est déroulée bien plus rapidement qu'on le pensait jusqu'alors. C'est en mesurant avec une extrême précision les isotopes du ferfer que des chercheurs ont abouti à cette conclusion.

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer, publié le 24 février 2020

    Des collisions aléatoires de corps de plus en plus volumineux sur plusieurs dizaines de millions d’années. C'est ainsi que les astronomesastronomes ont longtemps imaginé que notre Terre s'est formée. Mais des travaux de chercheurs de l'université de Copenhague (Danemark) remettent aujourd'hui cette théorie en question. Le tout se serait joué en seulement cinq millions d'années.

    Seulement ? À l'échelle de l'UniversUnivers, cela ne fait aucun doute. Et même à l'échelle de notre Système solaire. Son âge est estimé à environ 4,6 milliards d'années. Ramenant le tout à 24 heures, les résultats des chercheurs de Copenhague suggèrent qu'il n'aurait fallu à la proto-Terre qu'une minute et demie pour se former. Contre cinq à quinze minutes selon l'idée jusqu'alors admise.

    Les travaux des chercheurs de l'université de Copenhague orientent désormais plus les astronomes vers une autre théorie. « Comme point de départ, il y avait des poussières. Des objets de taille millimétrique, tombant en pluie sur un corps en croissance et formant notre Terre d'un seul coup », explique Martin Schiller, chercheur, dans un communiqué de l’université de Copenhague.

    Des chercheurs de l’université de Copenhague (Danemark) ont analysé la composition isotopique du fer dans les chondrites CI – tel que l’échantillon présenté ici. Ils montrent qu’elle seule se rapproche de celle que l’on rencontre sur Terre. © Université de Copenhague
    Des chercheurs de l’université de Copenhague (Danemark) ont analysé la composition isotopique du fer dans les chondrites CI – tel que l’échantillon présenté ici. Ils montrent qu’elle seule se rapproche de celle que l’on rencontre sur Terre. © Université de Copenhague

    L’eau plus banale que prévu ?

    Cette conclusion, les chercheurs la tirent des mesures les plus précises jamais réalisées sur des isotopes du fer. Ils ont en effet étudié le mélange isotopique de cet élément dans différentes météorites. Un seul type de météorites présentait une composition similaire à celle de la Terre : les chondrites CI. « Si le processus avait été plus aléatoire, nous n'aurions pas identifié un seul type de météorite, mais un mélange », assure Martin Schiller.

    D'autres météorites, issues de Mars, par exemple, montrent que la composition isotopique du fer était différente dans les matériaux qui ont servi au tout début de la croissance de notre Planète. Sans doute en raison des températures qui régnaient alors au voisinage de notre jeune SoleilSoleil. Après quelques centaines de milliers d'années, notre Système solaire s'est suffisamment refroidi pour que la poussière de chondrites CI venant de l'extérieur pénètre la région d'accrétion de la proto-Terre.

    « Cette poussière domine la composition du manteau terrestre. Ce n'est possible que si la majorité du fer plus ancien avait déjà migré vers le noyau. Et donc, si la formation de ce noyau - ce que les chercheurs appellent la différenciation planétaire - a eu lieu très vite », explique Martin Schiller. « Cette découverte précise non seulement l'histoire de notre Système solaire, mais elle pourrait aussi éclairer la façon dont les planètes se forment ailleurs dans la galaxiegalaxie. »

    L’eau pourrait être un simple coproduit de la formation des planètes

    « Si notre théorie se vérifie, il se pourrait bien que l'eau s'avère être un simple coproduit de la formation des planètes. » De quoi rendre l'un des principaux ingrédients de la vie - telle que nous la connaissons - extrêmement banal dans notre Univers.


    Formation de la Terre : un des géochronomètres était faux

    La Terre et le Système solaire sont nés il y a 4,568 milliards d'années environ. Pour les événements qui ont suivi il y a désormais un doute depuis une nouvelle évaluation, revue à la baisse, de la demi-viedemi-vie d'un isotope radioactif du samariumsamarium, l'un des géochronomètres utilisés pour dater ce qui s'y est produit pendant les premières centaines de millions d'années de leur évolution. La différentiationdifférentiation planétaire de la Terre, la LuneLune et Mars, se serait produite plus rapidement et plus tôt que ce que l'on pensait.

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco paru le 09/04/2012

    La Terre vue de l'espace par les astronautes d'Apollo 17. © Nasa
    La Terre vue de l'espace par les astronautes d'Apollo 17. © Nasa

    Il ne s'agit pas d'une remise en cause de l'âge de la Terre et du Système solaire. Mais un article publié dans Science prouve qu'il faut repenser la chronologie des événements pendant l'Hadéen sur Terre, sur Mars et sur la Lune. Si vous demandez à Wolfram Alpha de tout vous dire sur l'isotope de samarium 146, il vous apprendra qu'il est radioactif et avec une demi-vie suffisamment longue pour permettre de dater des processus géologiques anciens contrairement au carbone 14 et sa demi-vie de seulement 5.730 ans. Mais c'est surtout, en relation indirecte avec des abondances mesurables aujourd'hui des isotopes du néodymenéodyme qu'il permet de dater des processus s'étant produits à l'aubeaube de l'histoire du Système solaire.

    Seulement voilà, le chiffre de 103 millions d'années donné pour 146Sm est faux ! Selon un groupe de chercheurs ayant utilisé l'Argonne Tandem Linac Accelerator System du laboratoire national Argonne aux États-Unis, la véritable valeur de la demi-vie du samarium 146 est 68 millions d'années.

    Un échantillon ultrapur de 2 g de samarium. © DP
    Un échantillon ultrapur de 2 g de samarium. © DP

    Pas de révolution pour l'âge du Système solaire mais, en revanche, pour ce qui est de la chronologie établie des événements survenus pendant les premières centaines de millions d'années à l'intérieur des planètes rocheuses, il va falloir revoir la copie !

    Grâce aux échantillons de roches lunaires et aux météorites martiennes, ainsi qu'aux roches terrestres, on avait estimé les dates de différentiation de ces planètes, c'est-à-dire la constitution de noyaux et manteaux bien séparés chimiquement. En prenant en compte la nouvelle valeur de la demi-vie du samarium, ces différentiations se seraient produites plus rapidement et les âges estimés avec d'autres horloges nucléaires deviennent convergents selon les chercheurs.

    Une formation plus rapide du manteau de la Lune

    Parmi les roches les plus vieilles du monde, certaines prennent des coups de vieux ainsi que les processus géodynamiques et géochimiques dont elles sont les témoins. D'ores et déjà, on peut dresser un premier bilan, que voici. 

    Terre 

    • Un processus mantellique ayant formé certaines roches du Groenland était considéré comme s'étant produit 170 millions d'années après la formation du Système solaire. L'âge révisé de 120 millions d'années est maintenant plus en accord avec celui déterminé par une autre horloge nucléaire en rapport avec des roches trouvées en Australie. Cela suggère que ce processus a affecté toute la Planète.
    • De même pour des roches du Canada, on passe de 287 à 205 millions d'années après la formation du Système solaire pour un autre processus.

    Lune

    • La formation du manteau lunaire a été datée à 242 millions d'années après la formation du Système solaire. L'âge révisé est maintenant de 170 millions d'années.
    • Une roche lunaire a été récemment datée avec trois chronomètreschronomètres nucléaires, l'un d'entre eux étant le samarium 146. Les âges tirés des deux autres horloges s'accordaient, tandis que l'âge évalué à partir du samarium 146 était différent. La version révisée de la demi-vie du samarium 146 a résolu l'énigme.