Les progrès de la technologie permettent, au laboratoire, de poser des contraintes de plus en plus fortes sur d’éventuelles variations de certaines grandeurs physiques originellement considérées comme fixes dans l’espace et le temps, telle la constante de la gravitation. En tentant de mesurer une évolution dans le temps de l’intensité caractéristique de la force électromagnétique et des masses des protons et des électrons, les physiciens traquent des signes d’une nouvelle physique.

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    Voilà plus d’un siècle, Joseph John Thomson (1856-1940) faisait la découverte de l’électron et mesurait sa masse. Bien avant Robert Brout, François Englert et Peter Higgs, les théoriciens de l’époque comme Lorentz et Poincaré avaient déjà entrepris de calculer la masse de l’électron. © Cavendish Laboratory, université de Cambridge

    Voilà plus d’un siècle, Joseph John Thomson (1856-1940) faisait la découverte de l’électron et mesurait sa masse. Bien avant Robert Brout, François Englert et Peter Higgs, les théoriciens de l’époque comme Lorentz et Poincaré avaient déjà entrepris de calculer la masse de l’électron. © Cavendish Laboratory, université de Cambridge

    L'évolution est devenue l'un des paradigmes fondamentaux de la science et de la cosmologie au cours du XXe siècle. Mais certains soupçonnent que la révolution conceptuelle qu'elle implique n'est pas encore achevée, car le cadre des lois fondamentales de l'univers apparaît comme fixe. En fait, certains physiciensphysiciens, dont Paul DiracPaul Dirac, ont déjà envisagé et exploré dès les années 1930 l'hypothèse d'une variation de certaines des constantes fondamentales de la nature. Cette hypothèse a depuis été constamment soumise à des tests de plus en plus précis et contraignants.

    Le cadre théorique dans lequel on pouvait l'envisager s'est lui aussi développé, en grande partie sous l'impulsion du renouveau des théories de Kaluza-Klein et surtout de l'essor de la théorie des supercordes au cours des années 1980. L'existence de dimensions spatiales supplémentaires, leurs tailles, leurs géométries et leurs topologies que l'on peut d'ailleurs explorer avec les outils de la géométrie algébrique dont certains ont été découverts par Alexandre Grothendieck sont en effet reliées aux constantes fondamentales et aux propriétés des champs de forces et de matière. Si ces caractéristiques des dimensions spatiales évoluent dans le temps et dans l'espace de la même façon que le fait la géométrie de l'espace à quatre dimensions, on pouvait donc s'attendre à ce que ces constantes fondamentales évoluent aussi.


    Le grand physicien Paul Dirac explique dans cette interview en quoi consiste l’hypothèse de la variation des constantes fondamentales sans dimensions en physique. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle avec deux barres horizontales en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez sur l’écrou à droite afin d’obtenir l’expression « Traduire les sous-titres ». Cliquez pour faire apparaître le menu du choix de la langue, choisissez « français », puis « OK ». © Muon Ray, YouTube

    Des constantes fondamentales de la physique atomique

    Outre des changements de la valeur de la constante de la gravitation, les physiciens ont cherché activement des variations de deux autres constantes très importantes en physique, la fameuse constante de structure fine en électrodynamique quantiqueélectrodynamique quantique, noté α, et le rapport sans dimension de la massemasse du protonproton mp sur celle de l'électronélectron me noté μ. Nous savons aujourd'hui que la masse du proton est en fait fixée par les lois de la QCDQCD et qu'il est très probable que celle de l'électron dépend du champ de Brout-Englert-Higgs et de ce que l'on appelle des couplages de Yukawa qui renvoient à de la nouvelle physique. La constante de structure fineconstante de structure fine dépend de la constante de la charge électrique et c'est elle qui fixe l'intensité de la force électromagnétique. La masse du proton est reliée à l'équivalent de la constante de structure fine, mais pour les forces nucléaires fortes, c'est-à-dire les champs de gluonsgluons échangés entre les quarksquarks.

    Les niveaux d'énergieénergie des électrons dans des systèmes atomiques et moléculaires sont reliés de multiples façons à α, μ et aux masses des protons et des électrons. Nous pouvons calculer précisément les valeurs de ces niveaux et ainsi prédire les fréquencesfréquences des photonsphotons émis ou absorbés par ces systèmes. Une stratégie pour mettre en évidence les variations dans le temps et l'espace d'alpha et de mu est de comparer leur valeur en laboratoire sur Terre à celles déduites des observations concernant des atomesatomes et des moléculesmolécules rayonnants, situés à des milliards d'années-lumièreannées-lumière. Certaines observations ont fourni des indications en faveur de variation de ces constantes depuis une dizaine d'années, mais sans que l'on puisse atteindre de conclusions fermes.

    Des nouvelles bornes sur les variations d’alpha et mu

    Deux groupes de chercheurs indépendants, l'un britannique et l'autre allemand, viennent d'utiliser les transitions entre les niveaux d'énergie d'ionsions d'YtterbiumYtterbium (171Yb+) pour obtenir de nouvelles bornes sur les variations dans le temps d'α et de μ. Le premier groupe de physicien a obtenu comme nouvelles contraintes sur ces valeurs que leurs variations dussent être inférieures à -0,7 ± 2,1 × 10-17 par an et 0,2 ± 1,1 × 10-16 par an respectivement alors que le second groupe a quant à lui obtenu comme contraintes -0,20 ± 20 × 10-16 par an et -0,5 ± 1,6 × 10-16 par an.

    Cela représente une amélioration d'un facteur de 2 à 3 pour les précédentes bornes sur la valeur des changements possibles de mu mais l'amélioration sur celle d'alpha est presque d'un ordre de grandeurordre de grandeur, c'est-à-dire d'un facteur 10 par rapport aux mesures issues de l'astrophysiqueastrophysique.