Le magazine scientifique Nature a sélectionné les 10 personnalités scientifiques qui ont marqué l’année 2020. Actualité oblige, nombre d'entre elles sont liées à la lutte contre le coronavirus. Lanceur d’alerte, précurseur ou chef de crise : découvrez ces scientifiques qui ont joué un rôle clé en 2020.


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    La revue scientifique Nature a dévoilé sa liste annuelleannuelle des 10 scientifiques qui ont marqué l'année 2020. Des scientifiques qui, avec leurs collègues, ont aidé à faire des découvertes décisives et ont attiré l'attention sur des questions cruciales. Ce top 10, qui n'est ni un prix ni un classement, a été compilé par les rédacteurs en chef de Nature pour mettre en valeur les événements clés de l'année au travers de personnes impliquées.

    Tedros Adhanom Ghebreyesus : le lanceur d’alerte mondial

    Avec la crise de la Covid, l'Organisation mondiale de la SantéOrganisation mondiale de la Santé (OMS) s'est retrouvée au centre de l'actualité en 2020. Critiqué par les États-Unis pour sa gestion de la pandémiepandémie et accusé d'avoir tardé à décréter l’état d’urgence, son directeur Tedros Adhanom Ghebreyesus a vivement défendu son organisation et entamé une série de réformes au sein de l'institution, notamment sur sa gouvernance. Nommé en 2017, il aura fort à faire en 2021 sur la distribution équitable des vaccins entre les pays et avec l'enquête de l'OMS qui se rendra en Chine en janvier pour traquer l'origine du Sars-Cov-2Sars-Cov-2.

    Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur de l’OMS. © Tedros Adhanom Ghebreyesus
    Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur de l’OMS. © Tedros Adhanom Ghebreyesus

    Verena Mohaupt : la vigie de l’Arctique

    Verena Mohaupt est la coordinatrice et logisticienne de l'Observatoire multidisciplinaire de la dérive pour l'étude du climatclimat arctiquearctique (Mosaic Expedition), la plus grande expédition de recherche arctique de l'histoire. Cette dernière implique environ 300 scientifiques qui recueillent des données sans précédent sur l'Arctique destinées à mieux prévoir comment le réchauffement transformera la région et le reste du globe pour les décennies à venir. L'expédition s'est avérée être un véritable défi : elle s'est déroulée dans l'obscurité constante pendant des mois tandis que les ours polairesours polaires erraient à proximité, que des tempêtestempêtes secouaient le navire et que la glace se déplaçait. Verena Mohaupt a su faire face aux pires conditions pour assurer la continuité de la mission.

    Gonzalo Moratorio : le chasseur de coronavirus

    Virologue à l'Institut Pasteur de Montevideo et à l'université de la République de l'Uruguay, Gonzalo Moratorio a été largement salué pour sa gestion de l'épidémieépidémie en Uruguay, un pays largement épargné par la pandémie de Covid-19Covid-19. Alors que le Brésil et l'Argentine, pays voisins, sont lourdement frappés, l'Uruguay n'enregistre en effet que 105 morts et un peu plus de 11.000 cas au 18 décembre, un des plus faibles taux du monde. Le pays a été l'un des premiers à déclarer l'urgence sanitaire et à déclencher une politique de tests massifs, dont l'un a été inventé par Gonzalo Moratorio lui-même.

    Adi Utarini : aux manettes de la lutte contre la dengue

    Alors que le coronaviruscoronavirus balayait le monde, Adi Utarini et ses collègues se sont concentrés sur une autre maladie qui ravage l'Amérique latine et touche près de 400 milions de personnes par an : la denguedengue. Adi Utarini est à l'origine d'un essai de relâche de moustiques génétiquement modifiés dans une grande ville indonésienne qui a permis de réduire de 77 % les cas de dengue. Les travaux d'Adi Utarini ont débuté en 2011 mais la scientifique a bataillé durant des années pour faire accepter son projet. Les moustiquesmoustiques modifiés restent aujourd'hui l'une des stratégies les plus prometteuses dans la lutte contre les maladies transmises par les moustiques (ZikaZika, dengue, paludismepaludisme...)

    Jacinda Ardern : chef de crise

    Il faut bien l'avouer : Jacinda Ardern était déjà très populaire avant la crise du coronavirus. La Première ministre de Nouvelle-Zélande, élue en 2017, détonne par son jeune âge (40 ans à peine) et son dynamisme. Sa gestion de l'épidémie dans son pays, mélange de fermeté et d'empathieempathie, a permis d'unifier la nation de 5 millions d'habitants derrière des mesures sans précédent qui ont conduit à une rare réussite de lutte contre le virus. La Nouvelle-Zélande, qui totalise en tout et pour tout 25 morts et 2.110 cas au 18 décembre (soit 45 fois moins moins que la France, chiffre proportionnellement rapporté à la population), est l'une des rares à avoir éradiqué totalement le virus à deux reprises. À noter que Jacinda Ardern s'est aussi distinguée en matière d'environnement, en inscrivant dans la loi la neutralité carbone pour son pays d'ici 2050.

    Jacinda Ardern, Première ministre de Nouvelle-Zélande. © Nevada Halbert, Flickr
    Jacinda Ardern, Première ministre de Nouvelle-Zélande. © Nevada Halbert, Flickr

    Kathrin Jansen : pionnière du vaccin anti-Covid

    Lorsqu'a débuté l'épidémie de coronavirus et que les laboratoires ont eu accès au génomegénome du Sars-Cov-2, Kathrin Jansen savait qu'elle prenait un gros risque. À la tête de la recherche et du développement de la division vaccinsvaccins chez PfizerPfizer, cette femme de 62 ans a misé sur une technologie encore jamais éprouvée dans la fabrication de vaccin à grande échelle : celle de l'ARN messager. Bien lui en a pris : non seulement le vaccin de Pfizer a été approuvé avant tous les autres par les différentes autorités de santé, mais il présente une efficacité inespérée (plus de 95 %). Un résultat obtenu en un temps record : 210 jours. Il faut dire que Kathrin Jansen est loin d'être une débutante : elle est derrière le développement de nombreux vaccins dont le Prevenar 13 contre les infections à Streptococcus pneumoniaeStreptococcus pneumoniae, l'un des plus vendus au monde.

    Li Lanjuan : l’architecte du confinement

    Le 18 janvier 2020, Li Lanjuan a été dépêchée par les autorités chinoises pour évaluer la situation à Wuhan, là où l'épidémie de Sars-Cov-2 commençait à prendre de l'ampleur. Deux jours plus tard, l'épidémiologiste de 73 ans appelait à un confinement total de la ville entière, soit 11 millions d'habitants. Du jamais vu dans une pandémie, et qui a laissé sceptiques, voire moqueurs, plusieurs pays démocratiques à l'époque. Li Lanjuan avait pourtant plus que personne saisi le danger. « Si l'infection continue de se propager, d'autres provinces perdront également le contrôle, comme Wuhan. L'économie et la société chinoises souffriront gravement », déclarait-elle dans une interview accordée le 22 janvier à la télévision d'État chinoise. Son modèle sera suivi (avec plus ou moins de nuances) par le monde entier.

    Zhang Yongzhen : le transmetteur de génome

    La course internationale contre la Covid-19 a commencé dans la matinée du 11 janvier à Shanghai. C'est alors que le virologue Zhang Yongzhen, après des jours d'hésitation, a accepté de mettre en ligne le génome du virus qui causait une maladie ressemblant à une pneumoniepneumonie à Wuhan, en Chine. Les scientifiques du monde entier ont alors eu accès aux données sur le virus et ont pu commencer à l'étudier sous toutes ses coutures, concevoir les vaccins et analyser la façon dont il attaque les cellules. Zhang Yongzhen a pourtant enfreint les lois des autorités chinoises, qui avaient interdit aux laboratoires de publier des informations sur le virus. Le virologue de 55 ans n'en tient pourtant pas rigueur à son pays qu'il estime avoir joué la prudence.

    Chanda Prescod-Weinstein : de la matière noire à la cause noire

    Elle cumule les étiquettes sur sa fiche Wikipedia : Chanda Prescod-Weinstein est qualifiée à la fois de « cosmologiste, astrophysicienne, écrivaine et militante féministe américaine et barbadienne ». Alors qu'elle n'est pas encore professeur permanente à l'Université du New Hampshire où elle travaille, la jeune femme de 38 ans s'est déjà fait remarquer pour ses travaux sur la matière noire, notamment sur la façon dont les axions pourraient influencer la formation de galaxies et d'autres structures. Elle s'est surtout fait connaître pour son engagement contre le racisme dans la science, relayant une grande campagne en ligne et une grève pour exiger que les institutions s'attaquent au problème.

    Chanda Prescod-Weinstein, astrophysicienne à l’université du New Hampshire. © Jeremy Gasowski, université du New Hampshire
    Chanda Prescod-Weinstein, astrophysicienne à l’université du New Hampshire. © Jeremy Gasowski, université du New Hampshire

    Anthony Fauci : le défenseur de la science

    L'ultra-médiatisé « Docteur Fauci » est devenu tout à la fois un héros national -- on trouve même des T-shirts et des peluches à son effigie aux États-Unis -- et une bête noire pour les partisans de Trump. Les avis et déclarations du directeur de l'Institut national des allergiesallergies et maladies infectieuses (Niaid), propulsé médecin en charge de la cellule de crise contre le coronavirus, entrent bien souvent en conflit avec ceux du Président Trump lorsqu'il cherche à faire prendre conscience de l'ampleur et la gravité de la maladie. « Il a joué un rôle très important dans la compréhension de la science auprès du grand public et de nos dirigeants élus », assure l'épidémiologiste Michael Osterholm. L'homme de 80 ans, qui a travaillé auprès de six présidents américains, ne compte pas prendre sa retraite l'an prochain : il a accepté d'être le conseiller médical en chef du président Joe Biden nouvellement élu.

    Anthony Fauci, directeur du Niaid. © Niaid
    Anthony Fauci, directeur du Niaid. © Niaid