Aucun explosif n'est plus puissant ni n'occuperait un plus petit volume que celui utilisant de l'antimatière. Dans un tout autre but, le Cern se propose de construire des dispositifs qui rendraient l'antimatière portable.


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    Dans un récent communiqué, le Cern fait savoir qu'il entend bien poursuivre la route conduisant à faire passer, de la fiction à la réalité, le dispositif de stockage portatif d'antimatière qui sert de trame au fameux roman de Dan Brown, AngesAnges et DémonsDémons. Futura vous en avait déjà parlé dans le précédent article ci-dessous il y a quelques années.

    Le dispositif en question sera basé sur la technologie et les réalisations déjà obtenues au Cern par les membres de la collaboration Base (Baryon Antibaryon Symmetry Experiment) qui ont déjà battu de nombreux records dans le domaine de la recherche sur l'antimatière. Ils ont ainsi été les premiers à en conserver durant plus d'un an. Il s'agissait d'antiprotons stockés dans un piège de Penning qui maintient en place les particules au moyen de champs électriques et magnétiques, antiprotons issus d'une autre machine, le Décélérateur d'antiprotons (AD) du Cern.

    Un tel piège, qui permet d'étudier des particules isolées et qui a valu à son développeur, Hans Georg Dehmelt, un prix Nobel de Physique, peut aussi servir de réservoir contenant jusqu'à environ 10 millions de millions d’antiprotons.


    Une présentation de Base. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Cern

    Le Cern, une usine à bombes d'antimatière ?

    Il ne faudrait pas croire pour autant que l'on pourrait faire des bombes à antimatière avec eux, contrairement à ce qui est mis en scène avec des physiciensphysiciens du Cern dans le roman dont un film a été tiré. Le laboratoire européen l'a clairement expliqué sur son site car il est très difficile de produire et de capturer des antiprotons. Les processus utilisés avec les accélérateurs du Cern depuis des décennies ont en effet un rendement ridiculement faible puisque l'énergieénergie stockée sous la forme de la massemasse des antiprotons ne représente qu'un dixième de millionième (10-10) de l'énergie dépensée et, si tous les antiprotons créés au Cern depuis ce temps se sont bel et bien annihilés avec des protonsprotons, l'énergie récupérée serait tout juste suffisante pour faire briller une ampoule électrique pendant quelques minutes. Il faudrait donc des milliards d'années au Cern pour pouvoir fabriquer une bombe à antimatière ayant la même capacité destructrice qu'une bombe à hydrogènehydrogène.

    La recette utilisée pour produire des antiprotons est simple. On commence par accélérer des protons jusqu'à une énergie d'environ 25 GeVGeV et le faisceau obtenu est envoyé sur une cible fixe, un bloc de métal tel que le cuivrecuivre ou le tungstènetungstène. Beaucoup de particules secondaires vont émerger des collisions entre les protons du faisceau et les nucléonsnucléons des noyaux de métauxmétaux, et toute la difficulté est de purifier la gerbe de particules obtenue en capturant quelques-uns des antiprotons produits.

    Les membres de Base veulent donc maintenant mettre au point un dispositif, Base-Step, constitué de plusieurs pièges de Penning à l'intérieur d'un aimantaimant supraconducteursupraconducteur refroidi avec de l'héliumhélium liquideliquide. Base-Step mesurera tout de même 1,9 mètre de longueur pour 0,8 mètre de largeur et 1,6 mètre de hauteur. Il pèsera au maximum 1.000 kgkg, ce qui permettra de le déplacer avec un petit camion. On pourra alors transporter des antiprotons dans un lieu du Cern moins pollué magnétiquement par d'autres expériences afin de faire des mesures plus précises sur les propriétés des antiprotons ou des anti-atomesatomes d'hydrogène, à la recherche d'une nouvelle physique.

    Un dispositif similaire mais basé sur une autre technique de stockage des antiprotons sera aussi réalisé et il s'appelle PumaPuma (antiProton Unstable Matter Annihilation). Il servira à transporter des antiprotons pour qu'ils servent à faire des expériences sur des noyaux exotiquesexotiques d'atomes radioactifs à très courte duréedurée de vie et qui sont produits avec l'installation Isolde, l'acronyme de IsotopeIsotope mass Separator On-Line.


    Une présentation d'Isolde. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Cern

    L’antimatière prête pour une balade en camion ?

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer publié le 26/02/2018

    Pour le commun des mortels, l'antimatière reste un objet étrange. Pour les physiciens, elle est désormais suffisamment maîtrisée pour qu'ils puissent envisager de s'en servir dans des expériences. Et même pour imaginer la transporter... dans un camion !

    Longtemps, l'antimatière a semblé insaisissable. Et les chercheurs n'avaient d'autre idée en la produisant que de l'étudier. Plus récemment, ils ont appris à la maîtriser. Suffisamment, estime aujourd'hui une équipe du Cern (Suisse), pour envisager de se servir de l'antimatière pour mieux comprendre le comportement étrange de certains noyaux radioactifs rares. Mais pour cela, ils devront transporter cette antimatière d'un laboratoire à un autre... en camion !

    Au cœur du laboratoire européen de physique des particules, une expérience produit de l'antimatière. Comment ? En frappant une cible métallique avec un faisceau de protons. Les antiprotons émergentsémergents sont ensuite ralentis et les chercheurs du Cern comptent les piéger dans le vide grâce à des champs magnétiqueschamps magnétiques et électriques.

    L'équipe compte piéger ainsi jusqu'à un milliard d'antiprotons. Un milliard d'antiprotons qu'il faudra ensuite stocker pendant plusieurs semaines dans une enceinte maintenue à seulement quatre degrés au-dessus du zéro absolu et dans un vide comparable à celui qui règne dans l'espace intergalactique.

    Le saviez-vous ?

    Un milliard d’antiprotons, ce n’est rien. « L’énergie libérée par leur annihilation soudaine n’égalerait même pas un joule. À peine de quoi soulever une pomme de 20 centimètres », assure Alexandre Obertelli, le responsable du projet, à ceux qui s’inquiètent rien qu’à l’idée de savoir de l’antimatière ainsi promenée dans la nature. Dans un seul gramme d’hydrogène en effet, il y a cent mille milliards de fois plus de protons. 

    Le développement de la technologie nécessaire au piégeage et au transport d’antimatière devrait encore prendre près de quatre ans. Les premières mesures sont prévues au Cern pour 2022. © Cern
    Le développement de la technologie nécessaire au piégeage et au transport d’antimatière devrait encore prendre près de quatre ans. Les premières mesures sont prévues au Cern pour 2022. © Cern

    Dévoiler les secrets des étoiles à neutrons

    Le piège sera donc ensuite chargé à bord d'un camion pour être transporté quelques centaines de mètres plus loin. Là, une autre expérience produit des noyaux atomiques rares et radioactifs. Ils se désintègrent tellement rapidement qu'il n'est pas envisageable de les déplacer. Et ils présentent un déséquilibre neutronsneutrons/protons qui peut être à l'origine de caractéristiques exotiques intéressantes à comprendre.

    Or, les antiprotons ont tendance à s'annihiler extrêmement facilement et rapidement lorsqu'ils rencontrent aussi bien des protons que des neutrons. D'où l'idée d'exploiter ces annihilations sur des noyaux à durée de vie très courte. En discriminant le nombre de fois où les antiprotons s'annihilent avec des protons ou des neutrons, les physiciens espèrent réussir à déterminer les densités relatives de ces particules et leur répartition au sein de ces noyaux.

    L'objectif des chercheurs du Cern est d'apporter quelques informations aux astrophysiciensastrophysiciens qui étudient les étoiles à neutrons et la formation des éléments lourds dans l'UniversUnivers. Les noyaux de ces étoilesétoiles super-denses en effet constituent un mystère qui pourrait être résolu par une meilleure compréhension de ce qu'il se passe au cœur des noyaux radioactifs exotiques.