À l’occasion du millième jour de la sonde InSight sur Mars, la Nasa et le Cnes ont annoncé que la mission avait détecté des nouvelles ondes sismiques différentes des précédentes et surtout produites par des séismes de magnitudes records.


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    Sur Terre, l'essor de la sismologiesismologie au cours de la première moitié du XXe siècle a été déterminant pour révéler la structure et la composition interne de notre Planète bleue. Tout comme les ondes lumineuses, les ondes sismiquesondes sismiques sont associées à des rayons réfléchis, réfractés et elles peuvent être diffractées tout en se propageant à des vitesses différentes selon leur nature et les conditions physico-chimiques des matériaux qu'elles traversent. L'étude de ces ondes les révèle comme très bavardes en ce qui concerne ces matériaux et les structures qu'ils constituent. Elles ont ainsi permis de cartographier en 3D l'intérieur de la Terre, y montrant l'existence des panaches des points chauds.

    Localisation des zones sismiques actives sur Mars. © Nasa, IPGP
    Localisation des zones sismiques actives sur Mars. © Nasa, IPGP

    Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, l'essor de l'astronautique a permis de transposer les modèles et les techniques de la géophysique et de la géochimie aux autres planètes pour faire de la planétologie comparée et voir comment les autres planètes avaient évolué et s'étaient structurées dans des conditions différentes. C'est donc un peu comme si la nature était un gigantesque laboratoire ayant des expériences dans des conditions variées avec les planètes, ce qui nous permet de comprendre l'influence de tel et tel paramètre sur l'état d'une planète lorsqu'il varie. Nous ne pouvons évidemment pas en faire de même avec la Terre qui serait dans un laboratoire où nous ferions ces expériences par exemple (dans une certaine mesure des simulations numériquessimulations numériques ou analogiquesanalogiques, comme l'expérience VKS, peuvent cependant nous aider à comprendre les planètes).

    Il n'est donc pas étonnant que l'on ait déposé des sismomètres sur la Lune et sur Mars avec la volonté de répéter les mêmes recherches que sur Terre via la sismologie, dans l'espoir d'y faire les mêmes découvertes. Dans le cas de Mars, ce sont les fameuses sondes Vikingsondes Viking qui ont apporté à la surface de la Planète rouge ces instruments en 1976. Hélas, le sismomètresismomètre de Viking 1 n'a pas fonctionné et celui de Viking 2Viking 2 n'était pas en contact direct avec le sol, ce qui limitait les informations que l'on pouvait tirer de la détection de séismes martiens.


    Une présentation de début 2018, avant son lancement, de la mission InSight (acronyme de l'anglais Interior Exploration using Seismic Investigations, Geodesy and Heat Transport ; en français : Exploration interne par les sondages sismiques, la géodésie et les flux thermiques). La vidéo explique pourquoi les planétologues veulent comprendre l'intérieur de Mars et pourquoi elle ne possède plus de champ magnétique. © Cnes

    Des tremblements de Mars dans Valles Marineris ?

    Ce n'est plus le cas avec l'instrument français Seis (Seismic Experiment for Interior Structures) qui a été déposé par la mission InSight de la Nasa, laquelle a fêté son 1000e jour martien (ou sol) sur la Planète rouge le 18 septembre dernier. Rappelons que la durée moyenne du jour sidéral martien est d'environ 24 h 37 min et la durée moyenne du jour solaire martien, souvent nommé « sol », est de 24 h 39 min. Insight a permis de préciser considérablement la structure interne de Mars et aujourd'hui deux communiqués, l'un de la Nasa et l'autre du Cnes, font état de la détection des deux plus puissants « tremblements de Mars » détectés à ce jour et de la mise en évidence de nouvelles caractéristiques concernant les séismes martiens.

    Le plus puissant séisme avait une magnitudemagnitude de 4,2 et sa source était la plus éloignée connue jusqu'à présent, à environ 8.500 kilomètres d'InSight, mais sa localisation précise n'a pas encore pu être déterminée. Ce que l'on sait par contre, c'est qu'elle a produit des vibrationsvibrations lentes et de basses fréquencesfréquences. A contrario, le second séisme record avait lui une magnitude de 4,1 et sa source a émis des vibrations rapides et de hautes fréquences quelque part à 925 kilomètres de Seis. Dans les deux cas, ces types d'ondes n'avaient pas été mis en évidence jusqu'à présent et elles sont porteuses de nouvelles informations.

    En fait, la majorité de signaux détectés semble provenir d'une source associée à Cerberus Fossae, un immense système de failles volcaniques situé à environ 1.609 kilomètres d'Insight. Il est intéressant de noter que l'on sait que Cerberus Fossae a été géologiquement active au cours des quelques dizaines de derniers millions d'années. Mais ce serait peut-être plus intéressant de découvrir que le séisme de magnitude 4,2 provient de Valles Marineris, le fameux grand canyon martien dont on se demande s’il ne serait pas la manifestation d’un analogue de la tectonique des plaques sur Terre.

    Comme l’explique dans une interview pour le CNRS le géophysicien Philippe Lognonné, Seis a permis de découvrir que « <em>l’activité sismique martienne se situe entre celle de la Terre et celle de la Lune. Elle est ainsi dix à vingt fois plus importante que sur la Lune, mais deux à trois fois plus faible que sur notre Planète, si on exclut les séismes dus à la tectonique des plaques</em> ». On voit ici une image en fausse couleur prise par HiRISE, la caméra de haute résolution à bord de la sonde MRO (Nasa) montrant une faille de la région Cerberus Fossae, là où beaucoup de séismes ont été localisés. © Nasa/JPL-Caltech/Univ. of Arizona
    Comme l’explique dans une interview pour le CNRS le géophysicien Philippe Lognonné, Seis a permis de découvrir que « l’activité sismique martienne se situe entre celle de la Terre et celle de la Lune. Elle est ainsi dix à vingt fois plus importante que sur la Lune, mais deux à trois fois plus faible que sur notre Planète, si on exclut les séismes dus à la tectonique des plaques ». On voit ici une image en fausse couleur prise par HiRISE, la caméra de haute résolution à bord de la sonde MRO (Nasa) montrant une faille de la région Cerberus Fossae, là où beaucoup de séismes ont été localisés. © Nasa/JPL-Caltech/Univ. of Arizona

    InSight a détecté plus de 300 « tremblements de Mars »

    Article de Xavier DemeersmanXavier Demeersman publié le 21/12/2019

    À l'écoute de l'activité interne de Mars et de ses soubresauts, InSight a relevé 322 évènements sismiques sur la Planète rouge en un an ! La majorité sont très faibles mais deux d'entre eux ont été plus forts et plus profonds. Les chercheurs pensent avoir trouvé leur origine.

    Sur Mars aussi il y a des tremblements de terretremblements de terre, comme le supposaient des planétologues et le démontre depuis un an magistralement le sismomètre Seis déployé par l’atterrisseur InSight. Même si la Planète rouge semble pétrifiée, son cœur continue en effet de battre.

    La semaine dernière, à l'occasion des rencontres de l'AGU (l'American Geophysical Union fête son centième anniversaire) à San Francisco, des chercheurs de la mission ont dévoilé un premier bulletin des enregistrements effectués depuis le déploiement du sismomètre Seissismomètre Seis à la surface de Mars. Fait intrigant : le taux de séismes n'a de cesse d'augmenter, sans que les géophysiciens ne comprennent pourquoi, passant « de quelques tremblements sporadiques après l'atterrissage d'InSight » à un rythme actuel de deux par jour, a fait savoir le chef de la mission Bruce Banerdt, du JPLJPL. Le total est à présent de 322 « tremblements de Mars ».

    D’où viennent les séismes les plus importants sur Mars ?

    La plupart des séismes relevés sont faibles mais les chercheurs en ont pointé deux qui se détachent vraiment des autres. Mesurés dans les basses fréquences, pas loin de la magnitude 4 sur l'échelle de Richteréchelle de Richter, leur origine est vraisemblablement dans le manteaumanteau, dans les profondeurs de la Planète rouge, à l'inverse de l'écrasante majorité des petites secousses lesquelles s'expriment dans les hautes fréquences (plus près de la surface ?). Le premier séisme « majeur » est survenu en mai et le second en juillet 2019. Alice Jacob, planétologue à l'Institut de physiquephysique de la Terre de Paris, situe ces deux évènements à quelque 1.600 kilomètres du robotrobot InSight, plus exactement dans Cerberus Fossae, une région sur Mars notoirement connue pour ses crevasses symptomatiques d'une activité sismique récente (géologiquement parlant).

    Vue en perspective d'une faille dans la région de <em>Cerberus Fossae</em> photographiée par la sonde Mars Express. © ESA, DLR, FU Berlin, CC by-sa 3.0 IGO
    Vue en perspective d'une faille dans la région de Cerberus Fossae photographiée par la sonde Mars Express. © ESA, DLR, FU Berlin, CC by-sa 3.0 IGO

    Le saviez-vous ?

    Le sismomètre Seis, conçu par le Cnes, ne fonctionne que durant la nuit martienne afin de ne pas être perturbé, et donc trompé, par les vents, particulièrement actifs le jour.

     

    Dans leur présentation, l'équipe raconte avoir mesuré des « impulsions magnétiques » chaque nuit autour d'InSight sans en connaître la cause. Les chercheurs n'excluent pas que ce soit une conséquence des interactions du vent solairevent solaire avec l'atmosphèreatmosphère ténue de Mars.

    Voir aussi

    À quoi ressemble un séisme sur Mars ?