Une équipe de chercheurs a créé de fines fibres de glace quasi parfaites, capables de se courber pratiquement en cercle et de s’étirer. Un matériau qui transmet la lumière aussi efficacement qu'une fibre optique.


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    Avez-vous déjà essayé de plier une stalagmitestalagmite de glace ? Impossible : celle-ci va casser en deux comme un spaghetti si vous essayez de la tordre. Une équipe de chercheurs de l'université de Zhejiang en Chine a pourtant réussi à fabriquer des brins de glace ultrafins, à la fois flexibles et élastiques. Encore mieux : ces « fibres de glace » conduisent remarquablement bien la lumière, comme une fibre optique.

    Théoriquement, la glace a pourtant une limite de déformation élastique de 15 % environ. Mais dans la réalité, elle se brise dès que l'on essaye de l'étirer de plus de 0,1 % en raison des imperfections et des irrégularités de surface. Ces microfissures concentrent le stressstress mécanique et dispersent la lumière, ce qui rend la glace fragile et opaque. Afin d'améliorer ses propriétés, Limin Tong et ses collègues ont donc cherché à éliminer ces imperfections.

    La capacité de déformation de la glace atteint pratiquement sa limite théorique. © Peizhen Xu et al, Science, 2021

    Un « kebab » de fibre de glace

    Les chercheurs ont d'abord créé une minuscule chambre de 2,5 centimètres de diamètre, refroidie à -50 °C grâce à de l'azote liquide. Ils ont ensuite introduit une broche métallique en tungstène et appliqué un champ électrique de 2.000 voltsvolts à la chambre métallique. Les moléculesmolécules d'eau présentes dans l'airair se sont ainsi « accrochées » sur la broche, formant des fibres de glace de quelques micromètresmicromètres de diamètre. En refroidissant ces fibres à une température encore plus basse (-150 °C), les chercheurs sont parvenus à créer une déformation élastique de 10,9 %, et à courber la fibre de glace pratiquement en cercle, avant que celle-ci ne revienne à sa forme initiale sans courbure résiduelle.

    Une glace quasi parfaite

    « Rarement des propriétés mécaniques aussi proches des limites théoriques ont été atteintes dans un matériaumatériau quelconque », remarque avec admiration Erland Schulson, du Dartmouth College, qui a publié un article de perspective dans la revue Science. Selon lui, la quasi-absence de défaut structurel pourrait être liée à la vitessevitesse de cristallisation (200 micromètres de fibre par seconde).

    Cette glace presque « parfaite » possède aussi des qualités optiques remarquables. Les chercheurs ont pu constater que 99 % de la lumière transmise était restituée à l'autre bout. « Cette fibre pourrait donc servir de guides d'ondes optiques à faible perte à basse température », suggère Erland Schulson.

    La fibre de glace (ici un morceau de quatre micromètres de diamètre et 200 micromètres de long) transmet parfaitement la lumière à toutes les longueurs d’onde. © Peizhen Xu et al, Science, 2021
    La fibre de glace (ici un morceau de quatre micromètres de diamètre et 200 micromètres de long) transmet parfaitement la lumière à toutes les longueurs d’onde. © Peizhen Xu et al, Science, 2021

    Détecter la pollution de l’air

    Pas de quoi évidemment remplacer nos fibres optiquesfibres optiques en verre, d'autant plus que les échantillons obtenus sont pour l'instant très petits (quelques millimètres de long). Mais les chercheurs suggèrent en revanche de nombreuses autres utilisations possibles. Elles pourraient par exemple servir à étudier la qualité de l’air, les particules associées à la pollution (suiesuie, métauxmétaux...) adhérant souvent à des noyaux de glace dans l'atmosphèreatmosphère. Ces particules modifiant les propriétés réfléchissantes de la glace, il serait possible de détecter la pollution en analysant ses propriétés optiques. « Cette étude montre aussi un potentiel d'amélioration mécanique similaire pour d'autres matériaux cristallins », ajoute Erland Schulson. L'étude a été publiée dans l'édition du 9 juillet du magazine Science.