Une double capture électronique avec émission de deux neutrinos, ça n’arrive pas souvent. Tellement rarement en réalité que le processus est réputé présenter une demi-vie qui dépasse même l’âge de notre univers. C’est pourtant l’un de ces évènements extrêmement rares que des chercheurs ont pu observer directement grâce au détecteur Xenon 1T.


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    Xenon 1T : c'est le petit nom que les physiciensphysiciens donnent au détecteur de particules de matière noire le plus performant qui existe à l'heure actuelle. Il est opéré par le Laboratoire national du Gran Sasso (Italie) depuis fin 2015. Et ses performances, il les doit aux infinies précautions prises pour aboutir à un bruit de fond incroyablement faible pour un détecteur de cette taille.

    L'espoir des chercheurs : enregistrer les infimes éclairséclairs de lumière que produiraient des particules de matière noirematière noire interagissant avec le xénon contenu dans la cuve du détecteur. Mais, ce qu'ils n'avaient pas nécessairement imaginé, c'est que la finesse de Xenon 1T permettrait de capter d'autres phénomènes qui échappaient jusqu'alors aux observations. Et notamment, la désintégration radioactive du xénon-124 (124Xe).

    La théorie prévoyait bien que l'isotope 124 du xénon devait subir une double désintégration bêta par ce que les physiciens appellent une double capture électronique avec émission de deux neutrinosneutrinos. Mais aucun laboratoire n'avait pu le montrer expérimentalement. Il faut dire que la demi-vie du 124Xe est estimée à 1,8.1022 ans. La bagatelle de quelque mille milliards de fois l'âge de l'universunivers ! « Il s'agit là du processus le plus long et le plus lent jamais observé directement », assure Ethan Brown, physicien.

    Xenon 1T, une cuve de 1.300 kilogrammes de xénon liquide ultra-pur protégé des rayonnements cosmiques dans un cryostat immergé dans l’eau et surplombé de 1.500 mètres de montagnes. © <em>Xenon Collaboration</em>
    Xenon 1T, une cuve de 1.300 kilogrammes de xénon liquide ultra-pur protégé des rayonnements cosmiques dans un cryostat immergé dans l’eau et surplombé de 1.500 mètres de montagnes. © Xenon Collaboration

    Au cœur de la matière

    Concrètement, que s'est-il passé ? Au cœur d'un noyau de xénon, un protonproton s'est transformé en un neutronneutron. Cela arrive lorsqu'un électronélectron est capturé par le noyau. Mais, dans le cas du 124Xe, le noyau doit capturer simultanément deux électrons. Les physiciens parlent de double capture électronique. Pour que cela se produise, il faut que les électrons se rapprochent ensemble du noyau, au bon moment. Et c'est extrêmement rare.

    « Ce que nous avons observé, c'est la réorganisation des électrons autour du noyau concerné », explique Ethan Brown. Car, lorsque deux électrons quittent le cortège pour rejoindre le noyau, deux autres électrons prennent nécessairement leur place sur l'orbiteorbite qu'ils occupaient.

    Une observation fascinante qui fait reculer les frontières de la connaissance

    Pour la toute première fois donc, des chercheurs ont observé directement la désintégration radioactive du 124Xe. Une observation rendue possible par l'obstination des physiciens à atteindre un niveau de pureté hors du commun. « Une observation fascinante qui fait reculer les frontières de la connaissance des caractéristiques les plus fondamentales de la matière », s'enthousiasme Curt Breneman, doyen de la School of Science de l’Institut polytechnique Rensselaer (États-Unis).