SuperCam, un des principaux instruments installés à bord du rover Perseverance a pour objectifs de chercher des traces de vie fossile et d'identifier les échantillons qui pourraient revenir sur Terre. Francis Rocard, responsable des Programmes d'Exploration du Système solaire au Cnes (maître d'ouvrage de la partie française de l'instrument) nous explique son fonctionnement et les attentes des scientifiques. Passionnant.
Parmi les sept instruments scientifiques de la mission Perseverance se trouve l'instrument SuperCam développé conjointement par un ensemble de laboratoires (Irap, Lesia, Latmos, LAB, IAS, Isae), universités et industriels français et américains (Lanl). Cet instrument, qui est la version boostée de ChemCam à bord du rover Curiosity de la Nasa, est conçu pour « chercher des traces de vie éteintes sur la Planète rouge et identifier les échantillons les plus intéressants à rapporter sur Terre », nous explique Francis Rocard, responsable des Programmes d'Exploration du Système solaire au Cnes (maître d'ouvrage de la partie française de l'instrument).
SuperCam est une évolution par rapport à ChemCam dont « il hérite du procédé Libs (en français spectroscopie de plasma induit par laser) qui consiste à utiliser un laser pour vaporiser le matériau à étudier, puis à analyser par spectrométrie la lumière émise par le plasma ainsi créé pour en déterminer la composition élémentaire, atome par atome ». Alors que ChemCam utilisait « seulement » le Libs pour déterminer la composition des roches et des sols, SuperCam intègre deux autres techniques d'analyse à distance, la spectrométrie Raman et l'infrarouge passif, ce qui va lui permettre d'acquérir des informations sur « la composition minéralogie et moléculaire, voire la présence éventuelle de matière organique sur la roche étudiée ».
Le saviez-vous ?
Les différentes techniques d'analyse de SuperCam fonctionnent à distance : jusqu’à 7 mètres pour le Libs, 12 mètres pour le Raman, et jusqu’à l’horizon pour la spectroscopie IR et l’imagerie.
Deux autres nouveautés sont à signaler. La caméra de contexte, en noir et blanc sur ChemCam, sera en couleur. « Elle photographiera en haute résolution les cibles analysées. » Un microphone, fourni par l'Isae-Supaéro, a été installé sur l'instrument, ce qui aidera à mieux connaître les propriétés mécaniques des roches en étudiant les sons associés aux impacts laser sur la roche martienne qui seront différents en fonction de la dureté et de la quantité de minéral abrasé.
« L'interprétation des sons (les tic-tic des impacts laser contre la roche) donnera des indications sur la structure et la dureté de la roche ». Ce microphone sera également utilisé pour écouter les vents martiens ainsi que les sons et bruits du rover, ce qui devrait aider les contrôleurs au sol à surveiller l'état de fonctionnement de Perseverance.
Identifier les échantillons à rapporter sur Terre
Parmi les sept instruments du rover, SuperCam sera le seul à pouvoir effectuer des mesures au-delà d'un périmètre de deux mètres. Il sera donc utilisé pour guider Perseverance en direction des roches « identifiées comme intéressantes » qui seront ensuite étudiées de près par les instruments de contact (Pixl et Sherloc) et sur lesquelles seront prélevés des échantillons. En fonction des résultats, l'équipe du rover « décidera de leur intérêt scientifique et s'il faut réaliser un prélèvement afin de le rapporter sur Terre ». Dans ce cas, un « carottage sera réalisé et l'échantillon placé dans un des 36 tubes ». Ces échantillons seront récupérés par le Fetch rover de l’ESA qui sera lancé en 2026 sur l'atterrisseur américain équipé du MAV...
Après les missions Viking de la Nasa (1976), les scientifiques ne cherchent plus la vie « vivante » en surface : « Nous estimons qu'elle n'existe pas en surface ou dans les premiers mètres du sous-sol ». Si elle existe, elle « pourrait se situer dans des niches biologiques situées à deux ou trois kilomètres de profondeur », voire avoir « un lien avec les émissions de méthane détectées dans l'atmosphère martienne ». Cependant, ces émissions « nous rendent perplexes car, certes, elles pourraient trahir l'existence de micro-organismes mais d'autres explications non liées à la vie sont également possibles, et les mesures actuelles ne permettent pas de trancher ».
Depuis 1976, la stratégie de la Nasa, du Cnes et de l'ESA est de « chercher des traces anciennes de vie éteinte en [se] basant sur les caractéristiques intrinsèques de la vie terrestre, seul exemple de vie que nous connaissons ». La tâche est tout sauf simple car le vivant n'est pas la seule source de matière organique. Les comètes ou les astéroïdes sont aussi des sources potentielles ! Après 8 ans d'exploration, Curiosity a certes montré que le cratère Gale avait été un habitable dans un lointain passé, qui se mesure en milliards d'années, mais sans pouvoir préciser pendant combien de temps. Mais, s'il a bien trouvé de la matière et des composés organiques, il n'a pas été possible d'en déterminer l'origine biologique ou minérale. Parmi les exemples de biosignatures que devrait chercher Perseverance, on citera les « molécules prébiotiques dont on sait que sur Terre le biologique les synthétise tels les acides aminés et les protéines » ou bien la mesure du rapport isotopique 12C/13C qui oscille en 89 (origine minérale) et 91-92 (origine biologique).
Dernier exemple, la « découverte de molécules chirales » dont certaines, comme quelques acides aminés sont « chimiquement identiques mais sont symétriques dans un miroir (comme les mains par exemple) ». Alors que le minéral produit les 2 formes en quantité égale, en se développant, la vie a sélectionné et favorisé une seule des deux formes, de sorte que « la mesure de la chiralité serait un indice fort sur l'existence passée d'une vie sur Mars ». À suivre donc.
- SuperCam est une évolution par rapport à ChemCam.
- Il aidera à identifier les échantillons qui seront rapportés sur Terre.
- Il cherchera des traces de vie éteintes.
- Il intègre deux techniques d’analyse à distance que n'a pas ChemCam : la spectrométrie Raman et l’infrarouge passif.