L'observation des exoplanètes laisse penser qu'il devrait exister au moins une autre planète entre Mercure et le Soleil. Ce n'est pas le cas mais la singularité étonnante du Système solaire a peut-être trouvé une explication en faisant intervenir vent solaire et migrations planétaires.


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    Il est bien connu qu'il existe une ceinture d’astéroïdes entre Mars et JupiterJupiter. On l'appelle même la ceinture principale parce que l'on connaît tout de même d'autres astéroïdes, ailleurs dans le Système solaire entre le Soleil et Jupiter. Il y a par exemple la famille des astéroïdes Aton sur des orbites elliptiques dont le demi grand axe est inférieur à celui de l'orbite de la Terre, bien qu'ils puissent très bien se retrouver à des distances supérieures à une unité astronomique (UA) sur une portion de leur orbite. Plus de 1.400 de ces petits corps célestes sont tombés à ce jour dans les filets tendus par les astronomesastronomes chasseurs d'astéroïdes.

    Parmi eux, il y a 18 astéroïdes dits « apoheles » qui sont eux tous à l'intérieur de l'orbite de la Terre. Certains sont des cythérocroiseurs, c'est-à-dire qu'ils croisent l'orbite de VénusVénus, et d'autres des herméocroiseurs, croisant celle de MercureMercure. Mais curieusement, pour le moment, nous n'en avons trouvé aucun qui serait sur des orbites entourées par celle de Mercure. Pourtant, on tente d'en détecter depuis le XIXe siècle au moins, et de tels astresastres, pourtant hypothétiques, ont déjà été rassemblés dans une famille appelée Vulcanoïde.

    Ce nom a une origine historique. En effet, dès les années 1850, fort de son succès avec la découverte par le calcul de l'existence de la planète NeptuneNeptune, l'astronome français Urbain Le VerrierUrbain Le Verrier prédisait l'existence d'une autre planète, orbitant entre Mercure et le Soleil. Ses effets de perturbation gravitationnelle expliquaient la fameuse anomalieanomalie de la précessionprécession de l'orbite de Mercure. Baptisée Vulcain, on a cru la détecter à l'époque, à de multiples reprises, sans succès (les transitstransits observés étaient en fait des taches solairestaches solaires), et c'est finalement la théorie de la relativité généralerelativité générale d'EinsteinEinstein qui a donné la clé de l'énigme avec l'orbite de Mercure.

    Toutefois, bien que l'on sache maintenant qu'il n'y a pas de planètes entre Mercure et le Soleil, ce curieux vide en astéroïdes est revenu sur le devant de la scène avec la découverte de très nombreuses exoplanètes se trouvant sur des orbites qui, comparées au cas du Système solaire, seraient à l'intérieur de l'orbite de Mercure dont la taille est d'environ 0,38 unité astronomique. C'est d'autant plus étrange que des simulations numériquessimulations numériques ont montré qu'il y avait bel et bien des orbites stables pour des astéroïdes à des distances comprises entre 0,06 et 0,21 UA.


    MOJO: Modeling the Origin of JOvian planets, c'est-à-dire modélisation de l'origine des planètes joviennes, est un projet de recherche qui a donné lieu à une série de vidéos présentant la théorie de l'origine du Système solaire et en particulier des géantes gazeuses par deux spécialistes réputés, Alessandro Morbidelli et Sean Raymond. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Laurence Honnorat

    Un vent solaire primordial 10 fois plus fort qu'aujourd'hui

    Clairement, il y a là une nouvelle énigme qui ressort de la théorie de la formation du Système solaire. Or, voilà justement que l'astronome Christopher Spalding vient de faire publier un article, disponible en accès libre sur arXiv, et qui propose une solution. Elle fait intervenir le vent solairevent solaire et le mécanisme de migration planétaire. Au cœur de cette solution, il y a l'idée que les planétésimaux - en quelque sorte les briques de la constructionconstruction planétaire - occupant la région entre le Soleil et Mercure, auraient été éjectés sur des orbites plus éloignées, inhibant donc la formation planétaire faute de matériaux pour l'alimenter dans cette région.

    En effet, au cours des premières dizaines de millions d'années de la formation du Système solaire, le vent solaire canalisé par les lignes de champs magnétiqueschamps magnétiques en spirale du Soleil était bien plus fort qu'aujourd'hui. Christopher Spalding a effectué des calculs permettant d'évaluer l'effet de ce souffle sur des objets dont les tailles sont respectivement de 10 m, 100 m et 1.000 m, situés entre 0,1 UA et l'orbite de Mercure (0,38 UA). Et ce, pendant une période de 100 millions d'années, duréedurée évaluée de la formation des planètes rocheusesplanètes rocheuses. Les géantes gazeusesgéantes gazeuses, comme Jupiter et SaturneSaturne, doivent se former en un temps plus court, une dizaine de millions d'années tout au plus en général.

    Les simulations numériques conduites par Spalding montrent que ces corps ont tendance à être éjectés loin du Soleil. L'effet n'est pas important pour des corps d'environ 1.000 mètres qui vont seulement migrer au total à 0,2 UA environ mais il le devient pour ceux d'environ 100 mètres, car en 3 millions d'années seulement ils se retrouveront au-delà de 0,3 UA.

    Quelques planétésimaux de grande taille auraient pu se former tout de même et conduire à la formation d'embryonsembryons planétaires de 1.000 km. Mais, selon le chercheur, un apport massif (l'équivalent de 10 à 20 massesmasses terrestres au total) en planétésimaux venant des régions plus éloignées du Soleil se serait produit en raison d'une migration supposée de Jupiter vers le Soleil. Une migration suivie d'une « marche arrière » du fait de la croissance rapide de Saturne qui aurait, par son champ de gravitationgravitation, rappelé Jupiter (des migrations des géantes ont été postulées dans le cadre du fameux modèle de Nicemodèle de Nice complété par celui du Grand Tack).

    De nombreuses collisions se seraient alors produites, faisant décroître les tailles des objets formés (notamment au-dessus de 100 km de diamètre) par fragmentation jusqu'à ce qu'ils atteignent 100 mètres tout au plus. Cela aurait au minimum freiné le processus de formation planétaire, permettant à Mercure, Vénus et la Terre de devenir plus massifs. Par l'effet de leurs masses, cela aurait aussi conduit les plus gros corps à être injectés sur des orbites plus lointaines, voire à être carrément éjectés du Système solaire.

    Ces processus auraient sculpté le jeune Système solaire au point de le rendre quelque peu singulier.