Lorsqu’il s’est posé sur Mars en février dernier, Perseverance a un peu volé la vedette à un autre rover : Curiosity. Cela fait près de dix ans maintenant que ce dernier arpente le cratère Gale. Et c’est grâce au télescope de sa ChemCam qu’une équipe franco-américaine vient de découvrir que par le passé, le climat de Mars a connu une alternance de périodes sèches et de périodes plus humides. William Rapin, chercheur au CNRS, nous explique.


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    En 2012, le rover Curiosity se posait sur Mars. Un engin lourd, de près de 900 kilogrammes. Destiné à explorer un gigantesque cratère d'impact, de 150 kilomètres de diamètre, le cratère Gale. « Au centre de ce cratère, on trouve des vestiges de son remplissage par les sédimentssédiments. Des roches sédimentairesroches sédimentaires partiellement érodées qui forment une montagne de cinq kilomètres de haut -- le mont Sharp ou Aeolis Mons -- et qui ont enregistré une partie de l'histoire de Mars », nous précise William Rapin, chercheur au CNRS, en introduction.

    « Depuis l'orbite, nous avions déjà une idée de la composition minérale des flancs du mont Sharp. Mais pour en apprendre plus, nous devions nous rendre sur place. C'est désormais chose faite. Et nous avons pu produire des images révélant en détail l'organisation des couches sédimentaires et les conditions dans lesquelles elles se sont formées. » Et celles-ci changent radicalement sur les quelques centaines de mètres d'épaisseur de relief exploré. Trahissant des changements climatiques survenus dans le passé.

    Le saviez-vous ?

    Le cratère Gale s’est formé sur Mars à une époque où de l’eau coulait encore sur la planète rouge. « L’une des premières choses que nous avons vues à la base du mont Sharp — une montagne qui se dresse au centre du cratère Gale —, lorsque Curiosity s’est posé sur la planète rouge en 2012, ce sont des boues séchées », nous rappelle William Rapin, chercheur au CNRS. « Depuis huit ans maintenant, nous explorons les sédiments qui formaient le fond d’un lac qui existait là il y a des milliards d’années. »

    William Rapin fait partie de l'équipe franco-américaine qui opère avec le rover CuriosityCuriosity. Il est plus exactement spécialiste de l'instrument ChemCam -- pour Chemistry Camera complet. « La particularité de cet instrument -- au-delà du fait qu'il a été fabriqué en France --, c'est qu'il est équipé d'un télescope. En principe, celui-ci sert à focaliser un laser pour analyser les roches à proximité du rover. Mais cette fois, nous avons détourné l'usage de ce télescope pour enregistrer des images et analyser les affleurementsaffleurements dans le paysage alors que Curiosity s'approchait du mont Sharp. »

    Au-dessus des argiles lacustres formant la base du mont Sharp, de larges et hautes structures entrecroisées sont le signe de la migration de dunes façonnées par le vent, lors d’un long épisode climatique sec. Plus haut, une fine architecture de couches alternativement friables et résistantes est typique de dépôts par une plaine d’inondation fluviale : c’est le retour de conditions plus humides. © Nasa, JPL-Caltech, MSSS, Cnes, CNRS, LANL, IRAP, IAS, LPGN
    Au-dessus des argiles lacustres formant la base du mont Sharp, de larges et hautes structures entrecroisées sont le signe de la migration de dunes façonnées par le vent, lors d’un long épisode climatique sec. Plus haut, une fine architecture de couches alternativement friables et résistantes est typique de dépôts par une plaine d’inondation fluviale : c’est le retour de conditions plus humides. © Nasa, JPL-Caltech, MSSS, Cnes, CNRS, LANL, IRAP, IAS, LPGN

    Des changements climatiques sur Mars

    Grâce à des images haute résolutionrésolution, le télescope de la ChemCamChemCam a donc donné aux chercheurs un premier aperçu de cette région. « Nous y avons observé des structures nouvelles. Au-dessus de la formation argileuse, au moins dans la partie inférieure de la formation comportant des sulfates, nous avons découvert des sédiments qui n'ont pas été déposés par des lacs. Il s'agit de dépôts arides formés vraisemblablement pendant une longue période sèche du passé de Mars. La preuve tant attendue que les sulfates du cratère Gale sont corrélés à un changement environnemental, un changement de climatclimat », nous explique William Rapin.

    Plusieurs centaines de mètres plus haut, le télescope de la ChemCam montre encore des structures différentes. Qui semblent cette fois correspondre à un environnement humide. « Pour la première fois, nous pouvons retracer l'évolution du climat martien sur plusieurs millions d'années. Mais la raison sous-jacente aux changements climatiqueschangements climatiques enregistrés dans le mont Sharp nous échappe encore. »

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    C'est là que le rover Curiosity entre à nouveau en scène. « Nous lui avons en quelque sorte tracé une feuille de route. À lui maintenant d'aller voir de plus près. D'aller chercher des indices qui nous permettront de comprendre ce qui s'est joué sur Mars pour permettre de tels changements climatiques », nous précise William Rapin. En menant des analyses chimiques qui permettront aux chercheurs d'établir enfin avec précision la composition de ces sédiments. « La foreuse de Curiosity est un instrument précieux pour nous. La poudre qu'elle produit est analysée par diffractiondiffraction aux rayons Xrayons X. » De quoi percer les secrets que Mars garde encore cachés dans ces affleurements.

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    « Curiosity vient juste d'arriver à la transition des sulfates », nous apprend William Rapin. « Les affleurements que nous présentons dans notre étude sont quelques mètres plus haut. L'excitation monte à mesure que le rover gravit les contrefortscontreforts du mont Sharp. Nous allons pouvoir commencer notre analyse stratigraphique. Nous parlons d'une épaisseur de stratesstrates de 500 mètres environ. Il nous faudra des années pour parcourir cette épaisseur. Nous ne savons pas si Curiosity y survivra. Mais notre objectif est de collecter un maximum de données pour comprendre ce qui a été à l'origine des changements climatiques qui se sont produits sur Mars il y a plus de trois milliards d'années », conclut le chercheur du CNRS.