Comment un atterrisseur pourrait-il résister à l'infernale atmosphère de Vénus, avec sa température élevée et sa pression énorme ? En faisant appel à la mécanique plutôt qu'à l'électronique, estime la Nasa, qui présente ses projets.

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    Paradoxalement, nous connaissons mieux la surface de Pluton que celle de VénusVénus. En effet, la surface de l'étoile du Berger se dérobe perpétuellement à notre regard, cachée sous une importante couverture nuageuse. Certes, le radar de la mission Magellan a fourni une certaine connaissance de la topographie de la surface mais, pour les images, nous n'avons que celles, peu nombreuses, prises par les sondes soviétiques VeneraVenera. Un engin qui vient de s'y poser doit être, il est vrai, très costaud pour résister aux conditions de pression et surtout de température. L'atmosphèreatmosphère y est portée à 460 °C et les pressions de l'ordre de 90 bars pourraient broyer la coque de bien des sous-marinssous-marins. Vaillantes, les braves sondes Venera ont rendu l'âme au bout de deux heures tout au plus.

    Il en faudrait plus cependant pour décourager les ingénieurs et, depuis quelques années, des études sont en cours pour relever ce défi. Plusieurs solutions sont possibles. On peut par exemple tenter de prolonger le temps de vie des sondes en les équipant d'un système de réfrigération alimenté par un générateurgénérateur thermoélectrique à radio-isotope. Mais les perspectives ne sont guère encourageantes car, même de cette façon, une sonde ne pourrait pas résister plus d'une journée et sa constructionconstruction coûterait des milliards d'euros. Une seconde solution consisterait à développer une nouvelle électronique capable de résister à de hautes températures mais, là aussi, bien que des tentatives prometteuses soient en cours, les coûts de recherche et de développement d'une telle technologie sont prohibitifs.


    Quelques illustration du projet AREE. © Nasa JPL, Johathan Sauder, Jessie Kawata, Lori Nishikawa, Evan hilgemann, Katie Stack, Aaron Parness, Michael Johnson

    Ordinateurs mécaniques et code Morse : il faut du rustique sur Vénus

    La Nasa explore une troisième voie : revisiter la technologie de la fin du 19e siècle et du début du 20e siècle... À cette époque, les ingénieurs étudiaient les premiers calculateurs mécaniques et les chars d'assaut blindés de la Première guerre mondiale. C'est ainsi qu'est né le projet Automaton Rover for Extreme Environments (AREE). Les ingénieurs d'aujourd'hui veulent ainsi s'inspirer, entre autres, du fameux calculateur mécanique de Charles Babbage, dont Futura avait déjà parlé dans l'article ci-dessous. Les engrenages et les leviers pourraient alors remplacer les puces au silicium et les mémoires magnétiques.

    Le concept de l'AREE a été proposé en 2015 par un ingénieur en mécatroniquemécatronique du JPLJPL, Jonathan Sauder. Alimentée par une éolienneéolienne, la machine, lointaine héritière des automatesautomates des 18e et 19e siècles, et même du mécanisme d'Anticythère, pourrait fonctionner pendant un an d'après son promoteur. Tout comme les atterrisseurs soviétiques, son fonctionnement devra tenir compte de la dilatationdilatation thermique de ses pièces mécaniques, de sorte qu'il ne sera optimal qu'après cette dilatation.

    L'atterrisseur AREE pourrait transmettre des informations à une sonde en orbiteorbite en utilisant un réflecteur d'ondes radio. Le signal reçu de l'orbiteur serait renvoyé par ce réflecteur, piloté mécaniquement, sous la forme d'une sorte de code MorseMorse, à la manière dont un naufragé utilise la lumièrelumière du soleilsoleil sur un miroirmiroir. Autre idée, les données recuillies (vitessevitesse des ventsvents, températures, activité sismique...) pourraient être gravées sur un disque, comme les « VinylesVinyles ». Emporté par un ballonballon dans la haute atmosphère de Vénus, il pourrait être récupéré par un drone, volant, lui, dans des conditions de température et de pression plus clémentes.

    Ce concept pourrait inspirer des missions similaires à destination de la surface de Io la volcanique ou d'autres luneslunes de JupiterJupiter et SaturneSaturne où le niveau de radiation est délétère pour une électronique sophistiquée. On peut penser également que les solutions finalement retenues seront un mélange d'une électronique durcie avec des automates et des ordinateursordinateurs électromécaniques.


    Vénus : bientôt un ordinateur capable de survivre à ses conditions extrêmes ?

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 13/02/2017

    L'Homme aimerait bien explorer la surface de Vénus en y envoyant des sondes robotisées. Pour que ce rêve se réalise, encore faut-il que les circuits puissent supporter les conditions infernales de températures et de pressions qui règnent sur cette planète. Les chercheurs de la Nasa sont donc en train de développer une nouvelle électronique pour des ordinateurs... et le succès est au rendez-vous.

    JunoJuno est en orbite autour de Jupiter, Cassini a passé plus d'une décennie en orbite autour de Saturne, RosettaRosetta nous a fourni d'incroyables détails de la surface de la comètecomète 67P/Churyumov-Gerasimenko et la sonde New Horizons a fait de même pour PlutonPluton. Toutefois, paradoxalement, la surface de la planète la plus proche du système Terre-Lune, à savoir Vénus, reste encore très mal connue. On a bien sûr percé ses nuagesnuages grâce au radar de la sonde Magellan, mais on aimerait bien pouvoir y déposer des roversrovers, qui permettraient de l'explorer à la façon de ceux qui arpentent Mars.

    Malheureusement, les conditions de températures et de pressions à la surface de Vénus sont vraiment infernales, ce qui exclut d'ailleurs de pouvoir y trouver des traces de vie (en revanche, en haute altitude, dans son atmosphère, c'est une autre histoire...). Des sondes russes comme Venera 13 ont bien réussi à atteindre le sol de l'étoile du Bergerétoile du Berger mais elles ont eu à peine le temps de prendre quelques photos. L'électronique de bord n'a en effet pas résisté longtemps (environ deux heures) à la température de 470 °C.

    Les ingénieurs ne sont pas découragés pour autant. Depuis des années, certains d'entre eux travaillent sur divers composants électroniques ou électromécaniques qui permettraient à des sondes robotisées contenant des ordinateurs de faire bien mieux que les sondes du siècle dernier.

    La surface de Vénus vue en 1982, vue par la sonde Venera 13. © Venera 13/Don P. Mitchell

    La surface de Vénus vue en 1982, vue par la sonde Venera 13. © Venera 13/Don P. Mitchell

    Des circuits en carbure de silicium

    Une publication dans le journal AIP Advances fait ainsi état de progrès en la matièrematière. Elle provient d'un groupe de chercheurs du Glenn Research Center, de la Nasa, à Cleveland (États-Unis). Ceux-ci sont parvenus à construire des circuits intégréscircuits intégrés performants à base de carbure de siliciumcarbure de silicium, un semi-conducteursemi-conducteur, et qui ont pu résister victorieusement à des conditions vénusiennes bien plus longtemps que dans le cas de Venera 13.

    Ces circuits ont été placés dans un simulateur baptisé Glenn Extreme Environments Rig (Geer) et reproduisant l'environnement à la surface de Vénus. Ils ont fonctionné pendant 521 heures, c'est-à-dire presque trois semaines, et ce alors qu'aucun dispositif de refroidissement ou de protection thermique ne les protégeaient des températures et des pressions extrêmes (90 atmosphères sur Vénus), ce qui est donc très encourageant. D'autant plus que l'arrêt de l'expérience n'a pas coïncidé avec l'apparition d'un dysfonctionnement des circuits.

    En haut, le circuit intégré à base de carbure de silicium avant son départ dans le simulateur. En bas, son aspect après presque 3 semaines passées dans un environnement ressemblant à celui de Vénus. © Nasa

    En haut, le circuit intégré à base de carbure de silicium avant son départ dans le simulateur. En bas, son aspect après presque 3 semaines passées dans un environnement ressemblant à celui de Vénus. © Nasa

    En bonus, ces circuits ont montré précédemment qu'ils pouvaient fonctionner au moins pendant 1.000 heures à plus de 480 °C dans l'atmosphère terrestre, cela peut donc impliquer d'autres applicationsapplications, notamment dans le domaine de l'avionique.


    Faire fonctionner un ordinateur sur Vénus, c'est possible ?

    Article de Laurent Sacco publié le 12/10/2010

    À la surface de Vénus, la température atteint environ 500 °C et ferait rapidement rendre l'âme à l'ordinateur d'un rover. Si le système informatique reposait non pas sur l'électronique mais sur des dispositifs électromécaniques, pourrait-il résister ? La réponse est oui selon une équipe de chercheurs américains, qui vient de poser les jalons d'un tel ordinateur.

    La surface de Vénus est très inhospitalière, avec des conditions de pressions et de températures qui ne permettent pas aux sondes d'y fonctionner bien longtemps. C'est tout juste si la sonde Venera 13 a eu le temps de nous envoyer quelques photos en 1982. On rêverait pourtant d'avoir l'équivalent des rovers martiensrovers martiens SpiritSpirit et OpportunityOpportunity. Malheureusement, au-delà de 250°C, le bruit thermique dans les transistors des ordinateurs et autres composants électroniques rend leur fonctionnement inefficace.

    Une équipe de chercheurs de la Case Western Reserve University à Cleveland (Ohio) a pourtant trouvé un début de parade. L'idée est simple et élégante : il s'agirait d'en revenir aux conceptions d'un célèbre mathématicienmathématicien du XIXe siècle, l'anglais Charles Babbage, titulaire de la prestigieuse chaire de professeur lucasien de mathématiques de l'université de Cambridge, dont l'avant-dernière personne à l'avoir occupée n'était autre que Stephen Hawking.

    Une photo de Charles Babbage. © <a href="http://www.crowl.org/Lawrence/history/" title="Crowl Family History" target="_blank">Crowl</a>

    Une photo de Charles Babbage. © Crowl

    Charles Babbage, un précurseur de l'informatique

    Babbage cherchait à pousser plus loin la notion de calculateur dont les bases avaient été posées par Pascal et Leibniz. Il devint ainsi un des précurseurs de l'informatique et fut le premier à énoncer le principe de l'ordinateur. Lui-même chercha à créer un ordinateur mécanique mais il n'arriva jamais à ses fins.

    La technologie moderne, plus précisément la nanotechnologienanotechnologie, ouvre aujourd'hui la possibilité de reprendre les idées de Babbage en construisant des éléments d'ordinateurs électromécaniques miniaturisés. De tels éléments seraient bien moins sensibles à des hautes températures et on pourrait donc peut-être s'en servir pour construire des rovers vénusiens.


    Une vidéo sur les travaux de Charles Babbage et son projet d'un ordinateur mécanique. © The Computer History Museum

    Comme l'expliquent Mehran Mehregany et ses collègues dans un article de Science, il est bel et bien possible de construire des Nems (nanoelectromechanical systems) se comportant comme des portesportes logiques de circuits électroniques. Une telle idée n'est pas nouvelle puisque des mémoires électromécaniques ont déjà été réalisées à l'aide MemsMems (Micro-Electro-Mechanical Systems).

    Les chercheurs ont ainsi construit des interrupteurs mécaniques de quelques centaines de nanomètresnanomètres à partir d'une galette de silicium recouverte d'une couche de carbure de silicium SiC de 400 nanomètres d'épaisseur. À l'aide de la technique de lithographielithographie par faisceau d'électronsélectrons, ils ont ensuite gravé un premier interrupteur en SiC puis l'ont chimiquement séparé de la galette. Sous l'action d'une différence de potentiel convenablement appliquée, le dispositif se comporte comme un transistor à effet de champ et en combinant deux de ces circuits, les chercheurs ont réalisé une porte logique « non ».

    Une vue au microscope du dispositif électromécanique créé par les chercheurs. © Te-Hao Lee

    Une vue au microscope du dispositif électromécanique créé par les chercheurs. © Te-Hao Lee

    Le circuit électromécanique ainsi réalisé a pu fonctionner à une fréquencefréquence de 500 kilohertz et à une température de 500 °C en réalisant 2 milliards de cycles avant de défaillir. À température ambiante, il avait résisté suffisamment pour boucler environ 21 milliards de cycles. Les chercheurs pensent qu'ils pourront atteindre les 1.000 milliards de cycles et fonctionner à des fréquences de l'ordre du gigahertz.

    Ce n'est qu'un début, d'autres composants électromécaniques sont à construire, ainsi que des mémoires du même genre, avant de vraiment disposer d'un ordinateur électromécanique. Reste à savoir aussi s'il sera suffisamment performant pour entrer en compétition avec des ordinateurs plus classiques. Mais peut-être les descendants du dispositif ainsi réalisé permettront-ils un jour de renouveler notre connaissance de la surface de Vénus.