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Déjà distingué en 2010 par le prix Gauss et en 1970 par le prix Salem, le mathématicienmathématicien français Yves Meyer vient de recevoir le prix Abel, décerné chaque année depuis 2003 par l'académie norvégienne des sciences. À l'égal de la médaille Fields, qui a honoré Cédric Villani en 2010, cette récompense est considérée du niveau d'un prix Nobel, lequel n'existe pas pour les mathématiques.
C'est très justement qu'elle est attribuée à Yves Meyer, enseignant-chercheur éclectique, pour son travail décisif sur les « ondelettes ». Cet outil, né dans le domaine du traitement du signal, a trouvé de multiples applications, notamment dans la compression de données. Quand, sur InternetInternet, une image apparaît d'abord floue puis devient de plus en plus nette, c'est qu'elle a été comprimée avec la méthode des ondelettes, incorporée au protocoleprotocole JPeg 2000. Mais elle a aussi servi à extraire des données sorties de l'interféromètre géant eLigo le signal faible et perturbé qui trahissait le passage d'ondes gravitationnellesondes gravitationnelles.
Yves Meyer. © B. Eymann, Académie des sciences
Les ondelettes, un outil puissant de traitement du signal
Le procédé est celui d'une décomposition d'un signal en éléments simples, les ondelettes (nom de baptême inventé par Yves Meyer). Comme une note, c'est une sorte de brève vibration, qui apparaît et oscille. Son amplitude augmente durant un court laps de temps et s'atténue ensuite. La courbe est symétrique de part et d'autre du pic et également en positif et en négatif autour de la valeur 0.
Imaginé par un géophysicien, Jean Morlet (voir l'encadré Le saviez-vous ?)), un procédé, du type de l'analyse de Fourier, semblait pouvoir décomposer un signal quelconque en ondelettes. Yves Meyer a formalisé cette technique en introduisant les bases orthonormées d'ondelettes, un système qui permet de fixer les coordonnées d'une portion du signal et d'effectuer sur lui différentes opérations. Avec Alex Grossmann, Stéphane Mallat et Ingrid Daubechies, la technique s'est ensuite améliorée pour devenir plus rapide, élément clé de sa banalisation.
Les ondelettes s'utilisent à la manière des transformées de Fourier, pour décomposer un signal, mais elles ont un grand avantage. Alors que le procédé de Fourier fonctionne d'autant mieux (c'est-à-dire avec le moins possible de perte d'information) que la fonction est plus régulière, les ondelettes donnent de très bons résultats même avec des signaux très irréguliers. Elles font désormais partie des outils de traitements des signaux et permettent, entre autres, une compression efficace car elles fournissent en quelque sorte une série de représentations à des échelles différentes.
Le saviez-vous ?
Les ondelettes sont venues de la géophysique, des réflexions d’un ingénieur d’Elf-Aquitaine, Jean Morlet, qui, à la fin des années 1970, voulait mieux analyser les ondes sismiques réfléchies par le sous-sol. Le hasard d’une rencontre à côté de la photocopieuse a mis l’affaire entre les mains d’Yves Meyer, qui a immédiatement flairé la bonne idée. C’est lui-même qui l’avait raconté en 2005 dans le magazine La Recherche. Le mathématicien a alors compris que ce principe de décomposition d’un signal en ondelettes correspondait à une formule découverte vingt ans plus tôt par l’Argentin Alberto Calderón.
L’amélioration apportée par Yves Meyer a permis d’en faire une technique adaptable à tout signal qui s’exprime en deux dimensions, par exemple une amplitude qui varie avec le temps, ou une image. Mais ces techniques sont aussi envisageables pour l’étude de la turbulence des fluides.
Yves Meyer a aussi aidé les pavages de Penrose
Le processus est visible sur une image, quand les détails de plus en plus fins apparaissent successivement. On peut alors, par exemple, supprimer ceux que la résolutionrésolution de l'écran ne pourra de toute façon pas restituer. Ce procédé a des implications bien plus larges et permet de réaliser de multiples opérations sur un signal. Il a d'ailleurs depuis été complété par les « ridgelettes » et autres « bandelettes ».
Le Journal du CNRS relate le parcours scientifique de cet homme, qui, explique-t-on, accorde une grande importance à l'enseignement. Original, son itinéraire l'a conduit sur les pavages de Penrose. Sa théorie des ensembles modèles a permis la description des « quasicristaux », c'est-à-dire des alliages aux propriétés voisines de celle d'un cristal alors que leur structure n'est pas périodique. Lesquels ont valu le prix Nobel de chimie 2011 à Daniel Shechtman. Ces ensembles modèles peuvent aussi servir au traitement du signal. Bref, la science et la technologie doivent déjà beaucoup à Yves Meyer...