À quels types de restes des archéologues s'attendaient-ils à être confrontés lorsqu'ils ont entrepris de fouiller les latrines de bains publics datant d'il y a plusieurs siècles en Écosse ? Ils supposaient certainement qu'ils y trouveraient des restes organiques sous forme d'excréments humains ou peut-être des objets manufacturés perdus mais probablement pas la découverte qu'ils firent en réalité.


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    En 1976, des latrines de bains publics du fort romain de Cramond, à côté d'Édimbourg en Écosse furent excavés des restes de squelettes humains. Ceux-ci appartenaient à neuf adultes ainsi qu'à cinq enfants. Cet assemblage de corps avait été daté du XIVe siècle après J.-C. en 2010, mais ce résultat a été révisé depuis grâce à une datation au radiocarbone qui indique que les individus ont vécu entre les VIe et VIIe siècles après J.-C. Parmi ces individus, quatre portent les marques de traumatisme crânientraumatisme crânien. Les individus semblent avoir été enterrés à la hâte, ce qui a pu être interprété comme faisant suite à un événement dramatique. Certains restes ont été érodés, probablement à la suite de leur mise à nu après le passage de pilleurs de tombes.

    Les latrines contenant les squelettes sont situées dans le fort romain de Cramond, près d'Édimbourg. © Czére et <em>al.</em>, 2022
    Les latrines contenant les squelettes sont situées dans le fort romain de Cramond, près d'Édimbourg. © Czére et al., 2022

    Des vagabonds écossais ?

    Les auteurs d'une étude publiée dans le journal Archaeological and Anthropological Sciences expliquent que les restes ostéologiques de personnes dans cette zone géographique sont une opportunité de comprendre quels pouvaient être les régimes alimentaires et les déplacements des Hommes à cette période. Afin de répondre à ces interrogations, les auteurs ont examiné les restes des neuf adultes présents dans les latrines. Des analyses isotopiques ont été réalisées sur les os du crânecrâne et sur les dents des adultes. La minéralisation des molairesmolaires définitives se produit au cours des premières années de la vie et emprisonne les isotopes présents dans la nourriture ainsi que les marques d'éventuels événements de stressstress, tels que les carencescarences, ayant lieu au cours de cette période.

    Les restes de neuf adultes, ici schématisés en couleur, ont été trouvés dans les latrines. © <em>City of Edinburgh Council</em> 2014, Czére et <em>al.</em>, 2022
    Les restes de neuf adultes, ici schématisés en couleur, ont été trouvés dans les latrines. © City of Edinburgh Council 2014, Czére et al., 2022

    Les analyses isotopiques révèlent tout d'abord que les individus se nourrissaient principalement d'aliments contenant des protéinesprotéines d'origine terrestre et qu'hommes et femmes avaient un régime alimentaire similaire. Si ces individus sont enterrés sur un site proche de la côte, l'absence de protéines d'origine marine dans leur régime alimentaire n'est pas surprenante. Les traces de poissonspoissons dans les repas des Hommes n'apparaissent dans cette zone qu'au Xe siècle après J.-C. Ceci serait dû, d'après les auteurs, à l'influence accrue des règles alimentaires dictées par la religion chrétienne mais également à l'urbanisation grandissante et à la croissance des industries de pêchepêche.

    Les frontières culturelles des groupes ayant peuplé l'Écosse au début du Moyen Âge n'empêchaient pas la mobilité

    La plupart des adultes devaient être présents dans la région depuis plusieurs années mais certains ont dû passer leur enfance dans des régions distinctes. Ceci suggère que les frontières culturelles des groupes ayant peuplé l'Écosse au début du Moyen Âge n'empêchaient pas la mobilité sociale ni physique. De précédentes recherches ont montré que les individus inhumés dans ces latrines avaient un haut rang social et appartenaient peut-être à la noblesse. La raison de la mort tragique de certains individus, à la suite des blessures et des hémorragies crâniennes notamment, reste néanmoins inconnue.