La blogosphère de la physique des hautes énergies est en ébullition depuis plus d’une semaine. La raison ? La publication par la collaboration CDF du Fermilab d’un surplus anormal de muons dans les collisions protons-antiprotons du Tevatron. Aucune explication ne semble crédible dans le cadre du modèle standard. Certains y voient la confirmation de certaines théories concernant la matière noire.

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    Le détecteur CDF. Crédit : Fermilab

    Le détecteur CDF. Crédit : Fermilab

    Le Tevatron a peut-être grillé le LHC dans la course à la mise en évidence de la matière noirematière noire, c'est en tout cas une possibilité assez sérieuse qui agite en ce moment le monde de la physique des particules élémentaires. Malgré tout, prudence et scepticisme restent à ce stade la meilleure attitude.

    Rappelons que le Tevatron est le concurrent direct du LHC dans la course à la découverte du boson de Higgs et même dans l'exploration d'une physique au-delà du modèle standard, qui, notamment, fait apparaître des particules supersymétriques ou encore des gravitons massifs de Kaluza-Klein, preuves de l'existence de dimensions spatiales supplémentaires. Contrairement au LHC cependant, les faisceaux de particules qu'il fait collisionner dans ses détecteurs, CDF et D0, sont constitués de protons et d'anti-protons.

    Or, en étudiant les produits des réactions dans CDF, les chercheurs ont constaté un flux anormalement élevé de muonsmuons qui semble provenir de la désintégration de particules n'entrant dans aucune des prédictions du modèle standard ! Il ne semble pas possible de le faire dériver de la production de paires de quarksquarks B par exemple.

    Faut-il y voir la signature d'une particule inconnue ?

    Le plus surprenant est que si l'on introduit une nouvelle particule capable de se désintégrer en donnant des muons présentant les caractéristiques observées, on tombe sur l'existence d'un boson scalaire dont la massemasse est de l'ordre du GeVGeV. Les chercheurs du Fermilab ne parlent cependant pas encore de la découverte d'une nouvelle particule. Une fraction non négligeable des physiciensphysiciens impliqués dans les mesures de CDF ont même refusé de signer l'article. Bien que plusieurs dizaines de milliers de ces muons anormaux aient été détectés, ce qui exclut une fluctuation statistique, certains font remarquer que bien des choses ne sont pas encore comprises dans les réactions entre quarks décrites par la QCDQCD. On pourrait donc avoir des surprises, même dans la manière dont le détecteur est calibré pour détecter certaines de ces réactions.

    Toutefois, trois semaines avant la publication sur ArxivArxiv de l'article faisant état de cette anomalieanomalie, un groupe de théoriciens avait proposé un modèle de particules de matière noire faisant intervenir une particule très semblable à celle que CDF a peut-être détectée. Parmi eux figure Nima Arkani-Hamed de l'Institut des études avancées de Princeton, célèbre pour être l'un des auteurs des théories à basse masse de PlanckPlanck permettant d'espérer la production de mini trous noirstrous noirs au LHC.

    Des débats très vifs

    La coïncidence est tellement frappante que plusieurs chercheurs, dont Tommaso Dorigo, ont soupçonné que le groupe avaient eu ventvent quelques mois auparavant de la découverte de l'anomalie des muons, alors toujours en cours de vérification par les chercheurs du Fermilab.

    Devant de telles « accusations », Nima Arkani-Hamed est intervenu en personne sur le blog de Tommaso Dorigo en affirmant d'abord que lui est ses collègues s'étaient basés sur une autre anomalie, celle du flux anormalement élevé de positronspositrons dans les rayons cosmiquesrayons cosmiques, confirmée récemment par les observations de Pamela. C'est pour l'expliquer, affirme-t-il, qu'ils ont introduit un modèle supersymétrique de matière noire comportant un boson scalaire de un GeV capable de se désintégrer en donnant des muons. Surtout, souligne-t-il, le taux de production observé avec CDF est beaucoup plus élevé que ne l'indique en l'état leur théorie. Le physicien veut ainsi rendre bien clair que ni lui ni aucun de ses collègues n'étaient au courant des observations de la collaboration CDF.

    Pour être sûr que l'anomalie de CDF soit bien réelle et pointe vers de la physique au-delà du modèle standard, il faudrait que d'autres expériences la retrouve, comme par exemple avec le détecteur D0 du Tevatron. En attendant, les tentatives théoriques pour expliquer l'anomalie des muons se multiplient et un article fait même intervenir la théorie des cordes.

    Les physiciens sont au travail et gageons que dans le cours de l'année prochaine on devrait savoir à quoi s'en tenir...