Flex, un satellite de l’Agence spatiale européenne, dont le lancement est prévu en 2023, va surveiller la fluorescence de la végétation terrestre depuis l'espace. Requérant un niveau de technologie inédit pour un satellite, cette mission a pour objectif de mesurer et de quantifier la photosynthèse à l'échelle de la planète. Raphaël Berruyer, chef du programme Flex, chez Thales Alenia Space, et Enrico Suetta, responsable des Charges utiles optiques spatiales, chez Leonardo, nous expliquent les difficultés attendues.


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    La cartographie de la fluorescence de la végétation terrestre, afin de quantifier l'activité photosynthétique, fait partie des objectifs de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne pour mieux comprendre l'état de santé la planète. En effet, cette mission a cela d'intéressant qu'elle va permette de surveiller la santé et la productivité de la végétation à l'échelle mondiale. Ces informations permettraient de mieux comprendre les échanges de carbone entre les plantes et l'atmosphèreatmosphère, et comment ces échanges influent sur les cycles du carbonecycles du carbone et de l'eau.

    Pour cela, en 2015, dans le cadre de son programme Earth Explorer, l'Agence spatiale européenne sélectionnait la mission Flex pour répondre à ce besoin.  Aujourd'hui, la maîtrise d'oeuvre de ce satellite a été confiée à Thales Alenia Space, société conjointe entre Thales (67 %) et Leonardo (33 %).

    Pour réaliser cette cartographie, le satellite Flex utilisera un instrument novateur, nommé Floris. Le terme novateur n'est pas usurpé. Le principe du programme Earth Explorer, est de réaliser des missions très innovantes, comme avec le satellite des vents Aeolus par exemple, qui répondent à des défis, des ambitions scientifiques élevées. Flex n'échappe évidemment pas à cette règle. D'ailleurs, ce sera la première fois qu'un satellite sera dédié à cette tâche. Des observations de signal de fluorescence ont, certes, été effectuées sur quelques images particulièrement favorables, produites par des instruments existants mais non prévus à cet effet. La précision des mesures est faible mais la détection de fluorescence a (aurait) été démontrée de cette façon. Avec Flex, on vise à le faire avec précision et répétabilité. C'est un vrai challenge !

    Floris sera réalisé par Leonardo. Il s'agit d'un spectromètre imageur à haute résolutionrésolution, opérant dans le domaine spectral de 500 à 880 nm. Il captera la lumière émise par les plantes et la décomposera en ses couleurs constitutives. Le capteurcapteur pourra alors identifier la faible lueur rougeâtre émise lors de la photosynthèsephotosynthèse, normalement invisible à l'œilœil nu, et identifier également avec précision la fluorescence de la végétation, permettant aux chercheurs d'évaluer la santé de l'écosystèmeécosystème terrestre. Une performance d'autant plus remarquable que le satellite sera situé à quelque 800 kilomètres de la surface terrestre !

    L'information apportée par FLEX nous permettra de mieux comprendre comment le carbone se déplace entre les plantes et l'atmosphère, et comment la photosynthèse affecte les cycles du carbone et de l'eau. De plus, les informations fournies par FLEX nous donneront un meilleur aperçu de la santé des plantes. C'est d'autant plus important aujourd'hui que la population croissante de la Terre exige de plus en plus la production de denrées alimentaires et de nourriture pour animaux.

    La fluorescence est une lumière dans le proche infrarouge émise par le cœur de l'activité photosynthétique d’une plante, après absorption de la lumière du soleil par la chlorophylle. Elle reflète l'efficacité de la photosynthèse et la santé de la végétation. © ESA, U. Rascher, Forschungszentrum Jülich
    La fluorescence est une lumière dans le proche infrarouge émise par le cœur de l'activité photosynthétique d’une plante, après absorption de la lumière du soleil par la chlorophylle. Elle reflète l'efficacité de la photosynthèse et la santé de la végétation. © ESA, U. Rascher, Forschungszentrum Jülich

    FLEX et un satellite de la constellation Sentinel 3 seront lancés en tandem en 2023 par un lanceur Vega. Ils seront tous les deux placés en orbite héliosynchronehéliosynchrone à une altitude de 815 kilomètres. De cette façon, les observations de Flex tireront partie des capteurs optiques et thermiques de Sentinel-3 pour fournir un ensemble intégré de données permettant d'évaluer la santé des plantes.

    Laissons la parole à Raphaël Berruyer, chef du programme FLEX, chez Thales Alenia Space, et Enrico Suetta, responsable des Charges utiles optiques spatiales, chez Leonardo, pour nous expliquer les difficultés attendues dans la réalisation de cette mission qui nous concernent tous, la photosynthèse étant à la base de la vie sur Terre.

    Pourquoi l'ESA a choisi Thales Alenia Space pour réaliser Flex. Des compétences ou des choix technologiques particuliers expliqueraient-ils ce choix ?

    Raphael Berruyer : Question toujours délicate car le mieux placé pour répondre reste le client. Cependant, je dirais que la proposition était très compétitive du fait de la forte réutilisation d'équipements existants, côté plateforme. D'un point de vue technique, le choix a été supporté par :

    • le niveau de récurrence que nous offrions par le programme Sentinel 3 en particulier l'avionique et pour d'autres équipements ;
    • notre proximité avec Leonardo sur la gestion des instruments (SLSTR S3, LI MTG) et nos compétences au niveau de la gestion des lumières parasitesparasites (straylight).

    La plateforme de Flex sera-t-elle nouvelle ou dérivée d'une plateforme existante ?

    Raphael Berruyer : C'est une nouvelle plateforme mais dont l'avionique est un très proche dérivé de celle des satellites de la constellationconstellation Sentinel 3.

    Des points durs ont-ils déjà été identifiés qui nécessiteraient, peut-être, des sauts technologiques ?

    Raphael Berruyer : En ce qui concerne la plateforme, non.

    Enrico Suetta : Au niveau de l'instrument, c'est le cas. La réduction de la lumière parasite par amélioration du hardwarehardware, puis correction des inévitables résidus par correction numériquenumérique des images atteignent un seuil inégalé. Ils exigent un effort système inédit et ont nécessité deux ans de pré-développement. Signalons aussi que sur le processing sol (hors périmètre TAS), l'extraction du signal de fluorescence du signal rétro-diffusé dominant résulte d'un processus numérique bien plus complexe que l'exploitation habituelle des images d'observation de la Terreobservation de la Terre.

    Quelles sont les difficultés techniques attendues ?

    Raphael Berruyer : Sur la plateforme, les deux principales difficultés sont la tenue de la massemasse maximum et la compacité de la plateforme. Cela ce traduit par des aménagements spécifiques des équipements et du câblage.

    Enrico Suetta : En ce qui concerne l'instrument, bien que les technologies sélectionnées soient toutes au niveau 5 ou plus, sur l'échelle de maturité technologique de l'instrumentation (TRL -- qui en compte 10) afin de sécuriser le développement, la petitesse du signal scientifique nécessite de réduire toutes imperfections de l'instrument en proportion. L'instrument, quoique d'architecture relativement habituelle, doit donc être réalisé de manière quasiment parfaite. On envisage également l'utilisation de l'impression 3Dimpression 3D pour la constructionconstruction de certaines parties de l'instrument. Concernant la lumière parasite, voir ci-dessus. On peut également souligner que le réseau de diffractionréseau de diffraction (diffraction grating) du spectromètre haute résolution est à la limite de la technologie. La caractérisation et la calibration au sol avant le lancement sont également un challenge inédit.


    Le satellite Flex explorera la fluorescence de la Terre

    Article de Rémy DecourtRémy Decourt, publié le 24/11/2015

    L'Agence spatiale européenne (Esa) vient de sélectionner sa huitième mission d'exploration de la Terre : ce sera le satellite Flex. En cartographiant la fluorescence de la végétation, cet instrument permettra de quantifier la photosynthèse à l'échelle de la planète. Le lancement est prévu en 2022.

    La huitième mission d'exploration de la Terre (Earth Explorer) menée par l'Agence spatiale européenne (Esa) sera un satellite d'exploration de la fluorescence, Flex (Fluorescence Explorer) : telle est la décision des États membres de l'Esa sur la recommandation du comité consultatif des sciences de la Terre. Ce satellite établira une cartographie de la fluorescence de la végétation afin de quantifier la photosynthèse.  Ce sera la première mesure du genre.

    Pour cela, le satellite utilisera un spectromètre imageur de fluorescence qui pourra observer cette légère émissionémission de lumière rouge, témoin de la photosynthèse. La technologie est novatrice et elle a d'abord dû être testée depuis un avion. Ainsi, ont été échantillonnés différents types de végétation d'Europe et d'une partie des États-Unis, ce qui a permis de tracer des cartes de fluorescence.

    Fluorescence émise par différents types de végétation. Cette carte a été tracée depuis l'instrument HyPlant utilisé pour démontrer la faisabilité technique de Flex. Il possède deux spectromètres imageurs, qui sont des caméras sensibles à différentes longueurs d’onde. L’une a une couverture large, du bleu à l’infrarouge moyen ; l’autre va du rouge au proche infrarouge et sépare précisément les longueurs d’onde pour repérer la fluorescence. © U. Rascher, <em>Forschungszentrum Jülich</em>
    Fluorescence émise par différents types de végétation. Cette carte a été tracée depuis l'instrument HyPlant utilisé pour démontrer la faisabilité technique de Flex. Il possède deux spectromètres imageurs, qui sont des caméras sensibles à différentes longueurs d’onde. L’une a une couverture large, du bleu à l’infrarouge moyen ; l’autre va du rouge au proche infrarouge et sépare précisément les longueurs d’onde pour repérer la fluorescence. © U. Rascher, Forschungszentrum Jülich

    Avec cette mission, « Flex nous livrera de nouvelles informations sur la productivité réelle de la végétation. Celles-ci pourront contribuer à une meilleure gestion de l'agricultureagriculture et au développement d'une bioéconomie durable. De ce fait, nous pourrons mieux comprendre notre écosystème » tient à préciser Jan Woerner, directeur général de l'Esa. Les scientifiques auront également une meilleure compréhension de la circulation du carbone entre les plantes et l'atmosphère, ainsi que des effets de la photosynthèse sur les cycles du carbone et de l’eau. Les données contribueront également à mettre au point de nouveaux outils permettant de nourrir la population mondiale en expansion.

    Les missions d'exploration de la Terre de l'Esa

    Les missions Earth Explorer de l'Esa reposent sur plusieurs satellites, et visent à une meilleure compréhension de la Terre, tout en démontrant une technologie de pointe dans les techniques d'observation. À ce jour, une mission est terminée, celle de Goce qui a étudié le champ de gravitégravité terrestre et la circulation océanique de mars 2009 à novembre 2013. Trois autres sont en activité :

    Trois autres missions sont en développement :

    • ADM-Aeolus, qui étudiera la dynamique atmosphérique (2016) ;
    • EarthCare qui dès 2018 analysera le rôle des nuagesnuages et des aérosolsaérosols dans les radiations terrestre ;
    • Biomass, un satellite dédié à l'observation des forêts dont l'objectif sera de déterminer la distribution et l'évolution de la biomassebiomasse végétale à l'échelle du globe en 2020.