Après 12 années de dur labeur, des chercheurs japonais ont réussi à faire croître en culture une lignée d'organismes unicellulaires qui pourrait expliquer l'origine de la vie complexe sur Terre. 


au sommaire


    C'est grâce à un journal spécialisé dans les articles qui n'ont pas encore été relus par les pairs de la communauté scientifique que cette recherche parvient à notre connaissance. Des scientifiques japonais ont isolé et fait croître ce qui serait un microbemicrobe à l'origine du développement de la vie pluricellulaire complexe sur Terre. 

    Tout vient à point à qui sait attendre

    C'est l'histoire d'un organisme appelé Lokiarchaea. Son nom fait référence au château de Loki - Loki étant un Dieu norvégien -, un champ de cinq sources hydrothermalessources hydrothermales au large du Groenland, où elle a été identifiée pour la première fois en 2005. En 2015, des équipes de chercheurs ont séquencé une partie de son génomegénome à partir d'un échantillon de boue d'océan. Ce dernier était parsemé de gènesgènes semblables à ceux des eucaryoteseucaryotes. D'autres équipes ont découvert des microbes semblables. Ils ont été baptisés la lignée des archéesarchées Asgard, encore en référence à la mythologie nordique.

    Le saviez-vous ?

    Loki est le Dieu de la discorde dans la mythologie nordique. Il est le père d'un serpent, d'un loup, d'un cheval à huit jambes et de la déesse du monde des morts. 

    La théorie initiale de ceux qui pensaient que les Asgard étaient à l'origine de la vie complexe est la suivante : il y a 2 milliards d'années une archée ressemblant à un Asgard aurait englouti une bactériebactérie. Au lieu de fournir un repas, l'ingestioningestion aurait suscité une relation mutuellement bénéfique, un phénomène connu sous le nom d'endosymbioseendosymbiose. Mais cette hypothèse ne faisait pas consensus au sein de la communauté scientifique. De même que la place de Asgard au sein du Tree of Life. Certains faisaient valoir, à juste titre, la potentielle contaminationcontamination du génome identifié par d'autres microbes présents dans le méli-mélo de la boue d'océan. Il fallait épurer les échantillons et faire croître Lokiarchaea en culture. Mais ce type d'organisme, vivant en milieu extrême, a une croissance très lente. À l'aide d'un bioréacteur reproduisant les conditions de vie de ces organismes, et des éléments nutritifs appropriés, les Lokiarchaea ont réussi à croître dans un laboratoire japonais.

    Enfin, après toutes ces années de travail, les expérimentateurs ont entreposé, au sein de la même culture, des Lokiarchaea et une autre archée. Les deux microbes se sont alors assemblés et ont formé une relation symbiotique. Les chercheurs restent néanmoins prudents en précisant que leur expérience doit être tout d'abord relue, reproduite, et que l'ADNADN de Lokiarchaea doit être confirmé afin de dissiper les doutes concernant la contamination. Affaire passionnante à suivre donc.

    Décrire l'origine de la vie pluricellulaire, c'est décrire la transition entre l'absence d'organisme pluricellulaire et l'apparition du premier organisme de ce type. © Freestocks, Pexels 
    Décrire l'origine de la vie pluricellulaire, c'est décrire la transition entre l'absence d'organisme pluricellulaire et l'apparition du premier organisme de ce type. © Freestocks, Pexels 

    Origine : vous avez dit origine ? 

    Ces résultats sont excitants et passionnants à la fois. Mais que veulent-ils dire vraiment ? Tout comme l'origine de l'Univers, l'origine de la vie possède ses eaux troubles. Pour reprendre les mots d'Étienne Klein - un philosophe des sciences contemporain - « Si on parle de l'origine de l'univers, il faut imaginer qu'on doit décrire la transition entre l'absence de toute chose et l'apparition d'une première chose. » Ici aussi, il faut décrire la transition entre l'absence de vie pluricellulaire et l'apparition du premier organisme pluricellulaire. Autrement dit, il faut bien avoir en tête que lorsqu'on s'applique à décrire l'origine, toujours en reprenant le raisonnement de ce philosophe de sciences, on ne décrit pas le commencement mais bien une relation de causalité qui relie la chose qui était là au départ à la chose qui est apparue.

    Si l'Univers, comme le souligne Étienne KleinÉtienne Klein, ne semble pas avoir d'origine pensable, pour reprendre ses mots « soit quelque chose a toujours été là et ce n'est pas l'origine, soit quelque chose a causé l'apparition de cette chose et donc cette chose n'est pas l'origine », découvrir l'origine de la vie pluricellulaire qui n'est autre qu'une relation causale nous fait remonter à rebours à la question de l'origine de l'Univers étant donné que si la chose qui est à l'origine de la vie cellulaire est déterminée par une causalité, ce n'est plus l'origine.